Galerie

XXE SIÈCLE

Vladimir Baranoff-Rossiné sort du silence

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2023 - 540 mots

PARIS

La Galerie Le Minotaure retrace dans ses deux espaces du quartier des Beaux-Arts les différentes périodes de cet artiste recherché et peu montré.

Paris. « Expérimentateur infatigable » : c’est en ces termes que Jean-Claude Marcadé, spécialiste de l’avant-garde russe, qualifie le musicien, peintre, et sculpteur Vladimir Baranoff-Rossiné, né en 1888 à Kherson en Ukraine et mort déporté à Auschwitz en janvier 1944. L’artiste n’a eu de cesse durant sa carrière d’inventer tout en épousant les styles en vigueur, ne manquant jamais d’y apporter sa touche personnelle.

L’idée de cette exposition trottait dans la tête de Benoît Sapiro depuis une quinzaine d’années, mais, parce que « trop compliquée à réaliser », il y avait renoncé. Finalement, en 2020, à l’occasion d’une vente au Centre Pompidou-Musée national d’art moderne d’un Autoportrait daté de 1910, il a pu entrer à nouveau en contact avec la fille et le fils de l’artiste. « J’ai ainsi acquis un ensemble d’œuvres que j’ai pu choisir directement sur les murs. » Fort de ses acquisitions, le marchand a réussi le tour de force de rassembler une cinquantaine d’œuvres – dix ne sont pas à vendre. « Ce qui m’importait, c’était surtout d’établir une chronologie, de retracer son évolution et d’essayer de couvrir à peu près toutes les périodes. » D’où la présence de Maternité (1912), prêtée par une collection privée suisse : « Ce tableau n’a pas été montré depuis 1952. Il était donc impératif que je puisse le présenter. »

Une très grande diversité de styles

En parcourant l’exposition, qui débute dans le nouvel espace de la galerie Le Minotaure rue de Seine, la diversité des styles est frappante. Les œuvres des débuts (Vues de Saint-Pétersbourg, 1907, et Odessa, 1908) sont imprégnées des courants européens tels que l’impressionnisme et le post-impressionnisme. Arrivé à Paris en 1910, Baranoff-Rossiné s’intègre rapidement au milieu parisien, côtoyant les avant-gardes de l’époque tant à La Ruche que chez la baronne d’Oettingen boulevard Raspail. En 1911, il entame une phase cubiste (Autoportrait cubiste, 1913), avant d’ajouter une touche de futurisme puis d’adhérer au simultanéisme orphiste de Sonia et Robert Delaunay (dont il est très proche) – Maternité en est le plus bel exemple ainsi que la toile monumentale Apocalypse verte (1912, [voir ill.], 2 M€). Il expérimente ensuite les rapports entre sons et couleurs (qui donneront naissance à son fameux Piano optophonique (1920-1923), conservé au Centre Pompidou). Un temps rentré en Russie, il revient s’installer définitivement à Paris en 1925 et s’intéresse au biomorphisme, dans ses œuvres tant figuratives (Le Martyre de saint Denis, 1927) qu’abstraites (Abstrait, 1934).

Pour cet artiste qui n’a pas été exposé depuis presque quarante ans en galerie et cinquante en musée – la dernière rétrospective date de 1972-1973 au Musée national d’art moderne –, cet accrochage est une occasion rare. Plusieurs œuvres ont d’ailleurs déjà été vendues alors que les prix affichés sont élevés – jusqu’à 2 millions d’euros (à partir de 2 000 pour les dessins). Le record reste détenu par Le Rythme (Adam et Ève), 1910-1913, un tableau adjugé 3,5 millions d’euros chez Christie’s Londres en 2008. « Le marché recherche surtout des œuvres datant des années 1912-1920 (cubo-futurisme, synesthésie…) et maintenant que les Russes n’y participent plus, il est devenu absolument global. Cette période des avant-gardes parisiennes suscite toujours autant d’intérêt, quelle que soit la nationalité », explique le marchand.

Vladimir Baranoff-Rossiné

jusqu’au 29 juillet, Galerie Le Minotaure, 2, rue des Beaux-Arts et 23, rue de Seine, 75006 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°613 du 9 juin 2023, avec le titre suivant : Vladimir Baranoff-Rossiné sort du silence

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque