Belgique - Politique culturelle

CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE 2030

La Belgique cherche sa capitale européenne de la culture 2030

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 5 février 2025 - 1063 mots

Louvain, Molenbeek et Namur sont les trois dernières villes encore en lice pour être capitale européenne de la culture en 2030.

La Grand place de Louvain. © Kris Vandevorst, 2019, CC BY 4.0
La Grand place de Louvain.

Belgique. Après Anvers en l993, Bruxelles en 2000, Bruges en 2002 et Mons en 2015, la Belgique sera une nouvelle fois au cœur de la scène culturelle européenne en 2030. Six villes candidates, Bruges, Courtrai, Gand, Louvain, Molenbeek et Namur, ont été présélectionnées. En octobre 2024, le jury européen a choisi ces trois dernières pour concourir au titre qui sera attribué en septembre 2025.

Louvain : l’« Human nature » pour thème central

C’est au travers du thème rassembleur de « Human nature » que Louvain articule les différentes propositions de son programme avec trois axes prioritaires, l’humain, la nature, et l’innovation. Le budget est évalué à 72 millions d’euros pris en charge à 86 % par les pouvoirs publics et 14 % par des sources privées.

À ce stade, le programme avance 36 projets qui impliquent des acteurs tant locaux qu’internationaux en activant différents réseaux européens. Les lieux vitrines de l’événement sont l’ancien hôtel de ville et un nouvel immeuble contemporain multifonction. Construit en 1469, le bâtiment gothique a été complètement rénové pour devenir l’European House for Democracy où l’Histoire rencontre les défis de la démocratie, de la citoyenneté et de la justice. Il accueillera également un programme de résidences d’artistes, écrivains et penseurs européens. Tout en transparence et en formes simples, le Performing Arts Site est implanté au cœur du quartier historique pour accueillir les arts de la scène. Sur le toit, on verra Written in the stars, une installation lumineuse à laquelle ont collaboré artistes et scientifiques. Parmi les nombreux événements culturels, on note une volonté de sortir des murs, de croiser les publics et d’extraire les gens de leurs prés carrés culturels. Jouant la carte de l’innovation, « Meta Leuven » est une ville jumelle virtuelle, accessible aux développeurs et aux gameurs, mais aussi à tous celles et ceux qui voudraient accéder à distance à l’ensemble du programme.

La candidature de Louvain peut s’appuyer sur un riche héritage artistique et historique et sur une infrastructure culturelle bien fournie. Le projet fait preuve d’équilibre entre projets rassembleurs et immersion dans les quartiers et le pourtour de la ville ; il manque peut-être d’une identité et d’un caractère plus affirmé.

Molenbeek-Saint-Jean : Pont de la Porte de Flandre. © Fred Romero, 2019, CC BY 2.0
Molenbeek-Saint-Jean : Pont de la Porte de Flandre.
Molenbeek : forger un « nouveau nous » européen

Molenbeek traîne encore les stigmates des attentats islamistes de Paris en 2015 et de Bruxelles en 2016 : la plupart des terroristes en étaient originaires. Avec une population dense, jeune, et en grande partie précarisée, la commune bruxelloise est aussi la plus franche expression de la diversité et du multilinguisme dans un mélange brassant plus de 140 nationalités. Sa candidature, portée par la Région bruxelloise, vise à renverser cette image négative, et au-delà, à représenter les autres villes européennes qui font face à des défis similaires en forgeant un « nouveau nous » qui s’appuie sur les valeurs de solidarité, de justice climatique et sociale. Derrière la thématique « Sadaka » qui évoque la générosité dans de multiples langues comme l’hébreu, l’arabe, l’hindi ou le swahili, le programme se veut créatif et innovant. Faisant de l’absence de salles de grande capacité, un atout, la majorité des événements se dérouleront en plein air, ce qui devrait favoriser le brassage de populations. Le projet comporte 30 projets socialement engagés et innovants. On y trouve de l’occupation créative et solidaire de bâtiments désaffectés, dans l’esprit de « Des Grands Voisins » à Paris. « Creole Europe » est un festival de six semaines avec des événements dans l’espace public qui mêleront artistes, professionnels ou non, venus de toute l’Europe. « WildWaterWadi » est un « ensauvagement » des voies d’eau qui traversent la ville par des implantations artistiques temporaires et enfin, les rues et les places de la commune seront traversées par des parades urbaines en collaboration avec différents carnavals européens, historiques ou récents, avec l’ambition de devenir dans les années qui suivent un centre de référence pour les carnavals urbains.

Pour compenser l’exiguïté de son territoire, Molenbeek va collaborer activement avec les 18 autres communes de la Région bruxelloise et envisage de créer des passerelles avec Mechelen et Charleroi. Le budget total est fixé à 89,1 millions d’euros, couvert à 90 % par différents acteurs publics représentant différents niveaux de la complexe architecture institutionnelle belge.

Si l’approche de Molenbeek mêle avec audace et créativité une philosophie participative et immersive ouverte à tous, on demande à voir parce qu’il y a souvent un certain écart entre les intentions et leur réalisation. Le projet pourrait aussi pâtir de la complexité institutionnelle belge devant coordonner trois niveaux de décision culturelle (francophone, néerlandophone et régionale) et encore plus de sources de financement.

Citadelle de Namur. © Calonne Marcel, 2012, CC BY-SA 3.0
Citadelle de Namur.
Namur : un laboratoire de pratiques culturelles

Situé à la confluence de la Meuse et de la Sambre, Namur, capitale de la Région wallonne, a choisi le thème « Terre de Confluences », inscrit dans ses objectifs stratégiques pour les dix prochaines années. Il a pour ambition de positionner la ville comme un laboratoire de pratiques culturelles où se juxtaposent héritage culturel et innovation. Le programme, qui fait appel à des artistes locaux, belges ou internationaux, rassemble 28 projets qui se consacrent à l’écoute des autres, au lien et au vivant. L’espace public dans la ville et les alentours sera largement sollicité avec des rencontres inattendues, de l’art de proximité, une exposition internationale d’artistes féminines en plein air ou un festival de chorales. Les monuments historiques et les traditions seront mis en perspective par des interventions contemporaines comme cette invitation aux graffeurs et aux artistes numériques de revisiter les anciens graffitis des souterrains de la Citadelle ou l’exposition où folklore et traditions sont réinterprétés par des artistes numériques. Et encore une invitation surprenante en collaboration avec Gembloux Agro-Bio Tech à passer à table pour découvrir une gastronomie du futur où produits locaux et créations de laboratoires partagent l’assiette.

Le budget total de 79 millions est couvert à 90 % par un financement public et à 10 % par des fonds privés. La qualité du projet tient autant à son ancrage local qu’aux collaborations avec la Flandre comme avec des partenaires et réseaux européens. En choisissant de mettre l’accent sur un dialogue entre les traditions et les arts numériques, la candidature court le risque de parfois assister à des mariages forcés.

Les trois villes candidates ont maintenant plus de six mois pour affiner leurs propositions dans un nouveau bid book pour espérer décrocher, aux côtés d’une ville chypriote, le précieux label mobilisateur.
 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°648 du 31 janvier 2025, avec le titre suivant : La Belgique cherche sa capitale européenne de la culture 2030

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