Faux

Les coulisses de la recherche : sur les traces du Faussaire aragonais

Par Elsa Espin · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2025 - 487 mots

Elsa Espin raconte le cheminement qui lui a permis de repérer ce faussaire du début du XXe siècle..

Découvrir une œuvre oubliée, identifier un artiste ou attribuer une peinture ignorée sont autant de moments qui font tout le sel du métier d’historien de l’art. Rien n’est plus exaltant que de percer un mystère et de redonner à une œuvre sa juste place dans l’histoire. Mais lorsqu’il s’agit d’un faux, l’enquête prend une tournure singulière. L’œuvre prétend être ce qu’elle n’est pas, défiant parfois les experts les plus aguerris. Ce défi intellectuel m’a conduit à constituer un dossier sur les faux, jusqu’à croiser la route du Faussaire aragonais.

Souvent sous-estimé, le faux est une œuvre d’art à part entière. Il dépasse la simple supercherie et raconte une histoire : celle du goût, de son évolution, mais aussi celle de la maîtrise technique déployée pour tromper. Là où l’intention frauduleuse rencontre l’habileté artistique, le faux devient un témoignage fascinant des sensibilités esthétiques d’une époque, reflétant également les attentes du marché de l’art.

Mon intérêt pour les faux et plus particulièrement pour les falsifications de la peinture primitive ibérique est né du constat qu’ une vague de contrefaçons a touché la France et la Flandre vers 1900. Ces œuvres étaient conçues pour être attribuées à des écoles artistiques à la cote élevée sur le marché. Mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir à Toulouse un faux primitif aragonais, réalisé avec une volonté évidente de s’inscrire dans une tradition picturale peu prisée des collectionneurs. Pensant d’abord à un cas isolé, je l’ai classé en attendant d’avoir suffisamment de matière pour approfondir le sujet.

Ma véritable rencontre avec ce faussaire s’est faite dans le cadre du Recensement des tableaux ibériques dans les collections publiques françaises (RETIB), à l’occasion de la campagne d’inventaire réalisé en Nouvelle-Aquitaine. Dans les réserves du Musée des beaux-arts de Pau, j’ai découvert deux panneaux attribués à un anonyme espagnol du XVe siècle. Le traitement maladroit, même pour de l’art aragonais souvent qualifié de peu raffiné, a éveillé mon doute. Les physionomies rappelaient un panneau conservé à Toulouse, que je savais être un faux. Une vérification rapide dans mes dossiers a confirmé mon intuition : ces trois panneaux étaient issus de la même main. Un début de corpus venait d’émerger !

En élargissant mes recherches, j’ai découvert d’autres œuvres de la même main. D’abord dans les collections publiques, comme au Musée des beaux-arts de Lyon. Puis grâce aux signalements d’amis et de collègues. Peu à peu, les pièces du puzzle se sont assemblées, révélant une évidence : j’étais face à l’œuvre d’un faussaire, certes maladroit, mais semble-t-il prolifique.

Les falsifications identifiées à ce jour ne constituent pas un inventaire exhaustif de sa production. Il est probable que d’autres œuvres du même faussaire se trouvent encore dans des collections publiques ou privées, comme le laisse supposer l’apparition d’au moins trois panneaux de sa main en vente aux enchères. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Les coulisses de la recherche : sur les traces du Faussaire aragonais

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