Art contemporain - Faux

Doutes sur 35 dessins de Basquiat exposés dans une petite ville de Bourgogne

Par Alice Fiedler · lejournaldesarts.fr

Le 28 septembre 2020 - 711 mots

NUITS-SAINT-GEORGES

Un spécialiste de Basquiat conteste l’authenticité de dessins de l’artiste exposés dans une galerie à Nuits-Saint-Georges. 

Au centre, une oeuvre authentique de Jean-Michel Basquiat. A g. et à d., des oeuvres présentées à l'exposition de la galerie Volcano à Nuits-Saint-Georges. © Nordine Zidoun, galeriste au Luxembourg
Au centre, une œuvre authentique de Jean-Michel Basquiat. A g. et à d., des œuvres présentées à l'exposition de la galerie Volcano à Nuits-Saint-Georges.
© Nordine Zidoun, galeriste au Luxembourg

Mais comment une galerie inconnue peut-elle exposer 35 dessins inédits de Jean-Michel Basquiat dans une petite ville de 5000 habitants en Bourgogne ? Richard Rodriguez, collectionneur et passionné de Basquiat, découvre l’exposition dans un reportage de France 3-région il y a quelques jours et sonne tout de suite l’alarme : ils sont faux ! 

« Il n’y a pas besoin d’être un expert pour voir ça, » dit-il au Journal des Arts, « C’est tellement grossièrement exécuté. » Il est rejoint dans cette analyse par son ami, le galeriste Luxembourgeois Nordine Zidoune qui avait monté une exposition Basquiat en 2016. Zidoune présente dans un montage photo une œuvre originale et 2 dessins exposés dans la galerie pour démontrer la différence. « Ça saute aux yeux, » s’exclame Rodriguez. 

Pour lui, les supports utilisés pour les dessins ne sont pas compréhensibles : « Basquiat au début, écrivait parfois sur des carnets de notes, mais c’étaient des écritures, des petits croquis. Dans des dessins plus sophistiqués au crayon gras, avec des têtes, il utilisait du papier dessin. Il était très exigeant sur la qualité du papier. » En outre, il ne trouve pas cohérent qu’il n’y ait que des dessins de petite taille : « Il faisait des formats raisin 55/75 ou alors moyen 40/60. Pas des formats carnet de notes. » 

Dans un échange avec Le Journal des Arts, la Galerie Volcano conteste ces accusations : « Sans avoir visité l'exposition, Mr Rodriguez affirme que Jean-Michel Basquiat n'a jamais utilisé de feuilles de papier d'étudiant, or lors de l'exposition de Brooklyn en 2015 un nombre important de travaux d'études dans des carnets de l'artiste ont été redécouverts et exposés. »

La galerie se dit surprise de « subir les allégations de cette personne qui n'a aucun droit pour représenter la famille, ne dispose pas du droit moral de l'artiste et s'arroge l'amitié de Basquiat alors que ce dernier n'a réalisé aucun portrait de celui-ci. »

Selon la galerie, les dessins proviendraient de l’acteur américain Danny Rosen, ami de Basquiat et dont ce dernier a fait le portrait. Selon France 3-région, Dominique Viano, auteur dramatique et professeur de collège, aurait convaincu les derniers propriétaires de ces dessins de les lui confier et de les exposer à la galerie Volcano créée par Emmanuel Dupont. 

Richard Rodriguez doute : si les dessins étaient à un ami, Basquiat les aurait au moins dédicacés. Or, les dessins ne sont pas signés, ce qui est rare chez l’artiste. 

Il souligne un détail singulier : « Basquiat avait pour habitude d'écrire sur ses œuvres des mots ou des noms, en supprimant leurs voyelles et en ne laissant que les consonnes, » dit-il, « Or, sur ce dessin, il est écrit trois fois BRXT, comme s'il voulait signifier Brexit. Comment Basquiat aurait-il pu écrire BREXIT sur ses dessins, à son époque, dans les années 80 ? »

Ce n’est pas la première fois que Richard Rodriguez se fait remarquer pour dénoncer des faux Basquiat. La difficulté dans l’authentification de l’œuvre de Basquiat vient de ce que le comité gérant le droit moral sur Basquiat n’existe plus. « D’une part parce que le père de Basquiat [qui était à la tête du comité] est mort et d’autre part, aux Etats-Unis c’est très compliqué, » explique Richard Rodriguez, « même le comité Warhol ou Keith Haring n’existe plus, parce que la jurisprudence n’est pas la même que chez nous. » Quand un faux tableau est avéré, les faussaires peuvent assigner le comité au tribunal pour diffamation. « Les comités se sont ruinés en avocats et en procès. Et donc ils ont arrêté, ils ne pouvaient plus faire face à l’afflux de faux sur le marché. »  

Le collectionneur, qui revendique d’avoir participé au catalogue raisonné des peintures de Basquiat édité par le marchand d’art Enrico Navarra, récemment décédé, souligne qu’il : « n’y a pas de catalogue raisonné de dessins et donc c’est dans cette brèche-là que les faussaires arrivent à proposer des dessins absurdes. » Puis il interroge : « Je ne sais pas si vous réalisez que ces dessins pourraient valoir entre 500 000 et 2 millions d’euros s'ils étaient authentiques ? »

Cet article a été publié le 26 septembre 2020.

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