États-Unis - Justice

De nouvelles accusations de contrefaçon portées contre Richard Prince

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 18 février 2015 - 635 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [18.02.15] - Le photographe Donald Graham vient de mettre en demeure l’artiste appropriationniste Richard Prince de cesser d’exposer une de ses œuvres en raison de l’utilisation non autorisée de l’une de ses photographies dans la série « New Portraits ».

Richard Prince - © Photo Drpaluga - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0
Richard Prince.
Photo Drpaluga, 2008

Moins de deux ans après la décision de la cour fédérale du deuxième circuit des Etats-Unis du 25 avril 2013 ayant retenu l’éligibilité de certaines œuvres incriminées par le photographe Patrick Cariou à l’exception de Fair use, et après une très forte mobilisation des acteurs de l’art contemporain en faveur de l’un ou de l’autre des protagonistes de cette affaire désormais résolue, l’œuvre appropriationniste de Richard Prince est de nouveau dénoncée.

Le photographe américain Donald Graham (1945) vient de mettre en demeure Richard Prince et la maison-mère new-yorkaise de la galerie Gagosian, selon une information révélée par le site Internet Hyperallergic et confirmée par l’avocat du photographe.

Donald Graham reproche à Prince d’utiliser sans son autorisation l’une de ses photographies intitulée Rastafarian Smoking a Joint, Jamaica (Un Rastafarien fumant un joint, Jamaïque), pour les besoins d’une des œuvres présentées par Prince à l’exposition « New Portraits », qui s’est achevée en octobre dernier. Donald Graham souhaite ainsi voir cesser toute exposition ou diffusion d'œuvres de Prince intégrant des éléments extraits de cette photographie.

Série de 37 Instagram paintings (peintures d’Instagram), « New Portraits » pousse l’art de l’appropriation à son paroxysme. En effet, l’artiste, après avoir commenté avec un certain détachement des images publiées par des utilisateurs sur le service de partage de photographies et de vidéos Instagram, a effectué des captures d’écran avant d’imprimer sur toile les photographies sélectionnées et commentées.

Parmi celles-ci, de nombreuses célébrités du moment et un Rastafarien, écho provocateur à l’affaire l’ayant opposé à Patrick Cariou et à son ouvrage Yes, Rasta avec son exposition « Canal Zone », déjà présentée par la galerie Gagosian. L’artiste ayant agrémenté la photographie d’un commentaire explicite, « Canal Zinian da lam jam ». Problème, la photographie choisie sur le compte Instagram de l’utilisateur « @rastajay92 » n’est nullement libre de droit, puisqu’elle est l’œuvre d’un autre artiste, le photographe Donald Graham.

Ce dernier, alors que l’exposition avait encore cours, n’avait pas hésité à poster sur son propre compte Instagram une photographie de l’œuvre de Prince, dont le commentaire se terminait par « #PrinceofAppropriation ».

Contacté par Le Journal des Arts, l’artiste a tenu à rappeler par le biais de son avocat, Sergio Muñoz Sarmiento, que « la protection accordée à toutes les œuvres d’art originales et aux moyens d’existence (des artistes) contre l’utilisation non autorisée et l’appropriation réalisées par des entreprises ou des individus constitue un élément sacrosaint et fondamental de la société et de la culture américaines ». Avant d’ajouter, que « ce principe, consacré par la propriété intellectuelle, m’est particulièrement essentiel et, fait encore plus important, s’avère primordial et nécessaire pour la communauté artistique à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir. C’est au nom de ce principe, que j’ai l’intention, avec bien d’autres, de faire entendre ma voix, avec une intégrité et une passion particulièrement fortes ».

La présente affaire ne pourrait donc pas s’arrêter à la seule demande d’interdiction de toute utilisation de son travail artistique formulée par Donald Graham, dont l’un des 25 exemplaires de l’œuvre Rastafarian Smoking a Joint, Jamaica était proposé à la vente par Artcurial en novembre dernier, pour une estimation de 2 500 à 3 500 euros, loin, très loin des prix atteints par les œuvres de Richard Prince.

Au-delà, cette situation incite à s’interroger sur le rapport entretenu avec l’image et le droit d’auteur sur les sites Internet de partage de contenu. De manière bien souvent inconsciente, les utilisateurs de ces sites portent atteinte à l’autorité des artistes sur leurs œuvres ne créditant nullement les images postées, puis reprises par les uns ou les autres.

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