Année de la Chine

Dans la lumière de Confucius

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 10 octobre 2003 - 769 mots

Figure majeure de la culture chinoise, Confucius (551-479 avant notre ère) demeure un personnage énigmatique pour le public occidental. À l’occasion de l’Année de la Chine, le Musée national d’arts asiatiques-Guimet, à Paris, nous éclaire sur l’homme et son œuvre.

Premier maître chinois de l’école antique des lettrés, Confucius (551-479 avant notre ère) n’a laissé derrière lui ni écrit, ni traité permettant de connaître avec certitude sa vie et son œuvre. Ses propos furent perpétués par ses disciples et transcrits plusieurs générations après sa mort dans le Lunyu (les “Entretiens”), un texte d’une fidélité relative. À la fin du IIe siècle avant notre ère, le chroniqueur Sima Qian rédigea une biographie détaillée du sage, dans laquelle il est également difficile de distinguer le vrai du faux. C’est donc à partir de documents plus ou moins fiables que son histoire nous est connue. Né dans la petite principauté de Lu, Confucius assume à plusieurs reprises des fonctions politiques, puis s’éloigne du pouvoir pour se consacrer à l’étude et à l’enseignement. Il est le premier en Chine à placer l’homme au centre de ses réflexions. Pour lui, l’homme “accompli” se reconnaît à ses qualités de cœur : “Il y a trois choses qu’un homme de bien doit privilégier dans sa pratique de la Voie : ses attitudes, ses gestes seront dénués de violence et d’arrogance ; son expression, son visage empreints de bonne foi ; ses paroles, ses intonations, franches de bassesse et de vulgarité (Lunyu VIII, 4).” Le maître de Lu élabore le système de recrutement sur examen, imposant aux serviteurs de l’État d’être de grands érudits. Afin de développer aussi bien les vertus de l’esprit que la maîtrise du corps, il faut pratiquer les “six arts”, l’écriture et la science des nombres, le tir à l’arc et la conduite des chars, les rites et la musique. Confucius termine ses jours dans son pays natal, entouré de nombreux disciples. Il est enterré près de l’actuelle ville de Qufu, dans la province du Shandong. Durant les quatre siècles de la dynastie des Han (206 av. J.-C.-220 après), la pensée de Confucius s’est imposée dans le monde chinois. C’est Dong Zhongshou, théoricien du IIe siècle avant notre ère, qui, par une habile synthèse des préceptes du maître, est parvenu à ériger le confucianisme en orthodoxie d’État.

Une exposition conçue pour le public
L’exposition que consacre le Musée Guimet, à Paris, à Confucius réunit des pièces provenant du musée et de l’Institut de recherche et d’archéologie de la province du Shandong. La majorité d’entre elles sortent de Chine pour la première fois. Ainsi des bronzes archaïques provenant des familles nobles de la région natale de Confucius, que le visiteur découvre dès l’entrée. Ces vestiges témoignent de l’importance des rites sous les anciennes dynasties royales des Shang (XVIIIe-XIe siècle avant notre ère) et des Zhou (1050-221 avant notre ère). “Nous avons avant tout conçu cette exposition pour le public, nous voulions qu’elle soit facile d’accès”, précise Catherine Delacour, commissaire de la manifestation avec Jean-Paul Desroches. À la fois chronologique et thématique, le parcours explore la pensée confucéenne, depuis la naissance du sage jusqu’au XXe siècle. S’il n’existe aucun document historique réellement fiable, les Sentences de Confucius ont inspiré quantité d’ouvrages comme le Kongzi shengji zhitu (“Vestiges de la vie de Confucius”), gravé sur pierre en 1592 et aujourd’hui conservé au Temple de Confucius, à Qufu. Deux rouleaux horizontaux d’estampages anciens reproduisant des chapitres de cette histoire sont présentés à Guimet aux côtés des œuvres du peintre contemporain Ye Xin, qui a imaginé des saynètes à partir du Kongzi shengji zhitu. L’exposition met également en lumière l’importance de ces hauts fonctionnaires d’État qui s’imposèrent grâce à Confucius. Différents portraits funéraires peints ou sculptés attestent de l’influence de ces lettrés, personnages clés de l’Empire sous les Tang (580-907), les Song (960-1278) ou les Qing (1644-1911). Après sa disparition, Confucius fera l’objet d’un véritable culte. Selon ses propres intérêts, chaque dynastie fait évoluer sa doctrine : les Song (960-1278), par exemple, mettent en avant l’analogie existant entre la puissance céleste et la vertu du prince. Cependant, lors de la révolution littéraire de 1919 dans la jeune République chinoise, Confucius est tenu responsable des malheurs du pays et, durant le règne de Mao Zedong, il fait figure de réprouvé. La pensée de Confucius rayonne néanmoins aujourd’hui bien au-delà du monde chinois.

CONFUCIUS

Du 29 octobre au 29 février, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6 place d’Iéna, 75016 Paris, tél. 01 56 52 53 00, tlj 10h-18h. Catalogue RMN, 208 pages, 45 euros. À lire aussi : Danielle Elisseeff, Confucius. Des mots en action, 2003, Découvertes Gallimard, 128 p., 11,60 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°178 du 10 octobre 2003, avec le titre suivant : Dans la lumière de Confucius

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