États-Unis - Assurance - Justice

Des dommages aux œuvres d’art non visibles peuvent-ils être indemnisés ?

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 10 juin 2025 - 437 mots

Un litige autour de cinq œuvres endommagées par un incendie oppose l’homme d’affaires Ron Perelman à des compagnies d’assurance.

Ronald Perelman. © David Shankbone, 2012, CC BY 3.0
Ronald Perelman.
Photo David Shankbone,2012

Le procès opposant Ronald Perelman à un groupe d’assureurs, dont Lloyd’s of London, American International Group et Chubb, s’est ouvert début juin 2025 devant la Cour suprême de l’État de New York. Le litige porte sur la demande d’indemnisation de l’homme d’affaires pour un montant de 400 millions d’euros pour des dommages subis par cinq œuvres d’art, dont un Andy Warhol, un Cy Twombly et un Edward Ruscha, indemnisation refusée par les assureurs. Ces œuvres auraient été abîmées lors d’un incendie survenu en septembre 2018 dans sa propriété des Hamptons à côté de New York.

Après un premier dédommagement de 120 millions d’euros versée en 2019 pour des œuvres visiblement abîmées, Perelman avait demandé une indemnisation en 2020 pour cinq autres tableaux dont l’altération n’est pas visible à l’œil nu. Il s’appuie sur l’analyse de Jennifer Mass, chimiste et scientifique spécialiste des œuvres d’art, qui affirme avoir détecté des changements moléculaires et structuraux liés à l’exposition à la chaleur et à la fumée.

Les assureurs contestent cette interprétation. Ils estiment que les œuvres visées n’ont subi aucun dommage physique, condition exigée par les contrats pour déclencher la garantie. Ils avancent également que les œuvres se trouvaient dans des caissons de protection éloignés du foyer de l’incendie. Ils remettent en cause la fiabilité des conclusions scientifiques présentées par l’avocat de Perelman et soulignent que certaines œuvres ont ensuite été proposées à la vente, ce qui contredirait, selon eux, l’argument d’une altération significative.

Le procès repose en grande partie sur la définition contractuelle de la notion de « perte physique » dans un contexte où les contrats d’assurance pour œuvres d’art de très hautes valeurs permettent une indemnisation sur la base de la valeur assurée, indépendamment de la valeur de marché : 87 millions d’euros contre 11 millions d’euros pour le Warhol. Le jugement attendu devra déterminer si une détérioration chimique invisible peut être considérée comme un dommage matériel ouvrant droit à indemnisation.

Ce litige intervient alors que Ron Perelman, ancien milliardaire très actif sur le marché de l’art, a vu sa fortune considérablement diminuer ces dernières années. Il a vendu une part importante de sa collection après 2020 (pour près d’un milliard de dollars [environ 920 millions d’euros]) notamment à la suite du dépôt de bilan de l’entreprise de produits de beauté Revlon en 2022, dont il était l’actionnaire principal. Les assureurs soupçonnent Perelman de vouloir se refaire sur leur dos. 

Les autres assureurs observent avec attention ce dossier qui pourrait créer un précédent défavorable en cas d’élargissement du périmètre d’indemnisation.

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