L’architecture a droit de cité

Le Journal des Arts

Le 19 novembre 1999 - 779 mots

Après des années de tergiversations et l’abandon du précédent projet de réaménagement du palais de Chaillot, Catherine Trautmann a annoncé un calendrier pour la création de la Cité de l’architecture et du patrimoine, dans l’aile Est. Si le rapprochement entre ces deux dimensions semble pertinent, le projet développé par Jean-Louis Cohen reste imprécis, voire confus, sur bien des points.

PARIS - En 1997, le changement de gouvernement – qui avait entraîné le remplacement de Maryvonne de Saint-Pulgent par François Barré à la tête de la Direction du patrimoine – puis l’incendie du Musée des monuments français (MMF) avaient sonné le glas du projet de Centre national du patrimoine à Chaillot. L’historien Jean-Louis Cohen avait alors été chargé de développer un nouveau concept. Partant du postulat que l’architecture et le patrimoine souffrent en France d’une “carence” en matière de diffusion, il a proposé d’opérer le rapprochement du MMF avec un Institut français d’architecture (IFA) en quête de visibilité.

Après un développement un peu laborieux, Catherine Trautmann a porté sur les fonts baptismaux la Cité de l’architecture et du patrimoine en annonçant, le 9 novembre, un calendrier et un budget pour sa création. L’investissement programmé s’élève à 294 millions de francs, dont 177,5 seront consacrés aux travaux de bâtiment et 24 aux aménagements de la galerie d’architecture et des productions muséographiques des expositions permanentes. Les opérations devraient débuter à l’été 2000 sur une portion réduite, et au printemps 2001 pour l’ensemble.

L’ouverture complète au public est prévue au début 2003. Les 20 000 m2 de l’aile de Paris abriteront le Musée d’architecture, l’Agence d’action architecturale (intégrant l’Institut français d’architecture), la bibliothèque, le centre d’archives, le Centre des hautes études de Chaillot, ainsi que divers organismes de défense et de protection du patrimoine (Fondation du patrimoine, Société française d’archéologie...).

Premier changement symbolique, le Musée des monuments français, qui avait succédé en 1937 au Musée de sculpture comparée, est rebaptisé Musée d’architecture. Pour justifier ce changement d’appellation, une galerie moderne et contemporaine sera créée à l’étage, où “le pari est de construire sans linéarité chronologique un ensemble de récits rendant compte des principales coupures épistémologiques, mais aussi des continuités qui caractérisent l’architecture en France dans son environnement international”. Toutefois, la cohérence de l’articulation entre les galeries médiévales et classiques, au rez-de-chaussée, et ce nouvel espace reste à démontrer – dans l’ancien MMF, la sculpture, même envisagée dans sa dimension architecturale, occupe une place prépondérante –, d’autant que la plus grande partie des reproductions de peintures murales sera exclue du parcours muséal et servira de cadre à la bibliothèque. Cette dernière bénéficiera de la mise en commun des fonds respectifs des deux institutions, illustrant ainsi la “coopérative de moyens matériels et humains” que les promoteurs du projet appellent de leurs vœux.

De l’aveu même de son président, Dominique Perrault, un flou artistique continue de planer sur les missions exactes de l’Agence d’action architecturale (AAA)/IFA, seconde composante majeure de la Cité, qui a pour vocation le soutien et la diffusion de la création contemporaine, à travers une série de “programmes thématiques travaillant en liaison avec les milieux professionnels, culturels et citoyens”. D’ici 2003, les responsables du projet auront le temps d’étayer leur réflexion d’une manière plus concrète. Pour cela, il faudra attendre plus de précisions sur l’affectation des 80 millions du budget de fonctionnement, dont une subvention de l’État d’un montant de 60 millions. La part de cette somme destinée aux expositions et à la programmation n’a pu être précisée – une incertitude qui ne laisse pas d’inquiéter sur les ambitions réelles du projet.

Si la place déterminante de la dimension patrimoniale dans la réflexion urbaine justifie le rapprochement des deux chapelles, celui-ci peut sembler paradoxal à l’heure où l’enseignement historique dans les écoles d’architecture reste si insuffisant. Ce n’est pas la Cité qui remédiera à cette dramatique méconnaissance de ce passé qui ampute la pensée architecturale. Le site comprend pourtant un établissement d’enseignement, l’École de Chaillot, pompeusement rebaptisée Centre des hautes études de Chaillot, destinée à la formation des architectes en chef des Monuments historiques, des architectes des Bâtiments de France et des professionnels en quête d’une spécialisation dans le patrimoine. Sa direction en sera assurée par l’historien François Loyer qui, dans la conclusion de son récent ouvrage, Histoire de l’architecture française, de la Révolution à nos jours, résumait indirectement les enjeux de l’ambitieux projet de la Cité : “Cette fois, il s’agit d’intégrer la culture moderne à notre identité, en allant au-delà des confrontations qui ont marqué toute une époque. Il est moins important de savoir si le prochain siècle sera celui des colonnes que de parvenir à mettre ensemble des héritages, à définir le rapport au monde autrement qu’en termes de conflit.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°93 du 19 novembre 1999, avec le titre suivant : L’architecture a droit de cité

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