Joaillerie

La percée des diamants

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2008 - 1110 mots

Qu’ils soient blancs ou de couleur, les beaux diamants attirent de plus en plus d’amateurs du monde entier. Le prix du carat a doublé entre avril 2007 et mai 2008.

Le prix des diamants s’envole en ventes publiques, à Genève, New York et Hongkong, témoignant d’une demande croissante de la part de nouveaux acheteurs répartis dans le monde entier. Selon le Rapport Dia mond Report, l’indice officiel de cotation du diamant, le prix du carat est passé de 71 500 à 146 500 dollars (de 53 460 à 93 120 euros), entre le 6 avril 2007 et le 30 mai 2008, pour un brillant de 5 carats parfaitement blanc et pur. Un sacré taux de rendement ! « Le marché n’est pourtant pas spéculatif comme il l’a été dans les années 1970 où les banques investissaient dans les diamants comme dans des actions, jusqu’à l’effondrement des cours en 1976. La cote des diamants devrait se stabiliser dans les prochains mois, soutient Cyrille Martin du Daffoy, négociant en pierres précieuses et bijoux anciens. Aujourd’hui, la demande (qui est supérieure à l’offre) vient de particuliers attirés par l’“achat plaisir” pour les bijoux. La haute joaillerie est devenue une valeur refuge : la présence de grosses pierres dans des parures rassure. » « À cause de la baisse du dollar, il vaut mieux aujourd’hui avoir sa fortune en œuvres d’art ou en diamants », observe pour sa part Rahul Kadakia, directeur du département joaillerie de Christie’s à New York. Tous les professionnels constatent une forte demande en diamants blancs de plus de 10 carats de qualité supérieure D flawless, ainsi qu’en diamants de couleur de plus de 5 carats, de préférence dans des tonalités pures. « Je vends immédiatement toute pierre supérieure à 7 carats. J’ai de nombreuses demandes que je n’arrive pas à fournir », constate même Cyrille Martin du Daffoy.
Chez Harry Winston, on a parfois du mal à suivre : aux clients traditionnels des États-Unis et du Moyen-Orient dont les commandes ne ralentissent pas, s’ajoutent de plus en plus de Russes, tout aussi amateurs de rares grosses gemmes. Les Asiatiques, qui ne recherchent pas systématiquement un carat élevé, sont en revanche friands de diamants blancs parfaits, selon la règle des « quatre C » (color, carat, clarity, cut), soit la couleur, le poids, la pureté et la taille. Les plus perfectionnistes s’attachent encore à la symétrie, au poli de surface ou à la fluorescence, laquelle doit être nulle. Ces critères doivent être certifiés par un laboratoire international réputé. Enfin, une provenance peut apporter une plus-value.

Rouge, vert, bleu, rose, jaune
Alors qu’un diamant parfait, composé uniquement de carbone, sera incolore (autrement dit blanc), les diamants de couleur sont le résultat d’un défaut de fabrication de la gemme, dû à la présence d’impuretés, à l’exemple du bore qui donne du bleu. L’azote fait virer au jaune et l’hydrogène est à l’origine du rose et du rouge. Enfin, l’uranium donne du vert. Étant beaucoup moins nombreux que les diamants blancs, les diamants de couleur valent donc beaucoup plus cher. Sur environ 15 000 diamants vendus chaque année à travers le monde chez Christie’s et Sotheby’s, moins de 25 % sont de couleur. Le 28 mai dernier, à Hongkong, chez Christie’s, un rare diamant vert de 10,36 carats de taille carrée s’est envolé à 27,20 millions de dollars hongkongais (2,2 millions d’euros), un record pour une pierre de cette couleur. En comparaison, un diamant blanc de ce poids « top qualité » (D flawless) vaudrait environ 2 millions de dollars (1,3 million d’euros). Les diamants rouges et verts sont plus rares que les bleus, roses et jaunes. Généralement plus petits (moins de 5 carats), ils sont très prisés des Asiatiques qui aiment aussi les roses et les bleus. Tandis que les collectionneurs russes, américains et originaires du Moyen-Orient recherchent d’importants diamants roses et jaunes. Le point fort d’un diamant de couleur est l’intensité de son coloris, classifié selon l’Institut gemmologique américain (GIA) par ordre décroissant en “vivid”, “intense”, “fancy”, “fancy light” et “light”. « Pour les diamants de couleur, l’indice des inclusions compte moins que pour des diamants incolores. La forme la plus appréciée est le brillant », rapporte François Curiel, directeur international du département joaillerie de Christie’s basé à Paris. Seules les couleurs « pures » sont vraiment appréciées, c’est-à-dire un bleu sans gris et un rose qui ne tourne pas à l’orange, au saumon, brun ou violet. À une nuance près quant à la teinte, la pierre peut être fortement dépréciée. Qu’ils soient blancs ou de couleur, c’est tout un art que d’acheter des beaux diamants. « Mais cela vaut la peine d’apprendre, conclut David Bennett, président du département international de haute joaillerie pour l’Europe et le Moyen-Orient chez Sotheby’s à Genève. Car plus on connaît, plus on apprécie. »

La perfection à l’état pur

« Quand je l’ai vu pour la première fois, la beauté de sa perfection m’a coupé le souffle », raconte l’expert de Sotheby’s, David Bennett. L’apparition de ce diamant blanc (ill. ci-contre) est sans précédent sur le marché des enchères : parfait en couleur et pureté, d’une taille idéale en brillant, d’un poids extraordinaire de 84,37 carats (soit de la taille d’une noix), et noté « excellent » pour sa brillance et sa symétrie, selon le GIA (l’Institut gemmologique américain), la référence en matière de certification des gemmes. « Il m’a fallu deux ans pour évaluer la meilleure taille possible pour ce diamant né d’une pierre brute de 365 carats », rapporte le vendeur du diamant, Ron Cohen, propriétaire de Clean Diamonds Inc. à Los Angeles. Ce joyau a finalement été adjugé sous le marteau de David Bennett, le 14 novembre 2007, à Genève, pour 18,19 millions de francs suisses (11 millions d’euros). L’acquéreur, Georges Marciano, fondateur de la marque Guess, a eu le privilège de pouvoir donner un nom à cette gemme exceptionnelle, baptisée « Chloé », du prénom de sa fille. À 191 980 dollars le carat, Chloé fut durant quelques mois le diamant blanc le plus cher au carat... avant d’être battu par un diamant blanc de taille ronde, de 16,04 carats, de couleur D et presque parfait de pureté, cédé à un amateur asiatique pour 26 087 500 dollars hongkongais (plus de 2 millions d’euros) le 28 mai à Hongkong chez Christie’s, soit 208 500 dollars par carat. Mais Chloé reste le deuxième diamant le plus cher au monde offert en vente publique, juste derrière le Star of the Season, un diamant de 100,10 carats de forme poire, tout aussi blanc et pur que le Chloé, parti à 19,85 millions de francs suisses (12,7 millions d’euros) le 17 mai 1995 à Genève chez Sotheby’s.

« Blanc exceptionnel et pureté totale »

David Bennett, président du département international de haute joaillerie pour l’Europe et le Moyen-Orient chez Sotheby’s, Genève



Dans les années 1990, vous avez vendu aux enchères trois diamants blancs de 100 carats. Pourquoi ces grosses gemmes incarnent-elles le top du marché du diamant blanc ?

Ce ne sont pas seulement trois diamants de 100 carats. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’ils sont tous les trois d’un blanc exceptionnel (couleur D) et d’une pureté totale (internally flawless, c’est-à-dire sans inclusion), soit les seuls jamais adjugés en vente publique réunissant ces trois critères de poids, couleur et pureté. Le 15 mai 1995, j’ai vendu The Star of the Season de taille poire, pour 19,85 millions de francs suisses [12,7 millions d’euros]. C’est toujours le record mondial pour un diamant et un bijou proposés aux enchères. The Mouawad Spendour de forme poire modifiée, et The Star of Happiness, de taille émeraude modifiée, sont respectivement partis à 15,95 et 17,82 millions de francs suisses [9,88 et 11,04 millions d’euros], en 1990 et 1993 à Genève. Mais si le seuil des 100 carats fait rêver, les diamants blancs de plus de 50 carats de qualité extraordinaire sont tout aussi rares.

Quel est le diamant le plus beau que vous ayez jamais vendu ?

Je pense au Chloé, mais aussi à un magnifique diamant blanc de couleur D de 31,26 carats de taille coussin, provenant des anciennes mines de Golconde (Inde) et appartenant à Evalyn Walsh McLean. Il fut acheté par Harry Winston qui le monta en bague en 1950, puis rejoignit la collection de la duchesse de Windsor. Nous avons vendu cette bague 4,73 millions de francs suisses [2,93 millions d’euros] en 1987 à Genève. Et je reste fasciné par un diamant rose de taille émeraude de 7,37 carats, d’une couleur incroyable (fancy intense purplish pink), monté en bague par Cartier en 1925 et adjugé 6,82 millions de francs suisses [4,22 millions d’euros] le 16 novembre 1995, toujours à Genève.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : La percée des diamants

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