Une étude du principal organisme culturel britannique montre que les aides de l’État aux institutions déclenchent des financements privés.

Londres. Dans le secteur culturel outre-Manche, les investissements publics jouent un rôle déclencheur pour attirer d’autres sources de financement. Cette conclusion est tirée d’un rapport réalisé par l’Arts Council England (ACE), l’agence nationale du développement et de la promotion de la culture, à travers l’analyse de huit institutions culturelles britanniques. Ce rapport prend en compte les organisations fondées sur un modèle économique mixte, qui prévaut en Angleterre depuis la fin des années 1940 et la création de l’ACE (1946). Il repose sur trois piliers : les subventions publiques (les aides de l’ACE, les soutiens des autorités locales, de la Loterie nationale, de programmes gouvernementaux…), les recettes tirées de leurs activités et services, et les apports privés (dons d’entreprises, de particuliers ou de fondations philanthropiques).
L’étude montre que l’aide publique non seulement ne se substitue pas aux financements privés, mais qu’au contraire elle les stimule de plusieurs façons. Il y a d’abord un effet « d’impulsion de départ », mécanisme selon lequel le financement public attribué en amont renforce la crédibilité des sites culturels. « Des organisations de toutes tailles et dans toutes les disciplines artistiques nous disent régulièrement que l’investissement public de l’ACE est perçu comme un gage de qualité », confirme Nicholas Serota, le président de l’agence. Pour illustrer ce cas, le rapport cite notamment la création du festival « We Invented the Weekend », à Salford, dans le Grand Manchester. Lors de son lancement en 2023, ce festival de musique, dance et théâtre a bénéficié d’une aide de 99 500 livres sterling (118 500 €) de l’ACE et de 100 000 livres (119 200 €) du conseil local de Salford City. Cet apport a permis d’attirer 100 000 livres (119 200 €) de fonds privés principalement par Landsec et Peel Holdings, deux acteurs du secteur immobilier. En 2024, pour sa deuxième année, le festival a réussi à obtenir 250 000 livres (298 000 €) de financements privés.
Certaines aides imposent un apport privé préalable, ce qui renforce leur effet incitatif. L’étude cite entre autres le programme « Creative People and Places », visant à accroître l’engagement culturel dans les zones où la participation aux activités artistiques est faible. Cette subvention exige un cofinancement de 25 % au moins provenant d’autres sources que l’ACE. Pour un donneur privé qui hésite à s’engager, le fait de savoir que l’aide ne sera obtenue que si le projet est jugé viable et solide par l’agence est rassurant. Un mécanisme similaire a également aidé le Royal Ballet and Opera (RBO) de Londres à relancer ses activités après la pandémie de Covid-19. Pour bénéficier en 2020 du programme de prêts du Culture Recovery Fund (Fonds de relance culturelle), à hauteur de 65 millions de livres (77 M€), le RBO devait mobiliser des contributions privées équivalentes via une campagne de communication. Si les dons privés étaient nécessaires à l’obtention des financements publics, le programme de prêts a rassuré les donneurs, en dépit de la période de crise.
Quand les aides publiques soutiennent l’action d’une structure culturelle, elles offrent aussi une stabilité qui permet à ces organismes de planifier leurs activités sur le long terme et de rendre leurs projets plus attractifs pour les investisseurs privés, selon le rapport. Enfin, les subventions renforcent aussi la résilience des lieux culturels, comme l’a démontré la période de pandémie. Quand la fréquentation des lieux culturels est repartie à la hausse, après la série de confinements, il y a eu une augmentation des collectes de fonds et des recettes, dans le même temps où les dépenses gouvernementales d’urgence diminuaient.
Selon les statistiques officielles publiées par le ministère de la Culture en 2023, les grandes institutions culturelles d’Angleterre ont généré 24,20 centimes de livres de revenus de collecte de fonds pour chaque livre de subvention gouvernementale en 2021-2022.
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Au Royaume-Uni, l’argent public attire l’investissement privé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°657 du 6 juin 2025, avec le titre suivant : Au Royaume-Uni, l’argent public attire l’investissement privé









