Politique culturelle

Budget de la culture 2024 : « Quoi qu’il en coûte »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2023 - 1143 mots

Malgré la détérioration des finances publiques, le projet de budget du ministère de la Culture prévoit une hausse de 5,7 %.

France. La plaquette de présentation du budget 2024 remise aux journalistes a fière allure : photographies en couleur, dos carré collé, « punchline »… Le plus important figure cependant en page 6, avec la courbe d’évolution des crédits du ministère de la Culture depuis 2012, c’est-à-dire depuis le quinquennat de François Hollande qui avait marqué les esprits avec deux années de baisse, suivie d’une faible remontée ne permettant même pas de retrouver le niveau de 2016. L’ex-président avait bien tenté de redresser la barre en 2017, mais c’était trop tard.

La courbe s’envole à partir de 2018 et progresse même encore fortement pour 2024 : +5,7 %. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, les moyens du ministère de la Culture ont progressé de 29,3 %, soit 1 milliard d’euros de plus. Du jamais vu depuis Jack Lang. Et encore, il n’est fait nulle part mention, dans le dossier, des 943 millions d’euros qui ont été ajoutés pendant les « années Covid », comme si cela était un peu trop. C’est évidemment une bonne nouvelle pour la culture, un peu moins bonne pour les finances publiques qui continuent à creuser les déficits et à emprunter pour payer le déficit, de sorte que les seuls intérêts de la dette seront de 48 milliards d’euros, soit plus de dix fois le budget du ministère de la Culture (4,466 milliards d’euros).

Dans le détail, les chiffres ne sont pas aussi roses. L’exécutif ne communique jamais sur les crédits mis en réserve (6 % en 2023), ni sur ce qui a été réellement dépensé. En volume, les hausses sont moindres, ainsi sur les 241 millions d’euros en plus, 75 millions sont prévus pour faire face à l’inflation (fixée à 2,6 % en 2024).

Le patrimoine richement dôté

Le patrimoine est le grand gagnant du projet de budget avec une hausse de 8,2 % soit 91 millions d’euros en plus. Mais comme le dit la ministre, « dans le patrimoine, les sommes en jeu sont toujours très importantes ». 2024 sera une année faste avec l’ouverture prochaine du château de Villers-Cotterêts [voir ill.] (financé en grande partie sur les fonds de France Relance), la réouverture du Grand Palais pour les Jeux olympiques (financés en grande partie par de l’emprunt) et celle de la cathédrale Notre-Dame, le 8 décembre 2024 (financée par un appel aux dons). L’élan de générosité qui a suivi l’incendie de la cathédrale a donné envie à l’exécutif d’organiser une collecte de dons pour le patrimoine religieux des petites communes, assortie d’une déduction fiscale de 75 % pour les dons jusqu’à 1 000 euros.

Alors que ces chantiers se terminent, d’autres vont ouvrir ou continuer. C’est le cas de l’ancienne abbaye-prison de Clairvaux, de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, de l’intérieur du palais de la Cité à Paris, libéré du tribunal judiciaire, ou du Musée Guimet. Une première enveloppe de 7,4 millions d’euros est même allouée pour les travaux du Centre Pompidou qui débuteront en 2025.

Moins de crédits pour la création

Par comparaison, le secteur de la « création » est moins bien doté en pourcentage (+3,1 %) et en valeur (+31 M€). Les professionnels du spectacle vivant déplorent l’abandon de la Cité du théâtre, en projet depuis 2016, en raison d’une enveloppe budgétaire réactualisée de 124 millions d’euros, officiellement incompatible avec les moyens du ministère. Difficile d’en juger car la plaquette du ministère n’indique pas les budgets alloués à chaque opération d’une année sur l’autre et ne permet pas de connaître les chantiers terminés (il y en a). Rima Abdul Malak a annoncé que le projet de création d’une maison des mondes africains (« MansA »), un lieu pluridisciplinaire de création dans la continuité d’Africa 2020, se poursuivait, sans donner d’indication de lieu ni de date. Le sujet est sensible depuis le rafraîchissement des relations diplomatiques avec de nombreux pays africains.

Le budget des arts visuels progresse un peu plus (+6,7 %), grâce à la reconduction du programme de commande publique (à la notoriété bien faible) « Mondes nouveaux », avec une enveloppe de 30 millions d’euros sur trois ans.

Le soutien à la création en arts visuels passe aussi par le marché de l’art. Bercy a donné son accord à l’extension du taux réduit de TVA de 5,5 %, non seulement à l’achat, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi à la vente. Bruno Lemaire dont l’épouse est peintre et qui fréquente régulièrement les galeries n’est pas resté insensible à la demande en ce sens des marchands. Cette disposition n’entrera cependant en vigueur que le 1er janvier 2025.

Peu d’augmentation pour les dispositifs éducatifs

Paradoxalement, le budget de l’Éducation artistique et culturelle (EAC), grande priorité de tous les ministres de la Culture qui se sont succédé, ne progresse que de 1 %. Il est vrai qu’à l’arrivée tout est prioritaire de sorte que le ministère est obligé d’utiliser des superlatifs pour caractériser les priorités « absolues », comme pour la transition écologique. Deux raisons expliquent cette stagnation : le Pass culture est rentré en vitesse de croisière et ne nécessite pas de moyens nouveaux pour son fonctionnement, tandis que la part collective du Pass rend un peu moins utile le financement direct de dispositifs d’EAC, comme « Orchestre à l’école ». Le budget alloué par le ministère de l’Éducation à la part collective est de 57 millions d’euros.

L’autre urgence (ou priorité) dans le registre de la transmission des savoirs : le soutien aux écoles d’art, en particulier territoriales qui vont bénéficier à nouveau d’une aide de 2 millions d’euros. Mais le gouvernement ne veut pas trop s’engager, considérant qu’il revient aux collectivités locales financeuses de prendre leur part.

La belle hausse de cette année sera-t-elle le bouquet final ? C’est possible. Le président ne veut pas gâcher la succession d’événements sportifs (les JO) et culturels (Notre-Dame) qui vont rythmer 2024. Mais la réalité des comptes publics et, plus encore, le fait qu’il ne se représente pas en 2027 risquent bien de changer la donne.

Projet de Budget de la Culture en 2024
Crédits de paiement en M€LFI 2023PLF 2024 (après transferts)Évol. en M€%
Patrimoine (P 175)1 1001 191918,2 %
Création (P 131)1 0061 037313,1 %
Dont arts visuels14115196,7 %
Transmission de savoirs
et démocratisation de la culture (P 361)
800828283,6 %
Dont Démocratisation et EAC38538941 %
Mission « Culture »3 7183 9001824,9 %
Mission « Média, livres
et Industries culturelles »
705736314,4 %
Total hors pensions civiles4 2254 4422165,1 %
Source : ministère de la Culture. LFI : loi de finance initiale. PLF : projet de loi de finances. EAC : éducation artistique et culturelle

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : Budget de la culture 2024 : « Quoi qu’il en coûte »

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