Musée - Préhistoire

Les hauts et les bas de Lascaux IV

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 16 janvier 2017 - 748 mots

Inauguré en décembre dernier, le Centre international de l’art pariétal, en Dordogne, voit les choses en grand… avec plus ou moins de bonheur.

Attention, ceci n’est pas un fac-similé ! Enfin, pas seulement. Lascaux IV, pompeusement baptisé Centre international de l’art pariétal, a en effet l’ambition de devenir le lieu de référence pour la connaissance des grottes ornées et un pôle touristique majeur. Pour concilier ces deux objectifs, les concepteurs et les porteurs du projet ont vu les choses en grand. Rien à redire sur l’architecture : les  Norvégiens de l’agence Snøhetta ont dessiné un superbe édifice, un bâtiment-paysage long de  150 m qui se fond dans la colline  telle  une faille géologique. Une fois franchi le seuil de cette machine à remonter le temps, première surprise : on ne pénètre pas dans une caverne, mais on s’élève grâce à un ascenseur panoramique qui conduit jusqu’au toit-terrasse.

Depuis ce belvédère qui domine la vallée de la Vézère, on chemine ensuite jusqu’à l’Abri, un espace imaginé pour rendre le public plus réceptif à la visite de la réplique. Un film y évoque l’environnement et la faune de la région il y a 20 000 ans pour dépeindre l’univers dans lequel évoluaient les artistes du magdalénien. Cette vision convaincante d’une steppe peuplée d’animaux féroces est brutalement interrompue par un bond dans le temps. Nous voici propulsés en 1940 sur les pas de quatre adolescents, les inventeurs de Lascaux. Leur progression à travers l’écran invite à quitter la pièce et à poursuivre le chemin jusqu’à un sas, avec comme bande-son la voix des explorateurs et les aboiements de leur chien. Un interlude franchement kitsch pour se mettre dans l’ambiance et qui surjoue inutilement la reconstitution factice du contexte de la découverte.

Un couloir qui rompt le charme
Le public stationne ensuite quelques instants dans une salle sombre pour s’acclimater à l’atmosphère du fac-similé. Et quand les portes s’ouvrent, c’est le choc. La qualité de la réplique est absolument bluffante et sa mise en scène particulièrement réussie. Faible luminosité rappelant les lampes à graisse de l’époque, légère humidité et sons assourdis : tous les ingrédients sont réunis pour que l’illusion opère. Les troupeaux de taureaux, la frise des cerfs sans oublier les puissants chevaux, le bestiaire mythique de la grotte a été reproduit au pixel près avec une précision stupéfiante. L’espace d’un instant, on oublie même la supercherie… pour être, hélas, abruptement sorti de l’émerveillement à mi-chemin. Car les deux parties de la copie sont maladroitement connectées par un couloir ingrat qui rompt le charme.

Après avoir arpenté presque religieusement la « Sixtine de la  préhistoire », l’immersion se poursuit. Si la réplique est placée sous le signe de la contemplation et de l’émotion, le reste du centre est sous le sceau de l’explication et de la contextualisation. L’espace suivant, l’Atelier, offre ainsi une remarquable illustration de la plus-value qu’apporte le numérique lorsqu’il est utilisé à bon escient. Muni de son compagnon de visite, le public peut y décrypter plusieurs parois clés reconstituées à l’échelle. Il peut les observer au plus près et notamment admirer les gravures presque illisibles dans le fac-similé qui reprennent vie ici, grâce au recours à la lumière noire. L’Atelier, qui recèle une mine d’informations sur Lascaux, son histoire et ses techniques, constitue une étape incontournable. C’est, par ailleurs, le seul endroit où l’on peut voir la célèbre « scène du puits » qui n’a pas été recréée dans le fac-similé, qui n’est donc pas intégral comme cela a beaucoup été répété à tort. Cette représentation est pourtant iconique puisqu’il s’agit de la seule figure humaine dans toute la grotte. Précieux outil pédagogique, l’Atelier contraste fortement avec les autres propositions de médiation du site.

En dehors de la Galerie de l’imaginaire, intéressante mais un brin gadget, les autres espaces immersifs déçoivent clairement. Ainsi, le cinéma 3D censé replacer Lascaux parmi les autres grottes ornées se résume in fine à une projection d’images d’autres sites avec moult effets de manche. On n’y apprend pas grand-chose et on frôle la migraine et l’agacement à cause du ton lénifiant et mystique du commentaire. On a davantage la sensation d’être dans un parc d’attraction que dans un centre d’interprétation scientifique. Sensation encore renforcée dans le Théâtre où, si l’idée de départ est bonne – raconter l’historiographie de l’art pariétal et l’évolution de cette discipline –, le résultat est raté. Difficile de ne pas ricaner face à cette succession de saynètes qui oscille entre le docu-fiction bâclé et la série télé Les Experts.

« Lascaux IV »

Centre international de l’art pariétal, Montignac (24). Ouvert tous les jours de 9 h à 19 h. Visite par groupe de 32 visiteurs maximum. Tarifs : 10,40 et 16 €. www.projet-lascaux.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°698 du 1 février 2017, avec le titre suivant : Les hauts et les bas de Lascaux IV

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