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Maison d’écrivain

Que va devenir la maison d’Hervé Bazin ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 22 février 2023 - 802 mots

MARANS

Alors qu’elle venait à peine de renaître, la maison d’enfance de l’auteur de « Vipère au poing », labellisée « Maison des illustres », est à nouveau en vente

Le Château du Patys. © Maison-Musée Hervé Bazin
Le Château du Patys.
© Maison-Musée Hervé Bazin

Marans/Segré (Maine-et-Loire). Le sort s’acharne sur le château du Patys, à côté d’Angers. Après avoir patiemment restauré et remeublé la maison qui a servi de décor au célèbre roman d’Hervé Bazin (1911-1996), son propriétaire actuel est obligé de la mettre en vente « pour des raisons familiales ». Il avait pourtant su redonner vie à un château (en réalité une belle maison de maître) hanté par Folcoche, la mère du narrateur dans ce roman qui se déroule dans les années 1925. Celle-ci y a vécu quasiment jusqu’à sa disparition en 1960 – elle s’était réconciliée avec son fils. Puis la maison, vendue à trois reprises à des particuliers, est restée longtemps inoccupée, jusqu’à ce que Jean-Christophe Garnier tombe en 2017 sur une annonce de vente sur Leboncoin pour une maison ayant appartenu à un « célèbre écrivain », sans plus de précisions. Il décide de l’acheter et, de fil en aiguille, se prend au jeu et tente de reconstituer le décor de la maison à l’époque du roman afin de pouvoir l’ouvrir au public.

Décor du roman ou décor réel de Jean-Pierre Hervé-Bazin (de son vrai nom) quand il était enfant, c’est toute la question. « Hervé Bazin a toujours affirmé que le roman était vrai à 70 % », explique le propriétaire, qui tente de concilier réalité et fiction. Il n’a d’ailleurs pas la prétention de faire œuvre scientifique, n’étant ni conservateur ni même romancier (il vient de l’hôtellerie).

Après avoir réalisé des travaux de gros œuvre (toiture, mise aux normes du réseau électrique), il a, grâce à des cloisons, reconstitué la configuration des chambres telle qu’elle apparaît dans le roman, la chambre de « Brasse-Bouillon » jouxtant celle de Ferdinand, et recréé la petite cache et le passage entre les deux. Pour le mobilier, faute de descriptions précises dans le roman ou de photos d’époque, il ne peut qu’imaginer ce que pouvait être une maison de la moyenne bourgeoisie en Anjou entre les deux guerres. Il écume les antiquaires et brocanteurs de la région pour trouver une bibliothèque qui ressemble vaguement à celle figurant dans une « très mauvaise photo de presse », ou pour inventer le mobilier d’une cuisine d’époque. Il pense avoir retrouvé la fameuse tapisserie de la salle à manger figurant l’Amour et Psyché qui, lorsqu’elle est éclairée d’une certaine façon les jours les plus longs, déclenche un rite familial « de paix » chez les Rezeau. Tout est fait pour rappeler le roman : le bureau du père avec ses flacons d’entomologiste, la chambre des parents, la chapelle et même les toilettes.

Salon du château du Patys. © Maison-Musée Hervé Bazin
Salon du château du Patys.
© Maison-Musée Hervé Bazin

Le salon [voir ill.] s’écarte intentionnellement un peu du roman – ou de la réalité. Le propriétaire a créé une sorte de « musée Hervé Bazin », avec moult portraits de famille et documents sur les relations de l’auteur avec son éditeur. Il a d’ailleurs obtenu l’autorisation des éditions Gallimard pour imprimer à ses frais une édition de Vipère au poing, qu’il vend dans la petite boutique. « Mais tout le monde a le roman dans sa bibliothèque, de sorte qu’il s’en vend très peu », reconnaît-il. Dans la dernière salle à l’étage sont projetés des extraits des deux adaptations cinématographiques, dont celle où Alice Sapritch incarne Folcoche. Les visites, guidées ou libres, ont lieu de Pâques à la Toussaint.

Mais au moment où Jean-Christophe Garnier s’apprêtait à ouvrir au public, survient l’épidémie de Covid-19. Ce n’est qu’en 2022 qu’il a pu enfin avoir une année normale. Entre-temps, il a obtenu le label « Maison des illustres », seule aide publique qu’il a reçue. « Mis à part l’office du tourisme, je ne suis pas beaucoup aidé », lâche-t-il un peu navré.

La maison, avec tout son ameublement et la muséographie, est en vente au prix de 800 000 euros. Mais les acheteurs ne se bousculent pas. En tout cas pas parmi les sept enfants d’Hervé Bazin, lesquels n’ont jamais mis les pieds au château du Patys, même depuis sa réouverture au public. Ce qui n’est pas le cas des descendants de René Bazin (1853-1932), l’oncle écrivain et journaliste. Moins connu que son neveu, sa mémoire est soigneusement entretenue par ses descendants, qui ont organisé une visite avec toute la famille dans la maison (il existe une active Association des amis de René Bazin).

D’après Jean-Christophe Garnier, l’exploitation du site permettrait de fournir une honnête rémunération à des particuliers qui voudraient reprendre le lieu. Mais que se passera-t-il si personne ne le reprend ? ou si quelqu’un rachète la maison pour l’habiter totalement et la fermer au public ? Contactée, la Mairie de Segré-en-Anjou-Bleu n’a pas souhaité nous répondre. Pourtant le Maine-et-Loire ne pointe qu’à la 47e position dans le classement des départements par le nombre de touristes. Ce département, coincé entre la Loire-Atlantique (18e) et l’Indre-et-Loire (31e), aurait grand besoin de mieux faire valoir ses sites culturels.

Maison / musée Hervé Bazin

château du Patys, 748, route du Patys, Marans, 49500 Segré-en-Anjou-Bleu, www.chateaudupatys.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : Que va devenir la maison d’Hervé Bazin ?

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