États-Unis - Droit

Améliorer la Nagpra

L’Administration Biden a annoncé le 21 février souhaiter réviser la Native American Graves Protection and Repatriation Act (Nagpra), la loi sur la protection et le rapatriement des tombes des natifs américains entrée en vigueur en 1990. Attendue de longue date par les défenseurs des droits des autochtones, la modification se donne pour but d’en « enforcer l’application »..

Droit fédéral. Si la loi est l’une des premières du genre à encadrer les protocoles de restitution, obligeant les institutions qui reçoivent un financement fédéral à inventorier leurs collections de restes humains et d’objets funéraires autochtones pour en faciliter le retour vers leurs tribus d’origine, elle fait depuis toujours l’objet de nombreuses critiques : on lui reproche de ne s’appliquer ni aux musées privés, pourtant les plus nombreux aux États-Unis, ni aux tribus non reconnues par le gouvernement fédéral, et de ne pas s’appliquer non plus dans le cas où le catalogage des collections est rendu impossible par manque de moyens.

La révision proposée par le gouvernement fédéral implique l’examen de plus de 700 propositions formulées par des leaders tribaux et la nomination de David Barland-Liles au poste d’« enquêteur pour les sanctions civiles », censé s’assurer de la bonne application de la loi. « Les recommandations visent essentiellement à faciliter l’affiliation des tribus et donc les restitutions. Il nous faut collaborer davantage avec les nations tribales », commente-t-il. L’Association of American Indian Affairs (AAIA), qui soutient la démarche, fait pour sa part remarquer dans un communiqué qu’en trois décennies les défauts de la Nagpra sont devenus trop apparents : « Depuis cette époque, on a compris comment les institutions exploitent les faiblesses des régulations actuelles pour échapper aux obligations de rapatriement et de protection des tombes. »

Redéfinir le droit de possession

Les faiblesses de la Nagpra ont été récemment mises en lumière dans une affaire impliquant le Hearst Museum of Anthropology de l’Université de Californie à Berkeley, dont les collections comprennent près de 10 000 restes humains et objets funéraires autochtones. L’institution a réussi à en restituer une partie en janvier 2022, malgré les ressorts ubuesques de la loi : « une interprétation restrictive de Nagpra privilégie les preuves scientifiques contre les intérêts tribaux. Il faut une quantité irraisonnable de “preuves scientifiques” pour rapatrier et on donne souvent moins de poids à la tradition orale autochtone. Dans ce cas-ci, les chefs tribaux n’ont même pas été conviés aux discussions », explique un porte-parole du musée.

L’AAIA souhaite aussi que soit redéfini le « droit de possession » prévu par la Nagpra qui permet à une institution de conserver restes humains et objets funéraires dans ses collections s’ils ont été obtenus avec le consentement des descendants en ligne directe : « De nombreuses tribus se sont plaintes que les musées ne fournissent pas la documentation nécessaire pour le prouver, mais elles ne pouvaient pas elles-mêmes avancer la preuve du contraire. » L’issue de cette révision, qui n’est pour l’heure pas encore planifiée, pourrait bien changer radicalement les protocoles de restitution dans les musées américains, au-delà même du cas des objets amérindiens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : Améliorer la Nagpra

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