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Un « quartier des musées » émerge à Moscou

MOSCOU / RUSSIE

La capitale russe investit 166 millions d’euros dans la rénovation d’un vaste parc des expositions, jadis consacré aux réalisations soviétiques. Onze musées de toute nature devraient s’y installer.

Moscou. Les installations surréalistes de l’artiste contemporain américain Daniel Arsham donnent un coup de jeune à l’immense centre panrusse des expositions et envoient un signal de bon augure préfigurant l’ambitieuse transformation de l’endroit en « quartier des musées ». Inaugurée le 30 septembre dans le cadre du programme parallèle de la Biennale d’art contemporain de Moscou, l’exposition, présentée jusqu’au 8 janvier 2018, surpasse en qualité le reste de la manifestation. Daniel Arsham a remodelé de fond en comble le pavillon « Carélie », dont la silhouette extérieure rappelle que le VDNH (The Exhibition of Achievements of National Economy, « Exposition des réussites de l’économie nationale ») a été fondé à l’époque de Staline. L’intérieur du pavillon a été « neutralisé » par l’artiste : tous les murs et plafonds ont été repeints dans un blanc virginal. Seul le marbre au sol est resté en état. Les extravagantes sculptures en plâtre blanc d’Arsham modifient l’échelle des salles et ouvrent des perspectives salutaires alors que les lieux semblaient désespérément désuets.

Situé à 10 kilomètres au nord du Kremlin, d’une superficie équivalente au 20e arrondissement de Paris, le VDNH ressemble aujourd’hui à une vaste installation de Christo. Pratiquement tous les pavillons sont soigneusement empaquetés pour recevoir des travaux de rénovation trop longtemps retardés. Le VDNH a été inauguré en 1939 dans le but de glorifier l’Union soviétique. Mais, faute de financements depuis plusieurs décennies, le centre s’est dégradé jusqu’à devenir une foire de piètre qualité, où les vendeurs de miel à la sauvette côtoyaient des kiosques de téléphonie mobile et de barbe-à-papa. Un symbole de la décadence post-soviétique.
 

Remodeler le VDNH

Après plusieurs années de tergiversation, la maire de Moscou s’est décidée au printemps de cette année à injecter des sommes considérables (11,4 milliards de roubles, soit 166 millions d’euros), auxquels s’ajoutent les investissements privés, pour remodeler le VDNH. Le groupe BTP italien Impresa Pizzarotti, connu pour avoir construit une partie d’Eurodisney ainsi qu’un terminal de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, a été choisi pour diriger les travaux. La 12 avril 2017, le maire de Moscou a annoncé la restauration des 37 pavillons historiques du complexe, de 17 fontaines, ainsi que la construction de 15 nouveaux pavillons et l’ouverture de onze musées.

Le futur quartier des musées ne constitue qu’une petite moitié de la surface totale du VDNH (520 ha). Situé autour de la majestueuse allée centrale ponctuée de fontaines monumentales, il côtoiera une « zone du savoir », un centre d’expositions professionnelles, un parc d’attractions, un jardin botanique et un parc de l’artisanat. Il est bordé par des pavillons aux architectures soviético-flamboyantes.

Les pavillons étaient autrefois confiés à des pays satellites ou à des régions de l’URSS (Carélie, Arménie, Kazakhstan, etc.). « Nous délaissons la division ethnique des pavillons au profit d’une répartition thématique », explique la directrice, Ekaterina Motchalina. Le Kazakhstan, le Belarus, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont chacun réussi à conserver un pavillon, mais pas toujours celui d’origine. « Chacun d’entre eux bénéficie d’un bail de quarante-neuf ans pour leurs pavillons, qui seront des représentations culturelles fonctionnant sous la supervision de la direction du VDNH », une structure obéissant à la municipalité de Moscou, propriétaire du site.
 

Onze nouveaux musées

Onze nouveaux musées occuperont les plus prestigieux pavillons. Le Musée de l’Orient y installera une filiale. Le musée du cinéma, jeté à la rue il y a dix ans, y ressuscitera. Rosizo, le Centre des musées d’État et des expositions, gérera un musée de l’écriture et trois pavillons consacrés aux expositions temporaires. Le VDNH comptera également un immense musée de l’espace, un musée polytechnique et un musée de la musique. Aux confins du centre se dresse déjà L’Ouvrier et la Kolkhozienne, une sculpture monumentale de Vera Moukhina ayant représenté l’URSS à l’Exposition universelle de Paris en 1937. La sculpture de métal est installée sur un bâtiment de cinq étages qui abritera le musée de l’histoire du VDNH.

Ekaterina Motchalina souligne que l’ensemble du quartier des musées et tous les pavillons restent la propriété formelle de la Ville de Moscou. Une longue liste de sponsors figure sur les murs de l’exposition de Daniel Arsham, au premier rang desquels l’assureur public Rosgosstrakh. Mais quelques oligarques du premier cercle ont mordu dans le gâteau. Le « Moskvarium » (un musée de la vie sous-marine) a été confié pour quarante-neuf ans au milliardaire Arcadi Rotenberg. Le pavillon-restaurant Épi d’or, de style rococo français, a échu aux mêmes conditions au milliardaire Guennadi Timtchenko. L’intérieur imite un temple de Vénus d’époque romaine. Les deux hommes d’affaires sont de vieux amis du président russe Vladimir Poutine.

Les grands travaux devraient s’achever fin 2018, mais la date d’ouverture des musées est ultérieure. La direction du parc table sur 40 millions de visiteurs par an et des revenus annuels atteignant 34 millions d’euros.

 

 

VDNH,
119, Prospect Mira, Moscou, www.vdnh.ru

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Un « quartier des musées » émerge à Moscou

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