États-Unis - Justice

La police de New York bloque l’exportation d’un fragment de fresque provenant de Paestum, destiné au milliardaire américain Michael Steinhardt

Par Amélie Du Fretay · lejournaldesarts.fr

Le 25 novembre 2013 - 622 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [25.11.13] – Après deux ans d’enquête, la police judiciaire de New York a stoppé l’envoi d’un fragment de fresque destiné au milliardaire Michael Steinhardt, exporté illégalement, et identifié comme provenant d’une nécropole de Paestum. Elle devrait restituer le fragment à l’Italie, l’autre morceau de la tombe étant exposé au Musée archéologique national de Paestum.

Par un procès verbal du 13 novembre 2013, la police judiciaire a interrompu définitivement l’exportation illégale d’un fragment de fresque provenant de la nécropole d’Andriuolo, au nord de Paestum. Le colis était destiné au milliardaire américain Michael Steinhardt, grand collectionneur d’antiquités, membre du comité consultatif de Christie’s, personnage influent de la bonne société new-yorkaise, et l’un des premiers gestionnaires de fonds d’investissements. Selon le journal italien l’Espresso, la procédure devrait permettre à l’Italie de récupérer ce fronton probablement volé, l’enquête ayant mis au jour un système complexe visant à maquiller la provenance illicite du bien.

C’est en avril 2011 que le fragment est envoyé par un Suisse Ramon Schwarz via un intermédiaire nommé Andrew Baker, installé au Lichtenstein, à destination de Michael Steinhardt, à New York. La lettre de transport aérien mentionnait alors comme provenance la Macédoine. Quant à la déclaration officielle associée à l’objet, elle précisait que le motif de cet envoi était personnel, l’objet étant exporté pour un usage privé et non pour être vendu.

Le 20 avril 2011, le fragment est intercepté par les douanes à l’aéroport de Newark dans le New Jersey, son acheminement étant immédiatement bloqué, dans l’attente de vérifier la provenance du colis. A la demande des autorités américaines, Ramon Schwarz leur fait alors parvenir, par l’intermédiaire d’Andrew Baker, une déclaration sous serment via la société de transport suisse MatSecuritas. Le document attestait que l’objet provenait de Macédoine, qu’il était daté du IVe siècle avant Jésus-Christ, et qu’il avait été envoyé pour être montré à un éventuel acquéreur, ce qui contredisait la lettre de transport aérien. La déclaration de Baker précisait également que le bien avait été acquis en 1959 par un certain Lens Tschanned auprès d’une galerie d’art Suisse, et que ce dernier l’avait conservé à son domicile jusqu’à sa vente en 2011.

En mars 2012, en l’absence de licence d’exportation, les douanes américaines décident de saisir le fragment, et de montrer des photographies de l’objet à un expert. Celui-ci contredit alors l’origine de l’objet, puisqu’il proviendrait selon lui non de Macédoine, mais de Paestum. Alertés par les douanes américaines, les carabiniers mènent donc leur enquête et découvrent que le fragment provient en réalité de la tombe 53 de la nécropole d’Andriuolo, au nord de Paestum, découverte en 1969 par l’archéologue Mario Napoli. Ils s’aperçoivent également qu’un autre élément de la tombe est conservé au Musée archéologique national de Paestum. Ainsi, la déclaration de Baker s’avérait doublement fausse puisque l’objet ne provenait pas de Macédoine, et qu’il n’avait pu être acquis en 1959 puisque le site n’avait été découvert que 10 ans plus tard.

Selon le site qui a ébruité l’affaire, Chasing Aphrodite, les différents protagonistes pourraient être liés à un réseau de trafic de biens culturels, ce qui pose la question de la surveillance des trafiquants, et par là même, des collectionneurs peu scrupuleux, qui ont une influence dans l’exportation illégale des biens culturels. La société MatSecuritas aurait déjà été mêlée à une affaire similaire puisque c’est elle qui aurait transporté une statue volée de la déesse Aphrodite pour le Getty Museum. Quant à Andrew Baker, avocat spécialisé dans l’optimisation fiscale, basé à Londres, en Turquie, et au Lichtenstein, il aurait déjà été accusé de fraudes et de blanchiment d’argent. Si l’on en croit le site, Michael Steinhardt, dont la fortune est estimée à plus d’un milliard de dollars, pourrait ne pas être étranger à ce réseau.

Légende photo

Fresque grecque de la tombe du Plongeur sur le site archéologique de Paestum - source Wikimedia

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