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Patrimoine industriel

Les ors de l’hôtel des Postes

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 10 décembre 2013 - 813 mots

PARIS

Affiché le 22 novembre, le permis de construire de la restructuration de la poste du Louvre va être contesté par des associations patrimoniales.

Les locaux de la Poste de la rue du Louvre, à Paris, dans leur état actuel. © Photo Margot Boutges, 2013
Les locaux de la Poste de la rue du Louvre, à Paris, dans leur état actuel.
© Photo Margot Boutges, 2013

PARIS - « L’affaire méritait d’être mise sur la place publique », affirme Jean-François Cabestan, principal opposant au projet architectural de restructuration de la poste centrale du Louvre, le plus grand édifice postal de France bâti entre 1880 et 1888. C’est à l’initiative de l’association Paris Historique, à laquelle appartient cet historien de l’architecture enseignant à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, que s’est tenue le 7 novembre à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) un après-midi d’étude – qui a rassemblé plus de 200 personnes – pour débattre de l’avenir de cet édifice conçu par Julien Guadet, formant un îlot entre la rue du Louvre, la rue Étienne-Marcel, la rue Jean-Jacques-Rousseau et le passage Gutenberg.

Conduite par Poste Immo, opérateur immobilier de La Poste, la restructuration de la poste centrale, censée s’achever en 2017, réduirait les surfaces dédiées à l’activité postale à environ 20 % de ce bâtiment d’une superficie de 35 000 m2. D’année en année, l’édifice est devenu sous-utilisé, le trafic du courrier ayant diminué depuis l’explosion du numérique et le transfert de certaines activités postales. « Les parties hautes du bâtiment sont presque inutilisées depuis que le centre de tri a été envoyé à Gonesse en 2006 », explique un postier, désignant un étage presque désertique alloué au stockage. Environ 17 % du site seront affectés à des équipements municipaux et 60 % à des activités commerciales, avec en particulier un hôtel de luxe.

La « cathédrale des goulottes »
En juillet 2012, après un appel d’offres européen pour dessiner les lignes de cette poste reconvertie, le projet de l’agence Dominique Perrault Architecture est sélectionné par un jury composé de dirigeants de La Poste et de Poste Immo, d’élus de la Ville de Paris et d’architectes. Fin 2012, le permis de construire est soumis à la Commission du Vieux Paris. Ce comité composé d’élus, de fonctionnaires des services administratifs patrimoniaux et d’experts de la société civile visite le bâtiment en janvier et février 2013 et découvre un patrimoine insoupçonné. « Aucun architecte, pas même les spécialistes de l’architecture industrielle, n’imaginait la richesse que cache l’hôtel des Postes connu des seuls postiers », affirme Jean-François Cabestan. Derrière l’hôtel des Postes – très modifié dans les années 1960 – , dont l’accueil est ouvert sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux usagers, se dissimule en effet l’usine postale, dédiée au traitement du courrier des quatre premiers arrondissements de Paris, que plusieurs historiens de l’architecture décrivent comme « un chef-d’œuvre de l’architecture industrielle de la IIIe République ».
Si les parties hautes ont été reconstruites après un incendie en 1975, le rez-de-chaussée et le premier étage de l’« usine » ont conservé leur ossature du XIXe siècle. Le premier étage, surnommé par les postiers « cathédrale des goulottes » – en référence aux toboggans qui servaient jadis à faire transiter les courriers entre les étages –, dessine plusieurs vaisseaux parallèles ; ceux-ci forment des nefs surplombées de structures métalliques de très grande ampleur au dessin très abouti.

Le projet Perrault, qui prévoit un évidement des lieux pour fusionner deux cours extérieures, sectionnera les vaisseaux et placera certains arcs métalliques en extérieur. Les cours originelles, marquées par une belle élévation de brique et de métal, doivent disparaître, et tous les planchers doivent être démolis pour construire un deuxième sous-sol et « entresoler » l’édifice. « Un évidement du bâti non réversible qui dénature complètement l’œuvre de Guadet », déplore Jean-François Cabestan.

Dépôt d’un recours
Non protégé au titre des monuments historiques, le bâtiment ne bénéficie depuis 2001 que d’une protection Ville de Paris (PVP) dans le plan local d’urbanisme, lequel, précise la municipalité, « ne concerne que les façades ». Ces dernières, qui évoquent un palais de la Renaissance italienne, doivent cependant voir leurs menuiseries disparaître pour être remplacées par des vitrages.

Autant de transformations avec lesquelles la Commission du Vieux Paris (qui a parallèlement appelé à un classement au titre des monuments historiques) a marqué son désaccord. Mais l’association n’a qu’un rôle consultatif et ses vœux, publiés au Bulletin municipal officiel des 22 mars et 2 juillet 2013, sont restés sans écho. Le permis de construire, reprenant les lignes du projet Perrault, a été signé le 15 novembre 2013 par les services de la Ville et affiché le 22 novembre sur le bâtiment. « Nous allons déposer un recours », réplique Pierre Housieaux, président de Paris Historique, qui devrait organiser une deuxième journée d’étude sur la poste de la rue du Louvre à l’INHA en 2014. Si Poste Immo et Dominique Perrault ont déclaré ne pas souhaiter s’exprimer pendant le délai de recours, soit deux mois à compter de l’affichage, l’architecte a promis qu’il serait présent à la prochaine séance de débats. Celle de novembre s’était déroulée en son absence.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°403 du 13 décembre 2013, avec le titre suivant : Les ors de l’hôtel des Postes

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