L’ancien ministre égyptien, très francophile, va devoir affronter une situation financière délicate dans un contexte géopolitique tendu.
Paris. Ancien ministre des Antiquités et du Tourisme de l’Égypte de 2016 à 2022, Khaled El-Enany (né en 1971) a été proposé pour le poste de directeur général par le conseil exécutif de l’Unesco, l’instance décisionnaire de l’organisation internationale également chargée de la mise en œuvre du budget. Largement soutenu par la Ligue arabe, Khaled El-Enany a été choisi face au candidat qui se présentait en interne, le Congolais Firmin Édouard Matoko, ancien sous-directeur de l’Unesco.
Parfaitement francophone depuis ses études à l’université de Montpellier, Khaled El-Enany a obtenu le soutien de la France, et a d’ailleurs reçu la Légion d’honneur (grade de chevalier) en septembre. Son élection devrait être approuvée le 6 novembre à l’issue de la conférence générale réunissant ses 193 membres à Samarcande (OuzbéKistan), car celle-ci a jusqu’à présent toujours suivi les recommandations du conseil exécutif. Il sera alors le premier directeur général issu du monde arabe depuis la création de l’Unesco.
Si Khaled El-Enany a été contesté en Égypte lors de ses mandats de ministre pour des destructions de sites archéologiques (nécropoles antiques) et un comportement autoritaire, son parcours en fait le candidat idéal à ce poste. En plus de l’arabe (une des langues officielles de l’Unesco), il parle couramment l’anglais et le français, il est archéologue de formation et a occupé plusieurs postes de direction dans des grands musées dont le Musée égyptien du Caire (2015-2016). Depuis 2024, il est ambassadeur spécial pour le tourisme culturel auprès de l’Organisation mondiale du tourisme. Lors de sa campagne, il a déclaré vouloir se concentrer sur « l’éducation et les sciences » et ne pas limiter les actions de l’Unesco au patrimoine culturel. Il a également affirmé vouloir développer la stabilité financière de l’organisation, notamment via des financements privés. La directrice générale sortante, Audrey Azoulay, avait déjà abordé le problème du mode de financement à la suite du départ des États-Unis et d’Israël en 2019. Le retour des États-Unis à l’Unesco en 2023 avait permis d’assainir la situation, et Washington avait commencé à payer ses arriérés, dont le montant dépassait 640 millions de dollars (lire le JdA no 615, 7 juillet 2023). L’annonce par Donald Trump d’un nouveau départ des États-Unis au printemps 2025 vient donc rouvrir cette crise, sans compter le départ annoncé du Nicaragua en raison de la remise d’un prix de l’Unesco à un journal d’opposition. L’Unesco n’a pas communiqué le montant des arriérés que les États-Unis doivent régler d’ici fin 2026 : à leur retour en 2023, les États-Unis avaient payé 34 millions de dollars, et Joe Biden s’était engagé à consacrer 150 millions de dollars par an à résorber cette dette, avec un plan financier élaboré par la délégation japonaise à l’Unesco.
Le nouveau directeur général devra donc gérer une crise qui dure depuis près de cinq ans, dans un contexte géopolitique très tendu du fait de la guerre en Ukraine et de la situation à Gaza. L’organisation fait face depuis plusieurs années à des critiques récurrentes de la part d’Israël et des États-Unis qui l’accusent d’inefficacité et de biais anti-Israël, voire d’antisémitisme. Les organes de l’Unesco ont rendu plusieurs décisions concernant les sites patrimoniaux de Gaza et Cisjordanie, décisions dénoncées par Israël. À l’été 2025, l’administration américaine a accusé pêle-mêle l’Unesco de propager « un agenda mondialiste et idéologique », et de favoriser « une rhétorique anti-Israël » depuis l’entrée de la Palestine comme État membre (2011). Si Audrey Azoulay a réussi à diversifier les sources de financement pour moins dépendre des grands contributeurs (États-Unis, Chine), l’Unesco reste fragilisée alors qu’elle doit affronter les conséquences du changement climatique sur le patrimoine culturel et naturel, la montée des discours anti-science et la contestation de son rôle diplomatique. La difficulté de l’Unesco à faire respecter les traités internationaux pour protéger le patrimoine et les lieux de savoir en Ukraine, à Gaza, au Soudan ou au Yémen n’est pas le moindre des défis qui attendent le nouveau directeur.
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Le nouveau directeur général de l’Unesco, Khaled El-Enany, arrive en terrain miné
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Le nouveau directeur général de l’Unesco, Khaled El-Enany, arrive en terrain miné









