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La Fondation du patrimoine inquiète pour son financement

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2017 - 931 mots

PARIS

Alors qu’elle célèbre vingt ans d’activité, la Fondation du patrimoine fait face à une baisse importante de l’une de ses sources de revenu, qui fragilise son modèle de fonctionnement.

PARIS - 15,6 millions d’euros collectés, 46 446 donateurs, 2 238 projets soutenus et 874 campagnes de restauration lancées : en termes de chiffres, la vingtième année d’existence de la Fondation du patrimoine est un succès indiscutable. Mais paradoxalement, l’année anniversaire de la Fondation a un goût quelque peu amer pour son directeur général François-Xavier Bieuville : « nous sommes sur la crête au niveau de nos frais de fonctionnement », explique-t-il au Journal des Arts.

Créée par la loi du 2 juillet 1996, reconnue d’utilité publique par décret en 1997, la Fondation du patrimoine a pour but fondateur la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine, tout particulièrement celui non protégé par l’État. La Fondation se développe véritablement à partir de 2000, date à laquelle elle est autorisée à délivrer un agrément fiscal à réception des dons. En 2004, l’État décide de lui affecter une recette domaniale publique, 50 % du produit des successions laissées en déshérence (1).

« Une gestion économe et rigoureuse »
En 2015, la Fondation du patrimoine disposait de 34,5 millions d’euros de ressources, dont 23,3 % provenant des successions en déshérence, 41,2 % en souscriptions et 21,2 % en mécénat et legs. Le coût du fonctionnement de la Fondation, qui compte environ 70 salariés et près de 600 bénévoles, est d’environ 8 millions d’euros, dont la moitié est affectée aux salaires. À Paris, une vingtaine de salariés font office de fonction-support (recherches de fonds, communication, mise en réseau et démarches administratives), tandis qu’une cinquantaine de chargés de missions réceptionnent les demandes de soutiens en région et aident à l’élaboration des projets de restauration avec les partenaires privés et publics. Sa qualité de fondation reconnue d’utilité publique l’oblige à respecter le pourcentage des dons et des subventions publiques qui peut être alloué à son fonctionnement : la Fondation prend ainsi 6 % de frais de gestion sur les dons, « parmi les plus faibles taux sur le marché », se félicite François-Xavier Bieuville. Dans un rapport de la Cour des comptes daté de 2013, les sages soulignaient ainsi que « la gestion de la fondation, qui repose très largement sur des bénévoles, se révèle économe et rigoureuse ». En revanche, la fondation est totalement libre de l’emploi des fonds attribués au titre des successions en déshérence. « En pratique, la majeure partie de cette recette (60 à 70 % selon les années) lui permet de concourir à la rénovation d’édifices publics par des subventions et, pour le reste, de financer son fonctionnement », notait la Cour des comptes en 2013. Cette recette sert aussi de variable d’ajustement pour soutenir le fonctionnement de la structure.

Trois fois moins de successions en déshérence
Cependant, depuis quelques années, les successions en déshérence ont chuté drastiquement. Elles s’élevaient à 11 millions d’euros en 2014, 8 millions en 2015, et seulement 4,5 millions en 2016, alors même qu’un décret de 2016 relève à 75 % le produit des successions alloué à la Fondation et précise que le versement de l’État ne peut être inférieur à 4 millions d’euros. Pourquoi une telle chute ? Dans son rapport de gestion de l’année 2015, la Fondation indique que « cette contraction s’explique par une baisse de la production par France Domaine, après quelques années de déstockage par ce service qui gère cette ressource, amorçant ainsi une baisse de la collecte pour les années à venir ». Pour le directeur général de la Fondation, « il n’y a pas vraiment d’explication rationnelle ». L’équation mathématique devient de plus en plus compliquée : pour couvrir les 8 millions de fonctionnement, les 4 millions du seuil prévu par la loi dans le cadre des successions en déshérence et les 6 % prélevés sur les dons et les subventions publiques ne vont plus suffire (en 2015, ces 6 % s’élevaient à 1,3 million d’euros).

Un plan de redressement
Pour pallier cette baisse de recette de fonctionnement, François-Xavier Bieuville expose trois pistes d’action. D’une part, il faut persister à trouver du mécénat auprès des grandes entreprises, à l’image du partenariat qui lie depuis dix ans l’institution à la Fondation Total qui a abouti à un budget de 22 millions d’euros sur neuf ans. D’autre part, « il faut continuer à mieux maîtriser le coût de fonctionnement ». La mise en place d’une plate-forme de don en ligne pour les souscriptions publiques (lire encadré ci-contre) a ainsi réduit les frais de gestion entre 2015 et 2016. Enfin, « il faut que les partenaires publics contribuent » au fonctionnement de la Fondation selon le directeur. Une piste de réflexion serait engagée avec la Caisse des dépôts et des consignations pour que la Fondation bénéficie d’une partie des comptes bancaires en déshérence.

Pour François-Xavier Bieuville, « la Fondation du patrimoine est devenue un acteur économique » revendiquant, chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques à l’appui, un nombre moyen annuel de 3 909 emplois créés ou maintenus dans le bâtiment. En quinze ans, la Fondation a soutenu des travaux pour un montant total de 2,1 milliards d’euros. « Nous créons le tour de table financier nécessaire » à la concrétisation des projets, explique-t-il. Pas question donc pour la Fondation de réduire son maillage territorial, élément de sa réussite et de son efficacité. Un nouveau président vient d’être nommé à la tête de la Fondation le 3 avril dernier. Sa tâche s’annonce épineuse.

Note

(1) En vertu du code civil, une succession est « en déshérence » en cas d’absence de testament, d’héritier ou de renonciation de ces derniers. L’État se charge alors de liquider la succession, d’acquitter les droits qui lui sont liés et de consigner le produit restant. Au terme d’un délai de trente ans, ce produit peut être intégré au budget général de l’État comme recette domaniale.

Information
Site de la Fondation du patrimoine : fondation-patrimoine.org

Légende Photo
Chantier de restauration en cours à la Maison de Maître de l'île Tristan à Douarnenez © CUPA PIZARRAS
 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : La Fondation du patrimoine inquiète pour son financement

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