Michel Draguet : « Depuis des décennies, nous n’avons pas bénéficié de refinancement à la hauteur de nos obligations »

Directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 22 janvier 2015 - 729 mots

L’Œil : La demande de madame Elke Sleurs du retour du Musée d’art moderne à son emplacement d’origine occupé par le Musée Fin-de-siècle est-elle envisageable ?
Michel Draguet
: Tout est toujours envisageable. Mais cette demande a un coût qui ne serait pas le signe de bonne gestion, de même qu’elle porterait un coup majeur à la relation que l’institution entretient avec ses partenaires, mécènes et visiteurs. Créer une relation prend un temps considérable. L’impact sur l’image de marque et la crédibilité du musée ne témoignerait pas d’une bonne administration.

Cela signifie-t-il l’arrêt du transfert du Musée d’art moderne, autrefois au Mont des Arts, dans les anciens magasins Vanderborght comme cela était prévu ?
Ce projet est le plus rationnel et le moins onéreux. Il règle la question de la présentation des collections d’art moderne pour un coût raisonnable et réaliste qui a été validé par l’Inspection des finances et tous les partenaires impliqués. Il est de loin inférieur aux solutions situées dans le périmètre que nous occupons sur le Mont des Arts et qui induirait nécessairement une réduction du nombre d’œuvres présentées.

Cette politique de redé-ploiement des collections a été justement très critiquée lors de votre décision de substituer au Musée d’art moderne le Musée Fin-de-siècle…
Quand je suis arrivé à la tête des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, il y avait 300 000 visiteurs par an ; le redéploiement entamé avec la création du Musée Magritte puis du Musée Fin-de-siècle a permis de passer à 650 000 visiteurs. Une étude prévisionnelle réalisée dernièrement montre que si nous n’avions pas eu cette stratégie, nous aurions dû fermer le musée faute de moyens.

Cette politique de redéploiement n’a-t-elle pas cependant conduit à négliger la rénovation du Musée d’art ancien qui est en triste état ?
C’était la phase quatre de la rénovation du musée lancée en 2000 avec une première étape entamée en 2003. Faute de moyens, ces travaux ont été saucissonnés. La phase de reconstruction de l’auditorium nécessaire pour des mesures de sécurité et de rénovation des salles de la collection Delporte s’achève en 2015. L’accès à l’auditorium via la place du Musée donnera accès aux salles de l’étage réservées à la collection de peinture hollandaise. Pour les extensions du musée fermées en 2003 et désamiantées en 2012, la Régie des bâtiments initie une phase d’études qui devrait engager en 2016 des travaux estimés à une vingtaine de millions d’euros. Leur achèvement en 2019 permettra de disposer de nouveaux espaces et d’engager la restauration du Musée d’art ancien dont la rénovation est estimée à 25 millions d’euros.

Quelles conséquences les coupes du gouvernement fédéral prévues pour l’ensemble des postes du budget 2015 auront-elles sur les Musées royaux des beaux-arts de Belgique ?
Depuis des décennies, nous n’avons pas bénéficié de refinancement à la hauteur de nos obligations et de nos charges. La facture énergétique représente à elle seule 40 % de notre dotation fédérale de 3,7 millions d’euros. Et elle ne cesse de croître. Les coupes du budget 2015 sont drastiques tant au niveau du personnel (- 12 %) que du fonctionnement (- 20 %) et des investissement (- 22 %). Si elles sont maintenues, cela induira pour le musée, qui fonctionne avec deux électriciens et deux chauffagistes, de ne pouvoir assurer un service de qualité et une maintenance efficiente, de réduire ses équipes de surveillance. De devoir couper également dans son programme d’expositions toutes les manifestations dépourvues de recettes, c’est-à-dire les projets scientifiques. Pour repère, notre budget global est de 12 millions d’euros, financé à un tiers par la billetterie, un tiers par les activités commerciales du musée et un tiers par la dotation fédérale. C’est GDF Suez qui a permis l’ouverture du Musée Magritte. Sans les revenus engendrés par ce dernier, nous n’aurions pas pu davantage rénover les salles qui abritent le Musée Fin-de-siècle.

Certains voient dans le positionnement de la secrétaire d’État Elke Sleurs, chargée des établissements scientifiques, un détricotage des musées fédéraux qui incarnent l’unité de la Belgique ?
Il est toujours hasardeux de faire des procès d’intention aux gens. Dans la déclaration du gouvernement, le paragraphe stipulant que si nous restons maître et propriétaire de nos collections, celles-ci doivent servir au développement des collections des communautés et de ses régions. C’est inquiétant quand on le rapproche du décret de la communauté flamande régissant ses chefs-d’œuvre et qui stipule qu’une œuvre séjournant quatre ans en Flandre devient de facto flamande et ne peut plus en bouger.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°676 du 1 février 2015, avec le titre suivant : Michel Draguet : « Depuis des décennies, nous n’avons pas bénéficié de refinancement à la hauteur de nos obligations »

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