900 millions d’euros pour la France

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2013 - 1404 mots

La France est une candidate assidue au financement européen. Entre le programme « Culture » et les fonds structurels, elle aurait reçu près de 900 millions d’euros en cinq ans.

La culture est, dans cette rupture de la mondialisation, notre vivier où nous puisons les ressources pour donner du sens à nos vies personnelles comme à nos communautés d’appartenance ou de destin. » Ces propos sont ceux de l’ancien président de la Commission européenne. Jacques Delors les a prononcés lors des rencontres « Europe, culture, territoire » organisées en juillet 2010 par le Festival d’Avignon et le Relais Culture Europe.

Donner du sens, c’est ce à quoi s’emploie le programme « Culture » (2007-2013). Celui-ci a pour toile de fond l’« Agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation » qui a été adopté par la Commission européenne en mai 2007. Cet agenda a ouvert un nouveau chapitre dans la coopération européenne en matière culturelle. Pour la première fois, tous les partenaires (institutions européennes, États membres et société civile) étaient invités à unir leurs efforts pour poursuivre des objectifs communs explicitement définis : promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel, promotion de la culture comme catalyseur de la créativité et promotion de la culture en tant qu’élément essentiel des relations internationales de l’Union européenne. Malgré la diversité qui caractérise l’Europe, les états membres partagent certaines valeurs et sont les dépositaires d’un patrimoine culturel commun. Il s’agit de mettre en valeur ce patrimoine commun, partagé par les citoyens européens en favorisant la coopération culturelle transnationale entre créateurs, acteurs du secteur culturel et institutions culturelles. En favorisant la coopération entre les acteurs culturels (créateurs, promoteurs, diffuseurs, réseaux, institutions culturelles), le programme « Culture » (2007-2013) contribue à faire connaître la culture européenne, à soutenir la création et la diffusion d’œuvres, à faciliter la mobilité des artistes et à mettre en valeur la diversité pour faire émerger une citoyenneté européenne. C’est le principal instrument de soutien, à l’échelle européenne, visant à développer les activités transfrontalières.

174 projets français financés par l’Europe
Dans ce secteur, la France fait figure de bon élève et a toujours participé activement à celui-ci. Les opérateurs culturels français se situent au second rang des pays qui déposent le plus de projets à titre de coordinateur. 515 projets ont été déposés pour la période 2007-2012, et 174 d’entre eux ont reçu une subvention dont la grande majorité a été octroyée à des projets de coopérations (100 projets). Suivent ensuite le soutien aux réseaux culturels (36) et enfin l’aide aux festivals (27). Entre 2000 et 2012, 631 acteurs français ont été impliqués dans 642 projets. Près de 75 % de ces partenariats ont été réalisés au sein de pays de l’Europe des Quinze (élargissement de 1995), et dans un espace plus étroit encore, celui de l’Europe des Douze (élargissement de 1986) à près de 65 % analysent Pascal Brunet et Laurence Barone au sein d’une étude, « Culture 2020, changer de modèle, construire l’Europe », publiée en 2012 sous l’égide du Relais Culture Europe. « La géographie de la coopération culturelle française témoigne de la difficulté qu’ont les Français à se saisir de la dimension continentale de l’Europe. Elle témoigne aussi de leur peu d’entrain à développer des coopérations avec des pays membres à l’économie culturelle ou globale faible », soulignent-ils. Par ailleurs, il n’est pas aisé de déterminer le montant exact de fonds européens mobilisés au profit des acteurs culturels français sur la période 2007-2013. Le Relais Culture Europe s’est attelé à ce chiffrage sous la direction de Laurence Barone. « Au regard des informations dont nous disposons, dit-elle, nous ne serions pas loin des 900 millions d’euros. »

Pour le seul programme « Culture », 145 millions d’euros de subventions européennes sont tombés – ou vont tomber – dans l’escarcelle des projets français. Parmi les initiatives financées, en 2009, par le programme « Culture » figure le projet « 2020 Network », entre art et changement climatique : sept organisations artistiques européennes dont le Théâtre national de la danse, et six producteurs européens ont décidé que tout devait être fait à l’horizon 2020 pour mettre en œuvre les changements nécessaires, stabiliser le climat et assurer un avenir durable à notre planète. C’est le plus grand défi du XXIe siècle. S’appuyant sur une équipe de plus de vingt artistes et compagnies très impliqués dans les questions environnementales, le « 2020 Network » a mis en place une série d’actions pratiques entre 2008 et 2010. Il s’agissait de mettre à profit la puissance d’imagination des artistes pour susciter le débat et trouver des solutions. « Je ne peux pas dire que l’art résoudra tout ; il ne résoudra rien. Mais tout le monde doit s’unir et regarder dans la même direction », insiste Max Eastley, artiste sonore qui a pris part à ce programme. « Art nouveau et société » est un autre projet associant un partenaire français, le Musée de l’école de Nancy. Il a été initié en 1999 par dix-huit institutions de villes européennes jouissant d’un riche patrimoine art nouveau. Celles-ci ont décidé de se rassembler pour former le « Réseau art nouveau » afin d’étudier et de promouvoir ce patrimoine auprès du grand public, des enfants et des professionnels. Parmi les activités proposées figurent des expositions, des publications, des conférences, des outils éducatifs, des bases de données de recherche, la production de livres multilingues et une lettre d’information bimestrielle adressée à plus de 2 500 lecteurs. L’élément principal du projet est une présentation multimédia se focalisant sur l’art nouveau européen et ses contextes sociaux, politiques et économiques, en mettant en perspective les richesses des villes partenaires.

1,5 million d’euros pour chaque capitale de la culture
Parallèlement à ces politiques de soutien que l’on qualifierait de « classique », figurent des initiatives de plus grande envergure également soutenues par le programme « Culture ». Ainsi des capitales européennes de la culture dont Marseille est l’heureuse élue en 2013. La cité phocéenne est la quatrième ville française à jouir de ce statut après Paris en 1989, Avignon en 2000 et Lille en 2004. Environ 1,5 million d’euros a été versé par l’Europe à chacune de ces villes qui se sont vues en même temps décerner le « prix Melina Mercouri ». Les capitales européennes de la culture constituent des leviers de développement touristique, économique et social précieux comme en témoigne l’exemple de Lille 2004. De décembre 2003 à novembre 2004, l’Office de tourisme de Lille a accueilli 823 000 visiteurs, contre 308 000 de décembre 2002 à novembre 2003. 4 000 journalistes ont été reçus. 140 délégations étrangères sont venues suivre l’événement. Boom économique également. L’hôtellerie lilloise a enregistré à cette période une progression de 15 % de sa fréquentation, les restaurants et débits de boisson de 7 %.

Les acteurs culturels français puisent également, outre le programme « Culture », dans les dispositifs européens liés à la politique de cohésion comme le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE) (lire p. 24). Ceux-ci ont déployé 765 millions d’euros de fonds européens en faveur de projets hexagonaux. Ainsi, par exemple, la remise en valeur de la baie du Mont-Saint-Michel a-t-elle été réalisée avec des subsides européens. Le projet prévoyait la construction d’un nouveau barrage permettant de déblayer les abords du Mont des sédiments qui s’y accumulaient, la démolition des parkings pour restituer les grèves à la nature, et la construction d’un pont passerelle insubmersible franchissant le chenal est du Couesnon. Ce projet a été soutenu par le Feder à hauteur de 10 millions d’euros pour un coût total de 33 millions. « Le Feder a financé une moyenne de 15 millions d’euros par région métropolitaine et de 7 millions par région d’outre-mer, soit un total de 360 millions d’euros. À titre d’exemple, la Région des Pays de Loire a perçu plus de 20 millions d’euros », poursuit Laurence Barone.

Des fonds européens ont également été utilisés par des acteurs culturels français dans neuf dispositifs transfrontaliers métropolitains (270 millions d’euros) et trois dispositifs concernant les départements d’outre-mer (30 millions d’euros). La crise conduisant de plus en plus d’institutions culturelles des pays membres à réduire la voilure (baisse de 25 % des financements publics aux Pays-Bas, de 25 % en Slovénie), la manne européenne constitue une aubaine pour renforcer la vitalité du secteur culturel européen. Et la France, très active en ce domaine, profite largement de ces dispositifs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : 900 millions d’euros pour la France

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