Italie - Monument

À Venise, les Vieilles Procuraties, sur la place Saint-Marc, ouvrent au public

VENISE / ITALIE

Ce palais emblématique de la place vénitienne a été réhabilité par l’architecte star David Chipperfield. À un grand geste architectural, le Londonien a privilégié une série d’interventions respectant l’histoire des lieux.

Les Vieilles Procuraties sur la place Saint Marc à Venise. © Alessandra Chemollo, 2022
Les Vieilles Procuraties sur la place Saint Marc à Venise.
© Alessandra Chemollo, 2022

Venise. C’est l’un des édifices les plus admirés au monde mais aucun visiteur n’avait franchi son seuil depuis cinq siècles. Le palais des Vieilles Procuraties de Venise borde la célèbre place Saint-Marc. Avant la pandémie, près de 30 millions de touristes par an arpentaient la place sans pouvoir visiter ce très célèbre palais. Ils pourront désormais s’engouffrer dans l’enfilade de ses arcades et contempler les fresques qui se cachaient derrière ses emblématiques façades. Les Procuratie Vecchie ont été érigées au XIIe siècle avant qu’un incendie ne les dévaste en 1512. Elles furent remplacées en 1538 par ce palais vénéto-byzantin dans le plus pur style classique de la Renaissance italienne. Avant que la République de Venise ne s’effondre sous les assauts du général Bonaparte en 1797, il fut le lieu de travail et de résidence des procurateurs. Ces hauts magistrats secondaient le doge et avaient la haute main aussi bien sur le Trésor de la Ville que sur ses affaires sociales.

Un chantier colossal

Le bâtiment appartient à l’assureur Generali, qui a confié sa restauration à l’architecte anglais de renommée internationale David Chipperfield. Un chantier colossal d’une surface de 12 000 m2. Une phase de conception de vingt-quatre mois a été nécessaire pour ces travaux qui auront duré cinq ans. « Ce n’est un secret pour personne que travailler avec l’administration en Italie est assez compliqué », a ironisé David Chipperfield, faisant allusion aux pratiques bureaucratiques d’une sourcilleuse Direction de l’archéologie, des beaux-arts et des paysages de Venise et de la lagune, qui ont ralenti le lancement des travaux. Cela a permis d’approfondir la réflexion sur la restauration d’un « édifice malmené pendant une très longue période, a expliqué David Chipperfield. Des décorations avaient été enlevées, des escaliers, ascenseurs et salles de bains rajoutés, de manière très désordonnée. Notre responsabilité était de lui rendre une certaine intégrité. » C’est chose faite avec les fresques qui ont retrouvé tout leur éclat grâce au savoir-faire des artisans locaux. « Il était essentiel de collaborer avec eux, en utilisant des techniques et des matériaux qui font partie de la tradition vénitienne », précise Cristiano Billia, directeur associé de David Chipperfield Architects Milan. Le pastellone (produit naturel à base de chaux) et le terrazzo (mélange de fragments de marbre coloré et de ciment) ont ainsi été utilisés pour les sols, murs et plafonds. Le marmorino leur a apporté un effet satiné. Le bâtiment qui a retrouvé toute sa splendeur est également aménagé pour atteindre la neutralité carbone. Ces travaux sont au cœur du projet de rénovation de l’Area Marciana (zone comprenant la place Saint-Marc et ses environs, jusqu’au Grand Canal), qui inclut également les Giardini Reali. Elle permet de relier directement ces jardins royaux à la place Saint-Marc et au Grand Canal en traversant le pont-levis situé au pied de la partie des Procuratie Nuove, qui abrite notamment le Musée Correr.

Un retour aux origines

Les Procuratie Vecchie n’ont pas retrouvé seulement leur lustre d’antan, elles ont aussi repris, en quelque sorte, leur fonction originelle. Generali, qui s’est implanté à Venise un an après sa fondation à Trieste en 1831, a transféré ailleurs, il y a plus de trente ans, l’essentiel de ses bureaux. Dans les combles spacieux des Procuratie Vecchie et au troisième étage siègent désormais The Humanity Safety Net, la fondation lancée par l’assureur pour soutenir les personnes les plus vulnérables, en particulier les réfugiés. Celle-ci travaille avec une soixantaine d’ONG dans une vingtaine de pays pour aider à atteindre les objectifs de développement durable fixés par l’ONU. Les espaces consacrés à ses activités comprennent des salles d’exposition, une bibliothèque, un café et un auditorium. Sans oublier deux terrasses offrant une vue exceptionnelle sur la ville. « Les procurateurs s’occupaient des veuves, orphelins et pauvres. Pour nous, qui œuvrons pour l’inclusion sociale, c’est un bel hommage à l’histoire et à l’identité de ce bâtiment », revendique sa directrice, Emma Ursich. Une identité qui est également culturelle avec des expositions qui y ont déjà été organisées, en particulier dans le cadre des événements collatéraux de la Biennale de Venise inaugurée le 23 avril dernier. Jusqu’au 11 septembre, les Procuratie Vecchie célèbrent ainsi les 60 ans de la participation à la Biennale d’art de Louise Nevelson (1899-1988), sculptrice ukrainienne qui représentait alors, en 1962, les États-Unis où elle avait émigré. Se déployant au deuxième étage à travers neuf salles, le parcours propose des pièces emblématiques de sa production telles ses grandes sculptures en bois peint, mais aussi ses œuvres blanches ou encore celles dorées, plus rares.

« L’ouverture des Procuratie Vecchie est un événement historique, s’est félicité Luca Zaia, le président de la région Vénétie. C’est une œuvre pharaonique, une place dans la place, une agora. La place Saint-Marc est désormais plus grande. »

Louise Nevelson: Persistence / LES Vieilles Procuraties - Venise

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : À Venise, les Vieilles Procuraties, sur la place Saint-Marc, ouvrent au public

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque