Château

Grand projet

Une nouvelle ère pour Fontainebleau

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 10 février 2015 - 1011 mots

FONTAINEBLEAU

Doté d’un schéma directeur jusqu’en 2026, le château entame cette année ses travaux. À terme, la majeure partie du château sera utilisée et les cours seront ouvertes au public.

Fontainebleau - « Versailles a ouvert la voie en 2003. Le temps de Fontainebleau est venu » : la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, venue assister le 26 janvier à la présentation du schéma directeur du château de Fontainebleau, voulait ainsi manfester son soutien à ce vaste projet de remise aux normes, mais aussi de réaménagement et de redéploiement des espaces, qui s’étendra jusqu’en 2026, et dans lequel l’État investit 115 millions d’euros.

Jean-François Hebert, reconduit à la présidence du château en septembre 2014, mesure cette nouvelle période à l’aune de l’histoire récente du château : « Il y a eu des moments clés : Rockefeller après la Seconde Guerre mondiale ; Malraux dans les années 1960 qui entraîne le général de Gaulle à s’intéresser à Fontainebleau. Aujourd’hui, nous sommes dans un moment égal à ceux-là. »
Il était temps, en effet, de consacrer les moyens nécessaires à la conservation de ce château aux 1 500 pièces et 45 000 mètres carrés répartis sur treize niveaux. L’entretien d’un tel bâti demande des budgets dont, jusqu’à présent, le château ne disposait pas. En 2009, dès que le château de Fontainebleau se constitue en établissement public, « lancé dans le grand bain de l’autonomie » selon la formule de son président, un vaste diagnostic général est engagé. « Les derniers relevés complets dataient de 1812-1837 », rappelle Patrick Ponsot, architecte en chef des Monuments historiques, en charge de ce travail colossal.

Quatre années de diagnostic
Pour établir le schéma directeur, c’est tout le bâti et les jardins qui ont dû être passés à la loupe des experts. « Il s’agit d’avoir une vision claire et complète des actions à mener, pour une estimation au plus juste des opérations et des coûts », insiste l’architecte. Quatre années ont été nécessaires à l’établissement de ce diagnostic, qui a révélé des situations d’urgence, notamment sur les couvertures de certains logis, des cheminées et des peintures de la salle de bal. Il a surtout montré un état général du bâti assez dégradé, faute d’avoir entrepris une action d’envergure depuis les années 1960 malgré des restaurations « au coup par coup », à l’image de celle, financée en grande partie par l’émirat d’Abou Dhabi, du théâtre impérial, inauguré en 2014 [lire le JdA no 413, 9 mai 2014].
Le château, qui ouvre au public sur dérogation préfectorale, a reçu un avis défavorable de la commission départementale de sécurité. C’est pourquoi la première phase des travaux, programée de 2015 à 2018 et dont le budget est évalué à 34,6 millions d’euros, va surtout donner lieu à une remise aux normes des systèmes incendie et de sécurité : portes coupe-feu, bouches d’incendie extérieures, redéploiement du poste de sécurité, escaliers protégés…

Pour la partie restauration, les équipes interviendront sur les opérations d’urgence, comme la réparation des couvertures abîmées de l’aile de Diane et de l’aile Louis XV, et le renforcement des planchers des galeries François Ier et Diane, qui montrent des signes de faiblesse. Concernant l’accueil, plusieurs opérations sont prévues, notamment l’installation d’un circuit destiné aux personnes à mobilité réduite, la création de sanitaires, la modernisation des postes d’accueil et la rénovation de la cafétéria. Le quartier Henri-IV, cœur historique du château, laissé longtemps en déshérence (siège de l’Otan jusqu’en 1965, il fut question, un temps, d’y installer le Centre européen de musique de chambre), va trouver un nouveau souffle avec l’installation d’un « pôle d’excellence du tourisme » en partenariat avec le Département de Seine-et-Marne. Lors de cette première phase, la cour Ovale, actuellement fermée au public, sera enfin ouverte dans le circuit de visite.

De 2019 à 2022, il sera beaucoup question des réserves. Actuellement disséminées dans le château, les collections non exposées devraient trouver leur place au sein du quartier des Princes, dans une réserve unique et conforme aux normes de sécurité et d’incendie. Dans le quartier Henri-IV, un auditorium et un restaurant seront installés, tandis qu’un centre d’interprétation de l’histoire du château, complexe pour le visiteur, va être créé dans le parcours. Coté jardin, le Grand Parterre sera replanté et bénéficiera d’un nouveau réseau hydraulique.

Enfin, la troisième phase, prévue de 2023 à 2026, verra l’ouverture de la cour des Offices, dans le quartier Henri-IV. Cette ouverture permettra de créer un nouvel accès au château par la place d’Armes, que la Ville de Fontainebleau a pour projet de réhabiliter à l’horizon 2020. Grâce au redéploiement des services administratifs, le Musée Napoléon se répartira sur deux niveaux dans l’aile Louis XV.

Chantier colossal
C’est donc un chantier colossal qu’entame l’établissement public : au cours des douze prochaines années, la totalité du château devrait être sécurisée. En 2014, le site a passé la barre du demi-million de visiteurs, avec 517 000 entrées. À terme, en 2026, les équipes attendent 700 000 visiteurs : on est encore loin des 7,5 millions de Versailles, un site proche de la saturation. La restauration des perspectives du jardin, la refonte du réseau hydraulique, l’ouverture des cours resserrant le lien du château avec la ville devraient permettre de donner un nouvel élan au château et le rendre plus visible et accessible. En attendant, une politique de mécénat très soutenue continue de faire son œuvre. Au printemps, le Boudoir turc de Marie-Antoinette, remeublé par l’impératrice Joséphine et fermé au public depuis plus d’un siècle, rouvrira ses portes, grâce à une opération de mécénat menée en 2012 qui a permis de lever près de 600 000 euros sur un budget d’un million d’euros.

Après 2026, il faudra s’atteler à la restauration du clos et du couvert, à celle des grands décors dont l’état est jugé encore « satisfaisant » (signifiant, en termes diplomatiques, qu’une dégradation irrémédiable n’est pas à craindre) et aux ouvrages hydrauliques du parc : en théorie, il faudra encore obtenir 170 millions d’euros pour les opérations jugées moins prioritaires sur le long terme. Le château ne fait que commencer sa cure de jeunesse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°429 du 13 février 2015, avec le titre suivant : Une nouvelle ère pour Fontainebleau

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