Royaume-Uni - Restitutions

Le gouvernement éthiopien tente d’empêcher la vente d’un bouclier pillé

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 29 février 2024 - 502 mots

ROYAUME-UNI

Ce bouclier du XIXe siècle, saisi par les soldats britanniques en 1868, est mis aux enchères chez Anderson & Garland.

Bouclier éthiopien, XIXe siècle, diam. 52 cm. © Anderson & Garland
Bouclier éthiopien, XIXe siècle, diam. 52 cm.
© Anderson & Garland

La maison de ventes britannique Anderson & Garland met aux enchères un bouclier de guerrier abyssin, aujourd’hui jeudi 29 février. Il est estimé entre 800 et 1 200 £ (environ 935 à 1 400 €) et est proposé aux côtés de nombreux autres accessoires militaires. Cette vente fait controverse puisque le bouclier a été pillé durant l’ère coloniale, lors de la bataille de Maqdala de 1868 qui a vu s’opposer les forces britanniques et éthiopiennes. Le gouvernement éthiopien a contacté Anderson & Garland pour que le bouclier soit retiré des enchères et restitué à sa patrie d’origine.

L’Ethiopia National Heritage Restitution Committee (ENHRC) a adressé une lettre à Anderson & Garland, affirmant que le bouclier avait été « acquis à tort » et qualifiant cette vente d’« inappropriée et immorale ». « Nous vous invitons donc fortement à annuler la vente aux enchères et vous demandons de contacter les vendeurs pour organiser la restitution de cet objet pillé ainsi que son rapatriement vers son pays d’origine et ses propriétaires légitimes » écrit Abebaw Ayalew, le directeur du comité qui relève du ministère éthiopien du tourisme. Il peut compter sur le soutien d’Alula Pankhurst, universitaire et anthropologue britannique spécialisé dans les études éthiopiennes, qui défend cette restitution sur ses réseaux sociaux.

Selon The Guardian, un représentant d’Anderson & Garland a accusé réception de la lettre, mais la maison de ventes n’a pas fourni d’autres commentaires.

Dans le catalogue de la vente, l’objet est décrit comme suit : « un bouclier circulaire en peau, décoré, avec des sangles en métal blanc et des appliques florales ». L’inscription « Magdala 13 avril 1868 », la date de la bataille, est gravée au centre de l’écu. Anderson & Garland fait mention des événements entourant l’acquisition du bouclier, évoquant les pillages pratiqués par les forces britanniques, mais ne fournit aucun détail quant à sa provenance après 1868. Il aurait été vraisemblablement acquis par un soldat britannique. Les commissaires-priseurs n’ont fourni aucun nom de vendeur.

Le bouclier fait partie des milliers d’objets royaux, religieux et militaires pillés lors de la bataille de Maqdala (ou Magdala), qui a eu lieu en 1868 dans l’actuel village d’Amba Mariam, situé au centre de l’Éthiopie. Un corps expéditionnaire britannique, mené par le général Robert Napier, a assiégé et incendié la forteresse de l’empereur Téwodros II. Ils ont aussi ramené avec eux de nombreux objets locaux, qui se sont ensuite retrouvés dans des collections privées ou dans de grands musées britanniques comme le British Museum ou le Victoria and Albert Museum.

Cela fait des années que le gouvernement éthiopien réclame la restitution de ces objets pillés en 1868. En 2007, il avait déjà demandé aux institutions britanniques de rendre une centaine d’objets provenant de Maqdala (dont des manuscrits, insignes et bijoux), en vain. En 2021, le gouvernement a pu en revanche faire annuler la vente à Bridport (comté du Dorset) d’une bible copte et de trois gobelets en corne pillés à Maqdala, qui leur ont ensuite été restitués.

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