Artisanat d'art - Numérique - Profession

MÉTIERS D’ART

Des Journées européennes des métiers d’art en numérique

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 22 avril 2021 - 744 mots

Le maintien de l’événement était une nécessité pour les professionnels des métiers d’art et du patrimoine vivant, qui subissent de plein fouet la crise sanitaire.

Steven Leprizé, Squama, bahut sans porte ni tiroirs en WooWood. © ARCA / Photo Antoine Duhamel
Steven Leprizé, Squama, bahut sans porte ni tiroirs en WooWood.
© ARCA / Photo Antoine Duhamel

France. Il y avait eu l’espoir de voir les Journées européennes des métiers d’art (Jema) se tenir a minima, selon une formule mixte – associant des événements physiques et d’autres numériques. Nouveau confinement oblige, c’est finalement une version entièrement numérique qui s’est tenue du 6 au 11 avril en France métropolitaine. Pour la seconde année consécutive – et pour la 15e édition des Jema –, les ateliers ont donc gardé porte close et les rencontres avec les artisans d’art se sont faites par écrans interposés. Le thème de l’année, « Matières à l’œuvre », dit bien tout le paradoxe de la situation alors que les métiers d’art renvoient au travail de la main et au rapport physique avec les matériaux.

La matière première est ainsi le point central de l’exposition nationale des Jema au Mobilier national, « Matières à l’œuvre. Matière à penser, matière de faire ». Prévue pour l’édition 2020, celle-ci est restée en caisses avant d’être installée en avril dans la Galerie des Gobelins, à Paris, où elle demeurera jusqu’au 9 mai – avec l’espoir d’ouvrir effectivement ses portes, même s’il y a malheureusement fort à parier qu’il faudra se contenter d’une version numérique.

L’exposition se décompose autour de trois thématiques comme autant de prétextes « à réfléchir à ce qu’est la matière et à montrer la précision des gestes, explique son commissaire, Henri Jobbé-Duval. La scénographie s’organise autour d’étendards centraux, qui présentent des matériaux qui s’adaptent aux différents traitements, à leur application et aux choix des artisans d’art ». Un cheminement qui interroge ainsi le rapport de l’artisan à la matière comme source essentielle de son travail, une matière également questionnée et sublimée.

C’est donc d’abord la matière comme « Source et ressource » qui s’expose : là les cuirs tannés de la mégisserie Bodin-Joyeux ; plus loin des pigments naturels du Moulin à couleurs. Viennent ensuite les « Matières hybrides, augmentées, transformées, recyclées », illustrant les expérimentations des artisans d’art. Les délicates fleurs en plastique recyclé de William Amor y côtoient le bahut Squama de Steven Leprizé [voir ill.] dont le bois souple se déforme à l’envi. Les « Matières à rêver » viennent clore ce parcours, pour célébrer des objets invitant à la contemplation, à l’instar de la scintillante lampe Rigel de SB26 ou du coffret Planètes en marqueterie de pierres dures de l’Atelier Élise et Berthaux.

Les métiers d’art et du patrimoine vivant pâtissent beaucoup de la crise sanitaire, qui a engendré l’annulation des salons professionnels, principaux pourvoyeurs de commandes. Si nombre d’artisans d’art ont investi le champ du numérique pour y pallier, la plupart d’entre eux manquent toujours cruellement de visibilité. Le coup de projecteur, même virtuel, offert par ces Jema était donc d’autant plus une nécessité cette année ; il était attendu par un professionnel sur quatre interrogés dans le cadre d’une enquête réalisée par l’Institut national des métiers d’art, dont les résultats ont été publiés fin janvier.

Métiers d’art, combien sont-ils au juste ?

Branche professionnelle. Combien y a-t-il d’artisans d’art en France ? Combien le secteur pèse-t-il ? La réponse n’est pas aisée à fournir. Les chiffres de 38 000 entreprises, 60 000 emplois et 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires global annuel mentionnés dans le rapport de la députée Catherine Dumas en 2009 n’ont pas été réactualisés pendant des années. En 2018, l’Institut national des métiers d’art indiquait plutôt 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires. L’un des obstacles à l’établissement d’un décompte précis est d’abord une question de définition. Le secteur recouvre une nébuleuse de savoir-faire très variés dont il est parfois difficile de délimiter les contours. Une première liste de 217 « métiers de l’artisanat d’art » fut établie par l’arrêté Dutreil de 2003, abrogé et remplacé en 2015 par un arrêté fixant la liste des professions répondant à la dénomination de « métiers d’art ». Ce sont ainsi 281 métiers – ou, plus exactement, 198 métiers d’art et 83 spécialités – qui se retrouvent sous cette dénomination. Néanmoins, les chiffres du secteur restent mal connus. La faute notamment à l’absence d’une catégorie statistique définie par l’Insee et à l’existence de données parcellaires ou recoupant d’autres secteurs d’activité. Ateliers d’art de France, le principal syndicat professionnel, réclame depuis plusieurs années la création d’un observatoire national des métiers d’art, dont la collecte de données représentatives permettrait de mesurer efficacement les évolutions socio-économiques du secteur.

 

Lorraine Lebrun

Journée des métiers d’art et du patrimoine vivant,

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : Des Journées européennes des métiers d’art en numérique

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque