Peter Briggs

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 28 août 2019 - 591 mots

Il y a de cela plusieurs années, ce sculpteur francophile, né en Grande-Bretagne en 1950, exposa aux côtés d’Anish Kapoor.

C’était à Rennes, à l’époque où Jean de Loisy invitait, à travers les Ateliers internationaux des Pays de la Loire qu’il avait créés en 1983, des artistes incontournables. Depuis, Peter Briggs, qui enseigne à l’École des beaux-arts de Tours, a fait un passage chez Chantal Crousel, ainsi que dans une autre galerie qui a entre-temps fermé. En 1990, son exposition « États de surface », chez Artcurial, s’est soldée par un échec commercial qui l’a conduit à snober le marché, lequel, reconnaît-il, le lui rend bien. « Nous sommes assez nombreux de ma génération à être boudés par les galeries », déplore-t-il. Sa nouvelle exposition à La Piscine, à Roubaix, qui accueille entre 200 000 et 250 000 visiteurs par an, pourrait, en lui offrant une belle visibilité, réveiller l’intérêt pour son œuvre.

Celle-ci procède en partie par extension d’une collection d’éléments qui a commencée en 1992 : « J’avais voulu mettre sur pied un projet de grandes pièces en fonte de fer, je n’en avais pas les moyens et le projet était sans doute trop ambitieux, explique-t-il. J’avais préparé des petites formes, testé des matériaux, puis, dépité par l’impossibilité de passer à l’acte, j’ai posé ces éléments sur une étagère dans l’atelier. Cette action, une forme de travail de deuil si l’on veut (« To shelve an idea »), s’est petit à petit enrichie d’autres éléments de même nature. » Ce dispositif sur étagère, Shelf Life, est ici présenté dans une sorte de spirale carrée que Peter Briggs a spécialement conçue, permettant des effets de cache-cache, des répétitions et d’autres jeux de correspondances nés de rapprochements. Il y a des plaques en acier perforées émaillées, des coquillages percés, des tubes en porcelaine et en latex, des modelages en porcelaine et en aluminium, certains peints en orange avec de l’oxyde de plomb, et, encore, un vase en cristal, une pierre de la Loire recouverte de latex noir, un support de four en porcelaine de Sèvres, une loupe indienne montée sur un support. « Des choses fabriquées simplement avec les mains et des objets empruntés à la nature. »

Au-delà du curieux effet d’inventaire et de la poésie qui s’en dégage, on peut voir dans cette juxtaposition de formes, d’échantillons, de chutes et d’essais techniques, accumulés et archivés depuis quarante ans, autant un refus de la démesure que celui d’un point de vue figé. Des pièces optiques, la plupart anciennes, viennent jalonner le parcours, miroirs convexes, verres soufflés ou thermoformés, qui produisent des effets réfléchissants offrant au visiteur de « se voir dans l’exposition ». « Toutes ces opérations tournent autour d’une curiosité pour la matière et pour ce qui se passe entre deux objets. » Une sorte de méditation, d’un binôme « forme-matériaux » vers un autre binôme « forme-matériaux ». Ce que ce lecteur assidu, engagé dans de nombreux échanges intellectuels avec divers correspondants, écrivains, poètes, philosophes, définit comme un processus d’« interprocessualité » entre les objets, mais aussi entre le passé et le présent.

Pour le futur, Peter Briggs aimerait « qu’un lieu parisien reprenne l’exposition », tout en avouant ses doutes. Mais cette étrange façon de faire œuvre à travers une collection à la croisée des arts, de la nature, des techniques et de l’écriture, pourrait bien résonner avec une époque qui ne cesse par ailleurs de redécouvrir les cabinets de curiosités.

 

1950
Naissance à Gillingham (Angleterre)
1974
Un an après avoir obtenu un diplôme du Hornsey College of Art (Londres), Peter Briggs reçoit son diplôme de l’école des Beaux-Arts de Dijon
2019
Exposition à La Piscine de Roubaix
« Peter Briggs. Brouillon général »,
jusqu’au 22 septembre 2019. La Piscine – Musée d’art André Diligent, 23, rue de l’Espérance, Roubaix (59). Du mardi au jeudi de 11 h à 18 h, le vendredi de 11 h à 20 h et les samedis et dimanches de 13 h à 18 h. Tarifs : 11 et 9 €. www.roubaix-lapiscine.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : Peter Briggs

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