Foire

L’Armory Show reprend des couleurs mais reste fragile

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 11 mars 2015 - 694 mots

La foire d’art moderne et contemporain new-yorkaise demeure faiblarde face à une concurrence dynamique.

NEW YORK - New York est une capitale culturelle cosmopolite, où la diversité de l’offre artistique est notoire. Dominée par l’Armory Show, la semaine des foires d’art contemporain d’hiver n’a finalement pas dit autre chose, qui a donné à voir un salon principal assez pauvre et deux redoutables concurrentes, de taille bien moindre mais de meilleure qualité.

L’Armory Show, dont la 16e édition s’est tenue du 5 au 8 mars, certes revient de loin pour n’avoir cessé de se déliter jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle direction voilà quatre ans. De sa liste réunissant 199 galeries provenant de 28 pays, elle n’avait pas à rougir, qui pour l’essentiel comprenait des galeries de bonne tenue proposant pour nombre d’entre elles des artistes intéressants. Notable était également un focus réussi sur l’art du Moyen-Orient. Le commerce s’y est très bien comporté, comme toujours à New-York, avec même quelques « sold out » affichés dès le vernissage, ainsi pour les tableaux de Joe Reihsen présentés par Praz-Delavallade (Paris).

« Un petit Chelsea ! »
Néanmoins, l’ensemble ne s’est pas montré très palpitant, et la visite fut un rien ennuyeuse. Des noms ne font en effet pas une dynamique si n’est pas engagée une logique de projets. Les stands ayant la hauteur de vue de celui de Skopia (Genève), intégralement consacré à Thomas Huber, avec en tout et pour tout quatre tableaux de l’artiste suisse, n’étaient pas légion. Ici et là de belles propositions étaient toutefois notables, comme le surprenant ensemble de Daniel Buren concocté par Kamel Mennour (Paris), la conversation imaginée entre les tableaux de Farah Atassi et de Christian Hidaka chez Michel Rein (Paris), les beaux ensembles de photographies de Caio Reisewitz chez Luciana Brito (São Paulo), ou encore les solo shows de Gary Hill et d’Alan Vega respectivement orchestrés par James Harris (Seattle) et Laurent Godin (Paris).

Mais pour la grande majorité d’entre eux, même s’ils comportaient parfois quelques bonnes œuvres, les stands furent très vite vus, avec des produits faciles et attractifs. « Les gens ici veulent des choses qui leur font plaisir et les distraient. La foire n’est pas terrible mais nous avons besoin d’une présence à New York », relevait, lucide, un galeriste. Tandis qu’un autre persiflait : « On y croise plus d’acheteurs que de collectionneurs. C’est une foire où en général l’on vend bien mais où tout est très “accrochable”, on y voit des échantillons ; c’est New York, comme un petit Chelsea ! »

Le contraste avec la concurrence s’est montré cruel. D’un côté The Art Show et ses « anciens », où dans une ambiance feutrée et sur de petits stands – au nombre de 72 – se mêlaient modernes et contemporains dans des accrochages impeccables d’œuvres de belle qualité, à l’exemple de Bruce Conner chez Kohn Gallery (Los Angeles), Gianni Piacentino chez Michael Werner (New York) ou Frank Stella chez Mnuchin (New York). De l’autre Independent New York et les « modernes » ; une foire enlevée, fraîche et joyeuse, dynamique et originale tant dans les plans des stands jamais identiques que dans les accrochages des 50 galeries participantes. Quelques propositions y étaient particulièrement saillantes, telles celles de Nicolas Party pour The Modern Institute (Glasgow), Dirk Bell chez BQ (Berlin) ou encore Timur Si-Qin chez Société (Berlin).

Des publics différents
Tandis qu’une galeriste new-yorkaise interrogée sur The Art Show assénait avoir cessé de participer à l’Armory Show « car le niveau n’était pas bon », René-Julien Praz, codirecteur de Praz-Delavallade, présent à l’Armory et à Independent, relevait : « Les deux foires ont des publics complémentaires. Bien sûr les collectionneurs viennent aux deux, mais il y a ici un autre type de visiteurs, plus jeune. C’est donc à nous d’être vigilants dans nos propositions car, de part et d’autre, il n’y a pas les mêmes attitudes, envies ou regards. »

Independent New York a toutefois vécu puisque l’immeuble de Chelsea dans lequel elle se tient ne sera plus utilisable l’année prochaine. Mais peut-être est-ce pour mieux renaître ailleurs, puisqu’est évoquée une bouture bruxelloise dès 2016. Art Brussels a peut-être un peu de souci à se faire ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : L’Armory Show reprend des couleurs mais reste fragile

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