Allemagne - Une campagne électorale sans enjeu culturel

La culture n’a pas vraiment investi le débat électoral qui a abouti à la réélection d’Angela Merkel. Le secrétaire d’État sortant en charge du secteur a su légitimer sa fonction.

Berlin - La souveraineté des Länder en matière de politique culturelle est clairement inscrite dans la Loi fondamentale, la constitution allemande. La création du poste de ministre de la Culture par Gerhard Schröder en 1998 avait suscité une levée de boucliers des Länder. Les trois premiers ministres n’avaient pas achevé un mandat complet. Celui que les médias allemands nomment, par raccourci de langage, le ministre de la Culture, n’a en fait que le statut de secrétaire d’État. Il est rattaché à la Chancellerie et ne dispose pas de ministère de la Culture, simplement d’une haute administration fédérale. Il ne dispose pas non plus de vote au cabinet du Gouvernement.

Dans ce contexte, il l’affirme lui-même, une des principales réussites du ministre de la Culture sortant, Bernd Neumann, qui achève son deuxième mandat en tant que membre de la CDU [parti chrétien-démocrate], a été d’imposer sa fonction en développant une bonne entente avec les Länder, sur le modèle du « fédéralisme culturel coopératif ». Même ses adversaires politiques le confirment. André Schmitz, secrétaire d’État aux Affaires culturelles du Land de Berlin nous a déclaré quelques jours avant les élections : « Bien évidemment, je préférerais que mon parti, le SPD [parti social-démocrate] remporte les élections. Mais je dois dire que le Land de Berlin a particulièrement bien collaboré avec le gouvernement fédéral sortant en matière de politique culturelle, et la fédération a beaucoup investi dans la capitale ».

Le fait que Bernd Neumann soit arrivé avec un portefeuille bien garni a bien sûr aidé les choses. Sous sa houlette, le budget de la culture a augmenté d’environ un cinquième depuis son entrée en fonction en 2005. Alors que l’Allemagne fait face à de fortes restrictions budgétaires, le budget de la culture augmentera pour la neuvième année consécutive en 2014. « Le budget de l’état fédéral a augmenté ces dernières années et finance des projets dans les Länder. Mais on ne peut pas parler de rééquilibrage entre la fédération et les Länder dans la mesure où la fédération cofinance principalement des projets qui ont une dimension étatique nationale », déclare Hermann Parzinger, président de la Fondation du patrimoine culturel de Prusse, et ainsi principal représentant du patrimoine allemand. Le montant du budget fédéral reste faible : 1,3 milliard d’euros en 2013. 85 % de la culture est encore financée au niveau des Länder.

Un ministre actif, mais peu charismatique

On doit notamment à Bernd Neumann la reconstruction du château de Berlin, ainsi que la mise en place d’un programme de cofinancement de sauvegarde des monuments historiques. Autre point fort de son mandat, la mise en place d’un projet de recherche sur les spoliations de biens culturels par les nazis, faisant de l’Allemagne un des meilleurs élèves en termes de recherches sur la provenance des œuvres. Les professionnels de l’art avaient aussi salué son engagement lorsque Bruxelles avait enjoint l’Allemagne de passer la TVA sur objets culturels à taux plein. Bernd Neumann a peu de détracteurs, tout au plus lui reproche-t-on un manque de vision, et une absence lors des grands débats culturels, par exemple sur la querelle des musées de Berlin.

Peu de sujets de politique culturelle sont apparus dans les débats électoraux. Tous les partis s’accordent sur une réforme nécessaire du droit d’auteur, avec des positions allant d’une plus forte protection des droits pour la CDU, les téléchargements illicites sur Internet étant déjà sévèrement punis en Allemagne, jusqu’à une liberté totale des internautes pour le parti des Pirates. Autre sujet, le financement de la caisse de sécurité sociale des artistes, qui prend en charge la moitié des cotisations sociales des indépendants travaillant dans le secteur créatif (artistes, intermittents du spectacle, journalistes…). La fédération finance un cinquième du budget, le reste provenant de cotisations d’entreprises utilisant les services d’entreprises « créatives » (maisons d’édition, galeries,…). Bernd Neumann s’était mis en porte-à-faux avec son parti et le parti de coalition FDP, qui avait rejeté une loi prévoyant une augmentation des contrôles, de nombreuses entreprises omettant de payer les cotisations sociales ou bien ignorant même y être soumises.
Angela Merkel, dont la victoire le 22 septembre dernier a été sans appel, dispose de quelques semaines pour former un Gouvernement de coalition.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Allemagne - Une campagne électorale sans enjeu culturel

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