Encore une année, Monsieur le Marché

Les post-diplômes, une aide à l’insertion

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 751 mots

Cycle supérieur de formation accessible après cinq années dans une école des beaux-arts, les post-diplômes permettent aux étudiants de poursuivre leurs recherches personnelles sans affronter immédiatement le marché. Prolongement d’un enseignement déjà fort souple, ils semblent plus efficaces pour assurer la promotion des jeunes artistes plutôt que l’approfondissement de leurs connaissances.

Les post-diplômes ont été inventés à la suite de la réforme de 1988 qui imposait aux écoles de recruter des bacheliers. Ce "troisième cycle avec une spécificité beaux-arts" a été mis en place pour la première fois à Marseille. Les post-diplômes sont accessibles après un recrutement très sélectif – il n’y a jamais plus de 10 étudiants par promotion – et donnent droit à une bourse de 20 000 francs pour l’année. La sélection des étudiants a d’abord lieu sur dossier, puis face à un jury.

Mais au-delà de ces quelques caractéristiques techniques, le contenu des post-diplômes est peu défini. "Les étudiants arrivent avec leurs projets, leurs centres d’intérêt et proposent eux-mêmes les intervenants qu’ils souhaitent rencontrer", déclare Jean-Luc Gervasoni, responsable du post-diplôme art et média à Lyon. "Il ne s’agit pas d’un enseignement théorique ou universitaire, mais d’un moment de réflexion, de questionnements", précise-t-on du côté de l’Inspection de l’enseignement artistique.

Cependant, les étudiants ont du mal à définir eux-mêmes leur programme. Cécile Dupaquier, à Lyon, estime qu’il "y a eu de grandes promesses et assez peu d’intervenants dans les faits". Mélik Ohanian, à Lyon lui aussi, est plus sévère : "Le post-diplôme a un titre pompeux mais intellectuellement, c’est assez creux. Il s’agit plus de communication que de réflexion", regrette-t-il. "Avec le post-diplôme, l’école s’achète une vitrine sur le boulevard, mais il ne faut pas être dupe, les moyens engagés ne sont pas suffisants pour effectuer une véritable année de recherche", constate Bruno Peinado, qui vient de Nantes. L’Inspection de l’enseignement, elle-même, redoute le "côté médiatique des post-diplômes".

Aide à l’entrée dans la carrière
Il semble en fait que l’intérêt principal des post-diplômes soit de permettre aux jeunes artistes de débuter grâce à des conditions matérielles "facilitées", insiste Jean-Luc Gervasoni. "Nous fournissons un atelier, des aides pour exposer et éditer en fonction du projet que nous soumettent les étudiants".

Ainsi, pour l’exposition "Critique-critique" qui montrait le travail des post-diplômes de Lyon, l’école a trouvé un lieu original, les sponsors et assuré les relations publi­ques. Cécile Dupaquier et Fabrice Cavaillé, qui y exposaient, ont été invités par le Centre d’art de Villefranche. Mélik Ohanian a trouvé une galerie en Italie.

L’entrée dans la vie d’artiste est donc grandement facilitée par un post-diplôme. "J’ai rencontré et gardé des liens avec des personnes que je n’aurai pas pu approcher autrement", souligne Fabrice Cavaillé. Bruno Peinado, à Nantes, fait la même analyse : "Je peux parler de mon travail avec les directeurs du domaine de Kerguéhennec et du Centre d’art d’Évry grâce au post-diplôme". Mais il s’agit là d’une aide à l’insertion plus que de véritables études supérieures.

Tâtonnements
Le "milieu de l’art reconnaît les post-diplômes", estime Bruno Peinado. Des expositions comme "Germinations" à Lyon, "L’Hiver de l’amour" à Paris, "Les Visiteurs" à Marseille confirment cette appréciation puisqu’elles présentaient toutes de jeunes post-diplômes. Cependant, "il n’y a pas une confiance absolue dans les écoles d’art. Les gens aiment bien se fier à leur intuition, ils ne font pas leur marché dans les expositions des post-diplômes" affirme Michel Enrici, directeur de l’école de Marseille.

Mis en place récemment, les post-diplômes tâtonnent encore et cherchent tous une formule plus adaptée. "Nous allons essayer de recruter de jeunes artistes qui ont une petite expérience et non plus de jeunes diplômés", annonce Jean-Luc Gervasoni à Lyon. Une option mise en place dès cette année à Marseille, où "de jeunes artistes sont sélectionnés. Mais surtout, le post-diplôme aura un atelier en ville, et les étudiants seront co-accueillis par d’autres structures marseillaises, comme l’association Brouillard-Précis pour la vidéo", explique Michel Enrici, qui ajoute : "Le milieu de l’art évolue vite. Nous avons été copiés et nous voulons reprendre l’initiative".

Sept post-diplômes et deux mastères

Sept post-diplômes sont disséminés dans cinq écoles en France. Marseille, Lyon et Nantes sont spécialisées en art. Rennes et Lyon traitent de l’espace urbain. Saint-Étienne propose une spécialisation en design industriel. Marseille a par ailleurs mis en place un post-diplôme en collaboration avec un laboratoire du CNRS tourné vers les nouvelles technologies.

Les deux mastères des écoles supérieures parisiennes abordent le même domaine. L’École nationale supérieure des beaux-arts (énsb-a) propose un mastère hypermédia, l’école nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) est, elle, tournée vers le multimédia interactif.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Encore une année, Monsieur le Marché

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