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Les Musées de Strasbourg gagnent du terrain

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 6 novembre 2020 - 993 mots

STRASBOURG

L’ouverture prochaine des réserves mutualisées est la tête de pont d’un ensemble de chantiers qui élargissent le périmètre des onze sites de la ville.

Chantier des futures réserves mutualisées des musées de la Ville de Strasbourg, dans les anciens bâtiments de l'Union des Coopérateurs d’Alsace. © Ville et Eurométropole de Strasbourg
Chantier des futures réserves mutualisées des musées de la Ville de Strasbourg, dans les anciens bâtiments de l'Union des Coopérateurs d’Alsace.
© Ville et Eurométropole de Strasbourg

Strasbourg. Au printemps prochain, 400 000 objets et œuvres d’art rejoindront les nouvelles réserves mutualisées des musées de la ville. « Les travaux ont pris du retard à cause du Covid », explique Anne Mistler, adjointe en charge de la culture dans la nouvelle municipalité Vert-PS. Il est vrai que le lieu n’est pas banal : c’est l’un des trois sites de l’ancien groupe de distribution Union des coopérateurs d’Alsace qui a fait faillite au début des années 2000 et dont les bâtiments étaient à l’abandon. Situés en bordure du Rhin, ils sont en cours de réhabilitation pour en faire des logements, des bureaux, des ateliers d’artistes (une dizaine), des fablab et donc aussi des réserves pour sept des dix musées municipaux, pour un coût de 16 millions d’euros. Le projet était en gestation depuis longtemps et a pris sa forme définitive en 2013, porté par l’ancienne directrice des musées, Joëlle Pijaudier-Cabot.

« Cela va permettre de faire respirer les musées », se réjouit Anne Mistler, « nous allons pouvoir utiliser les réserves libérées pour mieux présenter les collections permanentes de certains musées. » Le premier bénéficiaire de ce jeu de pousse-pousse devrait être le Musée des beaux-arts un peu à l’étroit dans le palais Rohan qu’il partage avec les petits appartements épiscopaux, le Musée des arts décoratifs et le Musée archéologique. Paul Lang, l’actuel directeur des musées aimerait bien aller plus loin et restaurer ce superbe palais du XVIIIe siècle pour mieux le valoriser. « Nous en sommes à la phase de budgétisation des crédits d’études », temporise Anne Mistler.

Des musées de société

Il lui faudra donc attendre encore un peu, car la Ville est engagée dans d’autres chantiers d’envergure. Elle vient ainsi d’acquérir une maison mitoyenne au pittoresque Musée alsacien et doit maintenant planifier des travaux pour relier l’ensemble. Le musée constitué justement d’anciennes demeures et qui expose des objets de la vie rurale ancienne en Alsace voudrait en profiter pour donner un coup de jeune à son propos et s’ouvrir davantage aux enjeux contemporains. Elle a timidement commencé à le faire en introduisant du design.

C’est la même volonté de tendre vers un musée de société qui anime la modernisation du Musée zoologique. Mais ici l’ampleur des travaux est plus importante. Installé dans un bâtiment XIXe siècle, le museum est fermé depuis l’automne dernier pour des travaux de mises aux normes qui doivent durer jusqu’en 2023 (au minimum). Le musée va profiter de cette fermeture pour mener un chantier des collections, qui est toujours plus compliqué pour des animaux empaillés, des coraux et autres insectes dont l’inventaire compte 1 million de numéros. Le Musée zoologique est l’un des trois musées qui va conserver ses collections en ses murs.

La Ville va également planifier les travaux de l’Ancienne Douane. Ce serpent de mer de la vie muséale strasbourgeoise a repris vie depuis que la nouvelle édile Jeanne Barseghian en a un fait une promesse de campagne. Depuis très longtemps, les musées strasbourgeois, qui ne disposent pas d’espaces importants pour leurs expositions temporaires, lorgnaient cet édifice idéalement placé dans le centre-ville pour organiser des présentations d’ampleur. Le lieu est d’autant plus adapté que ce bâtiment historique détruit pendant la guerre et reconstruit dans les années 1970-1980 a longtemps été utilisé comme lieu d’exposition. Le Musée d’art moderne et contemporain occupait même une partie du site avant d’avoir son propre édifice. Le rez-de-chaussée accueille un marché bio, mais les deux étages sont libres. La nouvelle élue a promis d’affecter les 1 900 mètres carrés du premier étage à des expositions temporaires pour les musées de la ville, mais aussi pour les artistes de la région.

L’art contemporain mal logé

Car si la ville dispose d’un patrimoine bâti particulièrement riche et d’un dense réseau de musées, elle manque singulièrement de lieux de diffusion de l’art contemporain. Le Musée d’art moderne et contemporain est mal équipé pour montrer la création émergente, le Frac est installé à Sélestat à une quarantaine de kilomètres de Strasbourg et le centre d’art (le CEAAC) est un peu à l’étroit. Alors que, dans le même temps, elle abrite l’une des meilleures écoles supérieures d’art de France (la Hear). L’actualité pourrait d’ailleurs prochainement aider la Ville à donner un coup de projecteur sur l’art contemporain avec la donation de la galeriste Denise Renée (décédée en 2012) sur le point de se finaliser. Légataire résiduel, la Ville doit attendre que les héritiers prioritaires aient fait leur choix dans le millier d’œuvres à se partager avant de recevoir sa part, qu’elle ne pourra sans doute pas exposer à l’Aubette, faute de place.

Tout cela coûte de l’argent. Le budget total des musées de la ville est de près de 15 millions d’euros, dont 11,5 pour la masse salariale (270 agents) et seulement 1,35 pour les expositions. « Strasbourg paraît prospère, mais elle a un taux de pauvreté de 25 %, un taux très supérieur à la moyenne nationale », plaide l’adjointe à la culture, « nous devons aussi porter nos efforts vers les pratiques amateurs, plus inclusives ».

Les douze travaux de Paul Lang

Feuille de route. Le directeur des musées de la ville est en première ligne pour porter tous ces projets d’envergure. Arrivé en avril 2018 en provenance de la National Gallery du Canada à Ottawa dont il était le directeur adjoint, ce Bâlois de naissance (il a 62 ans) a aussi longtemps été conservateur en chef au Musée d’art et d’histoire de Genève. Il a fait des réserves mutualisées, de l’Ancienne Douane, de la revalorisation du palais Rohan et de l’élargissement du Musée alsacien, ses objectifs prioritaires. « Mon enjeu principal reste cependant de donner une égale visibilité aux onze institutions », explique-t-il. Comment arriver à gérer tout de front ? « J’ai une très bonne équipe et je m’entends très bien avec l’administrateur général », reconnaît ce passionné d’opéra qui se voit maintenant surtout comme un chef d’orchestre.

 

Jean-Christophe Castelain

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°554 du 30 octobre 2020, avec le titre suivant : Les Musées de Strasbourg gagnent du terrain

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