Art moderne - Russie

Aux sources de l’art russe

Par Guillaume Morel · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 696 mots

Pluridisciplinaire, l’exposition présentée au Musée d’Orsay explore la création russe de la seconde moitié du XIXe siècle. Un art en quête de reconnaissance.

Si de nombreuses expositions et publications se sont penchées sur les avant-gardes russes, aucune n’avait jusqu’ici exploré ce qui les a précédées, voire préparées. Dans une approche pluridisciplinaire qui sert parfaitement le propos, le Musée d’Orsay se concentre sur l’art russe de la seconde moitié du XIXe siècle, jusqu’aux premières années du XXe et à la Révolution de 1917.

Après avoir longtemps regardé du côté des modèles européens – notamment l’art italien et l’art français –, les artistes s’orientent dans les années 1860 vers les préoccupations de leur pays et de leur temps. Cette époque, au centre de l’exposition, correspond à un retour aux sources nationales, à la quête d’une identité russe dans toutes les disciplines, peinture, arts décoratifs, sculpture, architecture, arts graphiques et photographie. Ces deux derniers domaines font l’objet de présentations séparées au sein du musée.
Le paysage occupe les premières salles, avec de vastes compositions d’une grande quiétude, montrant la Russie des grandes étendues, le travail des glaneurs et des paysans. La plupart de ces œuvres n’ont jamais été présentées en France.

En 1863, un groupe de peintres refuse à l’Académie de Saint-Pétersbourg et de Moscou de concourir sur des sujets mythologiques, préférant traiter des sujets russes. La « Révolte des quatorze », conduite par Kramskoï – artiste à l’origine du groupe des Ambulants, fondé en 1870 –, marque véritablement le début d’une évolution esthétique ancrée dans les préoccupations de la Russie contemporaine et très liée à la littérature. Ce mouvement ouvre la voie à un réalisme nouveau, dont Répine – Procession religieuse (1881-1883) –, Kramskoï, Savitsky ou Grigory constitueront d’éminents représentants.

Culture populaire
Bien qu’emblématique, la peinture n’est pas le seul domaine où se manifeste ce retour aux sources. La redécouverte des arts populaires joue un rôle décisif. La partie la plus convaincante de l’exposition est sans doute celle qui leur est consacrée. Elle révèle des pièces totalement inédites pour le public français. Sont présentés un riche ensemble d’objets (Service à vin, 1908-1917 ; Nécessaire de bureau de style néo-russe, 1870-1880, en métal doré découpé et incisé), une série de poupées (Les Peuples de l’Empire russe), mais aussi des peintures faisant référence à l’art et à la culture populaires. Les contes inspirent particulièrement Vasnetsov – le très beau Chant de joie et de tristesse (1896) –, Polenova – illustrations de L’Oiseau de feu – ou Bilibine. De cette réinterprétation de la culture populaire, des chants épiques (bylines), de l’histoire et du patrimoine, naît le style néo-russe, caractéristique de la fin du siècle. Deux foyers principaux se constituent, à Abramtsevo (près de Moscou) et à Talachkino (près de Smolensk), avec des artistes comme Mikhaïl Vroubel, peintre, sculpteur et céramiste qui a ici les honneurs d’une salle entière.
Riche et dense, l’exposition exploite un vaste sujet en proposant de nombreuses entrées, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Les sept pavillons russes de l’Exposition universelle de Paris 1900 sont évoqués par le biais de photographies, d’objets, de tapisseries, de panneaux décoratifs. Puis un ensemble important de plans et dessins d’architecture ainsi que de relevés de monuments dressent un état des lieux du paysage architectural de l’époque et de ses mutations.

En conclusion, l’exposition s’ouvre sur l’avènement de la modernité, soulignant le renouveau de la sculpture et le goût prononcé pour le néoprimitivisme. Elle s’achève avec deux peintures magistrales, une Paysanne (1903) de Maliavine aux couleurs rougeoyantes et Le Bain du cheval rouge de Petrov-Vodkine (1912), qui mêle habilement les leçons du néoclassicisme au chromatisme éclatant, en aplats, des avant-gardes.

L’Art russe dans la seconde moitié du XIXe siècle : en quête d’identité


Jusqu’au 8 janvier 2006, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, 75007 Paris, tél. 01 40 49 48 00, www.musee-orsay.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi jusqu’à 21h45 et dimanche 9h-18h. Catalogue, Éd. de la RMN, 464 p., 400 ill., 54 euros, ISBN 2-7118-4952-X. -La Russie est aussi à l’honneur au festival Europalia, à Bruxelles (jusqu’au 21 février 2006). - Commissaires : Édouard Papet et Marie-Pierre Salé, Dominique de Font-Réaulx pour la photographie et l’architecture. - Nombre d’œuvres : plus de 500

New York aux couleurs de la Russie

Présenter huit siècles d’art russe, depuis les icônes du XIIIe siècle inspirées de l’art byzantin jusqu’à aujourd’hui, tel est le défi relevé par le Guggenheim de New York. Le visiteur découvre en suivant l’immense spirale du musée 275 œuvres qui retracent de façon chronologique les différents courants, écoles et ruptures qui ont marqué l’histoire de l’art russe. Le XVIIIe siècle est particulièrement bien représenté, montrant les influences de l’art occidental dans le portrait, tout comme le XIXe, à travers le romantisme puis le réalisme caractéristique de la seconde moitié du siècle. Viennent ensuite le temps des avant-gardes et les grandes figures de l’abstraction. De nombreuses œuvres n’avaient jamais été présentées hors de Russie, et des prêts exceptionnels ont été consentis – de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg (ainsi le Black square de Malévitch, 1930) au Musée d’État russe en passant par la Galerie Tretiakov à Moscou – faisant de cette exposition un événement. Dans une salle adjacente à la grande rotonde figurent parallèlement quelques chefs-d’œuvre de l’art occidental – Chardin, Monet, Matisse, Vlaminck, Picasso… – conservés en Russie. « RUSSIA ! », jusqu’au 11 janvier 2006, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, tlj sauf jeudi 10h-18h, vendredi jusqu’à 20h, tél. 212 423 3500, www.guggenheim.org.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : Aux sources de l’art russe

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