Église - Restauration

Les bons comptes du chantier de la cathédrale Notre-Dame

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 octobre 2022 - 720 mots

PARIS

Optimiste sur l’échéance de 2024 pour la reprise du culte, la Cour des comptes enjoint au ministère de la Culture d’accélérer sa réflexion sur la mise en valeur patrimoniale et l’exploitation touristique.

Installation d’une loge de taille de pierre sur le parvis de la cathédrale pour la restauration des sculptures figuratives ou décoratives, été 2022. © David Bordes / Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Installation d’une loge de taille de pierre sur le parvis de la cathédrale pour la restauration des sculptures figuratives ou décoratives, été 2022.
© David Bordes / Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Paris. Dans son second rapport consacré à la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Cour des comptes l’écrit noir sur blanc : « Les conditions permettant d’assurer la réouverture de Notre-Dame en 2024 semblent aujourd’hui réunies. » Alors que le chantier de restauration est entamé depuis maintenant un an, les magistrats sont optimistes quant à l’objectif de célébrer une messe dans la nef d’ici deux ans. En revanche, l’objectif d’accueillir les 12 millions de visiteurs annuels parcourant le monument le plus visité de France avant son incendie – une fréquentation surévaluée à 14 millions en tenant compte de l’effet de curiosité – s’éloigne. Dans ses recommandations, la Cour des comptes demande au ministère de la Culture de prendre cette mission à bras-le-corps.

Le climat d’indécision qui règne autour de la mise en sécurité de la cathédrale est emblématique du manque de préparation et de coordination entre les différents opérateurs, pointe le rapport. Le projet scientifique et culturel de la cathédrale renvoie en effet ce chantier de la sécurité à la responsabilité de l’exploitant qui prendra le relais de l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris (EP-RNDP) dès 2024. Précisément, la Cour des comptes trouve inacceptable que l’édifice ouvre en 2024 sans que l’équipement de sécurité incendie soit réalisé, et sans que les moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement soient garantis. Le rapport recommande ainsi la désignation d’un responsable unique dédié à la sécurité.

Plus largement, les magistrats de la rue Cambon attendent de l’État une stratégie sur la mise en valeur et en tourisme du site, « qui ne peut-être confiée à l’établissement public [Rebâtir Notre-Dame de Paris], dont la mission prioritaire de restauration mobilise l’essentiel des moyens et qui ne dispose pas d’une expertise en la matière ». La surfréquentation du site constitue un enjeu, de sécurité et patrimonial : des flux mal gérés seront néfastes à la préservation de l’édifice à peine restauré. La Cour conseille à ce titre d’élargir le périmètre du monument, et envisage l’ouverture d’un « musée de l’œuvre », permettant de mieux répartir les visiteurs. L’unique séance de travail consacrée à la réouverture de Notre-Dame réunissait au printemps le Centre des monuments nationaux (CMN), l’EP-RNDP et la direction générale des Patrimoines. Aucun échange n’a eu lieu avec la Ville de Paris, pourtant maître d’ouvrage du chantier paysager des abords du monument.

Quel rôle pour le Centre des monuments nationaux ?

La Cour des comptes regrette ce manque de communication entre les différents opérateurs, et en particulier l’isolement du CMN, gestionnaire domanial historique du site. Si ce dernier a été remplacé le temps des travaux par l’EP-RNDP, son rôle dans l’exploitation future n’a toujours pas été précisé. « Si la gestion de la cathédrale doit à nouveau lui être confiée lors de la réouverture au public, ceci suppose qu’il soit associé à l’ensemble des comités et des discussions. Si le CMN ne devait pas retrouver cette fonction, il conviendrait qu’on définisse sans tarder un autre modèle », estiment les magistrats. Par ailleurs, le rapport confirme que l’expertise du CMN en matière de valorisation patrimoniale n’a pas été sollicitée.

Inquiet pour l’exploitation future de Notre-Dame, le rapport est en revanche laudatif sur la conduite des travaux par l’EP-RNDP. Y est souligné le très bon fonctionnement de sa gouvernance, qui laissait craindre à sa création une concentration des décisions au niveau exécutif. Le pouvoir de son président est bien contrebalancé par plusieurs instances : comité scientifique, comité d’audit, comité de suivi des dons. La visibilité donnée par l’établissement sur les finances du chantier et son calendrier satisfont l’exigence de transparence attendue par les donateurs, obligation légale pour l’opérateur public. Enfin, constatant que le montant des dons excède la somme dépensée pour les travaux de sécurisation et celle généreusement provisionnée pour le chantier de restauration, le rapport plaide pour que le reliquat soit affecté au traitement des pathologies identifiées avant l’incendie. Soit un nettoyage des parties extérieures de la cathédrale, estimé à 160 millions d’euros, que les mécènes semblent disposés à financer. La Cour des comptes invite l’ER-RNDP et le ministère de la Culture à programmer dès aujourd’hui ce « petit » chantier, afin de profiter des installations de la grande restauration qui s’achèvera en 2024.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°597 du 21 octobre 2022, avec le titre suivant : Les bons comptes du chantier de la cathédrale Notre-Dame

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