États-Unis - Musée

Inauguration

Alice Walton dévoile son musée

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2011 - 819 mots

BETONVILLE / ETATS-UNIS

Installé dans l’Arkansas, le Crystal Bridges Museum of American Art vient d’ouvrir ses portes sous la férule de l’héritière de l’empire Walmart.

BENTONVILLE (ÉTATS-UNIS) - Avec deux ans de retard, le Crystal Bridges Museum of American Art a ouvert ses portes le 11 novembre, à Bentonville, dans l’Arkansas. Première institution spécifiquement dévolue à l’art américain à ouvrir depuis plus d’un demi-siècle, il a été financé par Alice Walton, héritière de l’empire américain de la grande distribution Walmart. Selon le magazine Forbes, Alice Walton est la neuvième fortune des États-Unis, estimée à 21 milliards de dollars (15,6 milliards d’euros).

Grâce à cette puissante force de frappe, la milliardaire a passé plus de cinq ans, en dépensant des sommes considérables, à assembler sa collection – l’accrochage inaugural présente 400 œuvres parmi le millier qui constitue le fonds du musée. Le Crystal Bridges Museum, qui jouit d’un fonds de dotation de 800 millions de dollars financés par la Walton Family Foundation, a été construit sur un terrain d’une cinquantaine d’hectares appartenant à la famille Walton, près du centre de Bentonville. Dessiné par l’architecte Moshe Safdie (né en 1938), l’édifice de 18 700 m2 se répartit en plusieurs pavillons articulés autour d’un plan d’eau artificiel. Les bâtiments, aux façades vitrées, sont en béton armé « rayé » de cèdre rouge et coiffés de toits en cuivre courbés. « Crystal Bridges s’inspire du Louisiana [le Musée d’art moderne d’Humlebæk, au Danemark] dans sa manière de dialoguer avec le paysage », explique Don Bacigalupi, directeur des lieux et spécialiste en art contemporain, qui a été débauché du Toledo Museum of Art [Ohio]. Grâce à la donation de 20 millions de dollars faite par Walmart, l’entrée sera gratuite.

Les collections couvrent plusieurs siècles, de la période coloniale à nos jours. John Wilmerding, professeur émérite d’art américain à l’université de Princeton (New Jersey), membre du conseil d’administration de Crystal Bridges Museum et proche conseiller d’Alice Walton depuis six ans, raconte : « Alice Walton est passée à l’action pendant la récession, au moment où des tableaux importants arrivaient sur le marché, lorsque certaines personnes ou institutions étaient à court d’argent. Des tableaux sont sortis et elle a sauté sur l’occasion. » À titre d’exemple, citons Kindred Spirits (1849) d’Asher B. Durand, tableau emblématique que la New York Public Library lui a cédé pour 35 millions de dollars afin de renflouer ses caisses en 2005. Un an plus tard, Alice Walton avait aussi tenté de racheter, à la Thomas Jefferson University de Philadelphie, la célèbre Gross Clinic (1875) de Thomas Eakins, en partenariat avec la National Gallery of Art, pour un total de 68 millions de dollars, mais sans succès. Par ses achats, Alice Walton est devenue une actrice majeure du monde de l’art. Parmi les « surprises » mentionnées par John Wilmerding, le Rose Garden de Maria Oakey Dewing (1901) ; l’Alphabet/Good Humor en bronze de Claes Oldenburg (1972), acheté 962 500 dollars lors de la vente de la collection Michael Crichton chez Christie’s, à New York en mai 2010 ; et Lowell’s Ocean de Mark di Suvero (2005-2008), acquis auprès de la galerie Paula Cooper (New York).

L’impressionnisme américain, peu représenté
Cela dit, la collection est loin d’être exhaustive. « Les domaines de l’art colonial et du modernisme sont solides, mais ce n’est curieusement pas le cas pour l’expressionnisme abstrait et le pop, indique le marchand new-yorkais Frederick Hill. L’impressionnisme américain a besoin d’être renforcé. » Concernant le mode d’acquisition, John Wilmerding avoue : « C’était flou… Nous achetions en maisons de ventes, auprès de marchands, au cours de ventes privées et de collectionneurs particuliers. [Alice Walton] s’est mise en quête de petits marchands en Californie, dans le sud-ouest du pays et dans le Midwest et nous faisions des visites d’ateliers. » Dans l’atelier de Richard Estes, ils ont ainsi acquis quatre tableaux. « Près de 20 % [des acquisitions] ont été faits chez Sotheby’s et Christie’s », ajoute-t-il. Enfin, Alice Walton avait bien tenté de racheter pour 30 millions de dollars la moitié des « parts » de la collection Stieglitz, dont Georgia O’Keeffe avait fait don à la Fisk University de Nashville (Tennessee). L’université traverse en effet une très mauvaise passe financière et doit trouver des fonds pour assurer sa mission éducative. Cette proposition initiale fut rejetée, la justice estimant qu’elle allait à l’encontre de la volonté du donateur. L’université et le musée ont cependant trouvé un accord selon lequel les deux institutions présenteraient la collection une année sur deux.

Est-ce une coïncidence ? Le Crystal Bridges Museum a ouvert ses portes le jour de la réouverture de la New York Historical Society, autre institution dévolue à l’Histoire américaine. « Certains se sont posé la question, surtout parce que certaines personnes (mécènes, directeurs et conservateurs) se devaient d’assister aux deux inaugurations, explique Frederick Hill. Mais je pense qu’il s’agit d’une coïncidence, et que cette spécialisation en art américain est une idée de génie. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : Alice Walton dévoile son musée

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