Restauration

Parrocel sort de l’ombre

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 13 mai 2005 - 567 mots

Le Musée de l’armée restaure les fresques du réfectoire des Invalides exécutées par le protégé de Louvois.

 PARIS - Lancée il y a bientôt dix ans, « Athéna », l’opération de modernisation et de rénovation du Musée de l’armée, à Paris (lire le JdA n° 178, 10 octobre 2003), achève sa deuxième phase de travaux. Au programme : l’inauguration d’ici à la fin 2005 du parcours chronologique (de Saint Louis à Louis XIII) installé au rez-de-chaussée, suivie, courant 2006, de celle de l’espace consacré à la période 1871-1939, situé au premier étage. Les peintures murales décorant l’ancien réfectoire nord-ouest des Invalides seront aussi restaurées. Débuté en janvier 2005, ce délicat chantier, s’élevant à plus de 2 millions d’euros, devrait rendre leur aspect originel aux fresques réalisées entre 1679 et 1681 par Joseph Parrocel, protégé de Louvois. Commandes royales destinées aux soldats qui logeaient alors aux Invalides, elles célèbrent les conquêtes militaires de Louis XIV et rendent hommage à la bravoure des combattants. Les grandes compositions du mur est racontent des épisodes de la fin de la guerre de Hollande (1676-1678) et s’achèvent sur la paix de Nimègue. Elles sont séparées par des éléments architecturaux en trompe l’œil s’ouvrant sur des paysages. Le mur ouest, percé de onze fenêtres et de disposition similaire, relate la prise de Bouillon, la bataille de Saint-Denis-devant-Mons, le siège de Charleroi… De part et d’autre de la salle (sur les murs sud et nord), le roi donne ses ordres pour la guerre, puis reçoit les remerciements des ambassadeurs d’Espagne, de Hollande et d’Allemagne pour sa clémence. L’ensemble a été très endommagé par le temps, mais surtout par les interventions antérieures, certaines parties se trouvant « dans un état catastrophique », précise Benjamin Mouton, architecte en chef et inspecteur des Monuments historiques chargé de la maîtrise d’œuvre. « Nous avançons donc avec beaucoup d’espoir mais aussi beaucoup de prudence », ajoute-t-il. Les œuvres sont très encrassées, certaines couches picturales présentent des soulèvements importants, les vernis sont altérés, et les repeints, très souvent maladroits et visibles.

« Les rendre plus gaies »
Pour Madeleine Hanaire, responsable du groupement des vingt-huit restaurateurs chargés du chantier, « plus encore que les scènes de bataille, les peintures décoratives [les trumeaux avec leurs cartouches, inscriptions et chapiteaux] ont été fortement endommagées. Vouées à la vie militaire, elles avaient un aspect sombre et austère. Dès le début du XVIIIe siècle, elles ont été détournées de leur logique initiale. On a cherché à les rendre plus gaies, plus lumineuses, et, au fil du temps, elles ont été repeintes de plus en plus clair ». Un détournement particulièrement visible pour le mur ouest dont les compositions ont été masquées par de grands encadrements moulurés en trompe l’œil. Les scènes de bataille se déployant sur les trumeaux ont, elles, été remplacées par des paysages italianisants, tandis que médaillons et cartouches ont carrément été effacés. « Le travail de restauration se révèle très difficile, puisqu’il s’agit de restituer un décor aujourd’hui disparu. Il nous faut gommer les différentes strates de l’histoire ; pour ce nous avons dû faire des propositions parfois très audacieuses. » Une décision nécessaire pour retrouver toute la subtilité du style Parrocel, dont les scènes en plans rapprochés plongent le spectateur au cœur des combats.

Musée de l'armée

Hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris, tél. 01 44 42 38 77, www.invalides.org, tlj sauf le premier lundi du mois, 10h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Parrocel sort de l’ombre

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