Politique

L’Île-de-France veut valoriser son patrimoine régional

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2021 - 997 mots

ÎLE-DE-FRANCE

Depuis 2018, le label Patrimoine d’intérêt régional met en lumière des éléments du patrimoine francilien non protégés et parfois délaissés.

Passerelle de l'Axe Majeur de Dani Karavan à Cergy. © Chabe, 2020, CC BY-SA 4.0
Passerelle de l'Axe Majeur de Dani Karavan à Cergy
Photo Chabe, 2020

Île-de-France. Un label de plus ? Si la labellisation déclenche plus souvent la lassitude que l’intérêt des défenseurs du patrimoine, face à des dispositifs parfois totalement cosmétiques, sans obligations ni aides associées, le label Patrimoine d’intérêt régional, lancé par la Région Île-de-France en 2018, tente d’être un peu plus que l’occasion de poser une plaque. Adossé à la politique de la Région en matière de tourisme et de patrimoine, le programme s’adresse aux lieux qui ne bénéficient pas encore d’une protection des Monuments historiques. « On s’est rendu compte que dans certaines zones d’Île-de-France, le patrimoine n’est pas protégé, explique Florence Portelli, vice-présidente à la culture de la Région, le label Patrimoine d’intérêt régional est complémentaire des classements et inscriptions aux monuments historiques et permettra de sauvegarder toutes les formes de patrimoine. »

Patrimoine rural, cités-jardins, patrimoine industriel et du XXe siècle, le label vise des lieux qui représentent des pans entiers du patrimoine échappant encore aux protections du ministère de la Culture et qui peinent à trouver des financements pour leur restauration. Les 102 sites labellisés, en cinq appels à candidature, recouvrent donc des patrimoines très divers : lavoirs, halles rurales, églises, mais aussi gares, anciennes usines, jusqu’à l’art public des années 1980-1990, avec le parcours d’œuvres de Saint-Quentin-en-Yvelines, ou l’Axe majeur de Dani Karavan à Cergy-Pontoise [voir ill.]. Par ses choix, le label cherche à mettre en évidence des archétypes patrimoniaux typiquement franciliens, au-delà des grands monuments parisiens. « L’idée, c’est vraiment qu’on sorte de Paris, souligne Florence Portelli, on va chercher des lieux qui méritent d’être connus hors des sentiers battus. » Dans ce rééquilibrage territorial, le département comptant le plus de lieux labellisés, la Seine-Saint-Denis, est aussi celui disposant de moins de protections des Monuments historiques dans la région.

Le label donne accès à des aides supplémentaires

Financièrement, le nouveau label régional permet aux propriétaires (collectivités, entreprises, associations ou particuliers) de solliciter des aides auxquelles ils n’ont d’ordinaire pas accès. 30 % du montant des travaux de restauration peuvent ainsi être pris en charge par la Région, dans la limite de 500 000 euros. En cohérence avec la politique touristique de l’Île-de-France, le label ouvre également à des aides pour l’exploitation de ces lieux, avec 20 % des projets de « mise en tourisme » subventionnés par la Région.

Ces aides sont particulièrement bienvenues pour le petit patrimoine rural, dont les petites communes ont du mal à assumer la charge financière, souvent trop modeste pour pouvoir prétendre à une protection. « Dans les zones rurales, ils sont ravis, sinon ils auraient de grandes difficultés à restaurer leur patrimoine », souligne la vice-présidente à la culture. En petite couronne, le coup de pouce financier de la Région est également le bienvenu. À Montreuil, la labellisation des Murs à pêches [voir ill.] s’inscrit dans une dynamique autour de ces vestiges agricoles qui ont attiré, l’été dernier, l’attention de Stéphane Bern et à partir desquels la Mairie construit un projet patrimonial depuis 2014. Gaylord Le Chéquer, adjoint à l’urbanisme et à la « ville résiliente » de Montreuil, met aussi en avant l’effet d’entraînement que peut susciter la participation de la Région : « Si la Ville met tant, que la Région met tant, derrière il est plus facile d’aller toquer à la porte de la Métropole, du Département, de l’État », explique-t-il. « La labellisation consolide aussi la position de la ville, ajoute l’adjoint au maire, qui n’est pas toujours simple à tenir face à des propriétaires privés qui auraient bien vendu leurs parcelles des murs à pêches à des promoteurs. Le label est une reconnaissance, un levier et un encouragement. »

Au-delà du simple aspect financier, le label permet de faire connaître certains lieux, dont l’aspect patrimonial n’est pas mis en valeur. Ainsi des cités-jardins franciliennes, un patrimoine sur lequel la Région travaille activement avec l’édition d’un ouvrage en 2018 par son service Inventaire et patrimoine, et qui a bénéficié de six labellisations. « Pour les locataires, la labellisation, c’est la conscience naissante d’habiter dans un lieu pas banal, pas quelconque. Les habitants lèvent les yeux ! », rapporte Seine-Saint-Denis Habitat, le bailleur social qui a fait labelliser les cités-jardins de Stains, du Pré-Saint-Gervais et de Livry-Gargan. Dans la cité-jardin de Champigny-sur-Marne, la labellisation a déjà permis la pose de bornes explicatives sur l’histoire de l’ensemble résidentiel. Ce dispositif a convaincu rapidement les bailleurs et les collectivités : « Le côté souple du label, les associations de protection du patrimoine trouvent ça “vide”, mais pour les villes qui le sollicitent, c’est bon à prendre », rapporte Milena Crespo, coordinatrice de l’Association des cités-jardins d’Île-de-France.

Un label encore jeune

À Montreuil, le label est un outil de communication auprès des habitants et voisins du site, comme en dehors de la commune. « Quand le conseil régional reconnaît le travail engagé par les associations et la Ville, cela nous permet de communiquer, se félicite Gaylord Le Chéquer. Si l’on rajoute la mission Bern, cela crée une caisse de résonance qui apporte la lumière sur ce site exceptionnel. » Milena Crespo reste plus réservée quant à la publicité qu’apporte ce label, qui n’a pas encore fêté ses trois ans. « Le label donne une visibilité supplémentaire, explique-t-elle, à Suresnes, France 3 Île-de-France est venu faire un reportage suite à la labellisation, par exemple. Mais il y a un travail de fond à faire, le label reste récent et peu connu médiatiquement. En tant qu’association, on doit toujours réexpliquer en quoi il consiste auprès de nos interlocuteurs. »

Outil de reconnaissance, d’appui financier et, à terme, de communication, ce label ne doit pas être considéré comme le premier pas vers une protection. Les lieux labellisés, dépourvus d’inscription ou classement monument historique, bénéficient d’ailleurs parfois d’une autre protection. C’est le cas des Murs à pêches, ou de quatre cités-jardins bénéficiaires du label, qui sont également protégés au niveau départemental, au titre des sites classés ou inscrits. « Si certaines villes avancent sur la protection, je dirais que c’est un mouvement parallèle », estime Milena Crespo.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°562 du 5 mars 2021, avec le titre suivant : L’Île-de-France veut valoriser son patrimoine régional

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