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Un musée à Cologne expose délibérément de faux tableaux russes

Par Alice Fiedler · lejournaldesarts.fr

Le 6 octobre 2020 - 479 mots

COLOGNE/ ALLEMAGNE

D’un mal faisons un bien, pense le Musée Ludwig qui a organisé une exposition des faux entrés dans sa collection. 

Attribué à Mikhaïl Larionow, Rayonismus Rot und Blau, 1913, huile sur toile, 52 x 68 cm, Museum Ludwig, Cologne. © VG Bild-Kunst, Bonn 2020/Photo Rheinisches
Attribué à Mikhaïl Larionow, Rayonismus Rot und Blau, 1913, huile sur toile, 52 x 68 cm, Museum Ludwig, Cologne.
© VG Bild-Kunst, Bonn 2020 / Photo Rheinisches

Le Museum Ludwig à Cologne, a fait analyser sa collection de 600 œuvres d’avant-garde russe datant de 1905 à 1930 et a découvert que parmi la moitié des cent tableaux examinés, 22 ont été faussement attribuées. Des tableaux de Lyubov Popova, Kliment Redko, Nikolai Suetin, Nina Kogan ou El Lissitzky seraient ainsi des faux.

Le musée a malicieusement tiré parti de cette infortune en montant une exposition intitulée « Avant-garde russe : original et copie ». L’exposition présente différents points de vue de chercheurs sur l'authenticité des œuvres d’art à partir de sa collection et permet aux visiteurs de regarder les coulisses de la recherche et de découvrir les diverses techniques d'enquête.

« Pendant longtemps, [les musées] ont préféré cacher des œuvres douteuses dans leurs réserves » dit Rita Kersting, directrice adjointe du musée, à la Süddeutsche Zeitung. « Notre tâche est de créer de la transparence et de traiter de manière critique notre collection et son histoire. »

Les œuvres venaient d’un don du magnat du chocolat Peter Ludwig, fondateur du musée éponyme. Sa femme et lui avaient collectionné l’avant-garde russe depuis les années soixante-dix et ont souvent été leurrés. Le musée explique que cette production est particulièrement touchée par les contrefaçons. Les bouleversements politiques en Union soviétique ont affecté la vie et le travail des artistes ainsi que la transmission de leurs œuvres. Le manque de structures (marchands d’arts, galeries, catalogues) et la réception tardive des avant-gardes (après le stalinisme) ont laissé la porte ouverte aux faussaires.

Selon Rita Kersting : « D'autres musées sont également intéressés par une recherche approfondie sur l'avant-garde russe et par l'échange de leurs découvertes. Nous ne sommes pas le seul musée touché. » En 2018, le Musée des beaux-arts de Gand en Belgique avait dû interrompre une exposition d’art moderne russe suite à des remises en cause sur l’origine des œuvres.

Peu avant l’exposition, les commissaires ont dû défendre leurs recherches contre une plainte de la Galerie Gmurzynska, celle où Peter Ludwig avait acheté la plupart de ses œuvres, rapporte la Süddeutsche Zeitung. La galerie accusait le musée d’analyses « superficielles » causant des « dégâts qui restent dans l'esprit des gens ». En se basant sur la loi de la liberté d’information, la galerie faisait grief au musée de ne pas lui avoir transmis les avis d’experts avant l’ouverture de l’exposition. « La recherche en revanche est protégée par la liberté d’information, » explique Rita Kersting.

Le musée a été fondé en 1976, à l’occasion d’une première donation de 350 œuvres d’art moderne du couple Ludwig à la ville de Cologne. Aujourd’hui, il détient une importante collection d’art du XXe et XXIe siècle. Hormis l’avant-garde russe, on y trouve des œuvres d’expressionnisme allemand, du Pop Art, la troisième plus grande collection Picasso en Europe (après Barcelone et Paris) et une collection sur l'histoire de la photographie. 
 

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