Ventes aux enchères

Le « commissaire de justice » pourrait naître le 1er janvier 2017

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 5 avril 2016 - 666 mots

PARIS [05.04.16] - Un rapport remis le 22 mars 2016 au garde des Sceaux, dévoile les contours de la future profession, fusionnant à terme commissaires-priseurs judiciaires et huissiers de justice, dans l’attente de l’ordonnance définitive d’ici juin 2016.

Révolution ou retour à une situation instaurée plus de trois cents ans auparavant, les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice ne constitueront plus qu’une seule et même profession à partir du 1er janvier 2017, avant de fusionner définitivement six à dix ans après la mise en place de la réforme. Celle-ci était devenue inéluctable depuis l’adoption de l’article 61 de la loi du 6 août 2015 sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

Le Gouvernement doit désormais procéder par ordonnance d’ici juin 2016 pour donner naissance officiellement au « commissaire de justice ». Un rapport co-rédigé par Jean-François de Montgolfier (Maître des requêtes au Conseil d’État) et Agnès Pic (Conseillère référendaire à la Cour de cassation) a été remis le 22 mars dernier, sans bénéficier encore d’une publicité officielle.

Deux étapes sont suggérées afin d’accompagner progressivement la fusion des deux professions. Dans moins d’un an, un titre unique les régira, seule la qualification d’huissier ou de commissaire-priseur subsistant. Les monopoles respectifs seraient conservés, mais ces officiers ministériels et publics pourront travailler de concert dans une structure commune ou cumuler les deux activités, possibilité supprimée en 1992, sous réserve d’y être habilités. Le cumul serait alors juridiquement apprécié comme une installation. Le regroupement progressif vise notamment à éviter toute indemnisation des commissaires-priseurs judiciaires qui subiront « la perte, quasi-certaine, d’une grande partie de l’activité de vente des biens saisis ». Rappelant que les commissaires-priseurs judiciaires ne jouissent pas d’un droit à ce que leurs conditions d’exercice n’évoluent pas, le rapport plaide pour une évolution leur permettant « raisonnablement de s’y adapter afin d’éviter la perte de la valeur patrimoniale de leurs offices ».

La création d’une organisation ordinale unique est également proposée pour le 1er janvier 2018, avec une représentation spécifique des commissaires-priseurs judiciaires pour pallier le risque de dilution. Cette première étape devrait durer six ans, sauf prorogation potentielle de deux fois deux ans.

La seconde étape marquera le passage à un exercice concurrent, avec un assouplissement des conditions d’exercice. Une simple justification de l’acquisition des qualifications requises permettra alors l’exercice des deux qualifications possibles du « commissaire de justice ». Selon le rapport, « il n’y a pas lieu de définir d’ores et déjà une « ultime » étape dans laquelle les qualifications » auraient disparu. Un décret en Conseil d’État précisera ultérieurement le maintien ou non de la qualification en art au sein de la nouvelle profession, qui bénéficiera d’un socle commun de formation et d’un accès unique.

Mais l’enjeu majeur réside dans les modalités de la réalisation de ventes volontaires, enjeu pourtant « à première vue hors du champ de l’habilitation ». La solution retenue plaide pour une application des règles propres aux commissaires-priseurs judiciaires aux huissiers soit une séparation des activités entre un office, pour l’aspect judiciaire, et un opérateur de ventes volontaires. Une redéfinition des règles régissant le monopole territorial est prévue.

Enfin, le rapport se fait l’écho des préoccupations des commissaires-priseurs au regard du possible affaiblissement des opérateurs de taille moyenne face à la concurrence des plus importants opérateurs du marché de l’art. Relevant la possibilité nouvellement accordée de regroupement et d’interprofessionnalité permettant de créer des dynamiques de croissance de nature à faire émerger, notamment en région, des opérateurs à la taille critique, les auteurs du rapport sont lucides. Ainsi notent-ils qu’ « on peut toutefois craindre que, pour des raisons tenant à la culture professionnelle des officiers publics et ministériels intéressés, seule une fraction de ces professionnels soit en mesure de s’engager dans cette dynamique ».

Si le statut définitif sera précisé, après l’ordonnance, par décrets et arrêtés, les craintes ou aspirations des professionnels promettent de futures luttes d’influence. Face aux très fortes réticences des commissaires-priseurs judiciaires, 57 % des huissiers se déclarent vraiment favorables à la réforme, selon un sondage réalisé par leur chambre nationale à paraître ce mois-ci.

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Emmanuel Macron en septembre 2014 © Photo Gouvernement français - Licence CC BY-SA 3.0

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