Polémique

Le fait du prince de Liechtenstein

Aux prises avec l’administration britannique, le prince de Liechtenstein a annulé l’exposition de ses chefs-d’oeuvre à la Royal Academy à Londres

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2010 - 768 mots

Agacé par la saisie de l’un de ses tableaux dans le cadre d’une enquête des services fiscaux britanniques, et par les lenteurs administratives qui en ont résulté, le prince de Liechtenstein a annulé l’exposition consacrée aux trésors de sa collection qui devait se tenir à l’automne à la Royal Academy à Londres.

LONDRES - Le prince de Liechtenstein, Hans-Adam II, a fait annuler une exposition prévue à l’automne à la Royal Academy à Londres, où devaient figurer les plus belles pièces de ses collections. Cette décision survient après la saisie, dans le cadre d’une enquête des services des douanes et des impôts britanniques (HM Revenue & Customs), d’un tableau acquis au Royaume-Uni par le prince. Le Portrait de Don Diego, fils de Philippe II d’Espagne (1577), d’Alonso Sánchez Coello, a été saisi il y a plus de deux ans à la suite d’un conflit concernant des licences d’exportation.

Neuf tableaux
Dans un communiqué publié le 16 décembre par le Musée Liechtenstein à Vienne, en Autriche, les responsables annonçaient « avec regret » que l’exposition à la Royal Academy « n’aurait désormais pas lieu ». Prévue à l’automne, celle-ci devait être l’une des deux manifestations majeures de l’année pour l’institution, avec plus d’une centaine de prêts parmi lesquels des chefs-d’œuvre signés Rubens et Van Dyck, et sans doute le cabinet Badminton, le meuble le plus cher du monde. « Le prince n’estime pas appropriée la poursuite des préparatifs de l’exposition tant que le problème du tableau de Sánchez Coello n’est pas résolu », a expliqué Johann Kräftner, directeur du Musée Liechtenstein, ajoutant que le prince serait susceptible de programmer à nouveau l’exposition à une date ultérieure, une fois le conflit résolu. Charles Saumarez Smith, directeur général de la Royal Academy, nous a confié « regretter sincèrement l’annulation de l’exposition du Liechtenstein » et être « très contrarié » par ce qui s’est passé. Il a ensuite prévenu qu’un tel geste « mettrait en péril les relations internationales avec le Liechtenstein ».

Le portrait de Coello a été saisi le 12 septembre 2007 au cours d’une enquête portant sur les demandes de licences d’exportation déposées par le marchand londonien Simon Dickinson concernant neuf tableaux provenant de la collection de Lord Northbrook et vendus au prince de Liechtenstein. Cette enquête a été lancée après la parution d’un article annonçant cette vente « à prix de gros » dans The Art Newspaper [notre partenaire éditorial] en décembre 2006. Elle a traîné en longueur, provoquant la frustration de toutes les parties concernées. Le Coello a entre-temps été entreposé dans les réserves de la National Gallery, dans un espace interdit aux employés. À la suite des récentes protestations du prince sur la lenteur de l’affaire, le tableau a été remis à son représentant à Londres le 10 novembre 2009. Le Coello n’a cependant toujours pas obtenu de licence d’exportation pour quitter le Royaume-Uni.

Le secrétaire britannique à la culture, Ben Bradshaw, nous a confié qu’il était crucial de poursuivre les « procédures légales » requises, afin de faire aboutir l’enquête. Or, même si les problèmes juridiques viennent à être résolus, la licence d’exportation sera vraisemblablement différée pour permettre à un acheteur britannique de se porter acquéreur de l’œuvre pour une somme équivalente à celle payée par le prince (comme l’avait recommandé le Comité de surveillance des exportations en 2007, avant que la procédure ne soit interrompue par l’enquête).
 
D’après nos informations, la National Gallery était prête à acquérir le Coello – au début du mois de décembre, le prince a créé la surprise en décidant de vendre le tableau à la National Gallery. Le prix en discussion avoisinait les 2 millions de livres sterling (2,24 millions d’euros). Or le tableau est toujours l’un des objets de l’enquête menée par les services des douanes et des impôts. Le Trésor, dont dépend cette administration fiscale, a clairement signifié au ministère britannique de la Culture (Department for Culture, Media and Sport) que la vente du tableau viendrait compliquer la situation. Le ministère a ensuite transmis cet avis à la National Gallery, arguant que le musée, en tant qu’entité publique recevant des fonds du gouvernement, ne devait pas acquérir un objet qui fait actuellement l’objet d’une enquête menée par une autre entité officielle. La National Gallery s’est donc résignée à ne pas procéder à l’achat.
 
Charles Saumarez Smith nous a précisé qu’il « trouvait étrange que le Coello ait quitté les réserves la National Gallery, mais qu’il n’avait pas pu être vendu au musée, provoquant ainsi l’annulation de [l’]exposition ». La Royal Academy se retrouve aujourd’hui forcée de trouver une exposition pour remplacer les trésors du Liechtenstein.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : Le fait du prince de Liechtenstein

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