États-Unis - Fondation

Fondation Barnes

Les derniers jours à Merion

La fabuleuse collection va définitivement quitter son site historique

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 545 mots

MERION - Passé le 3 juillet, il sera trop tard. Le siège historique de la Fondation Barnes, situé dans le quartier résidentiel de Merion, à quelques kilomètres de Philadelphie (Pennsylvanie), aura définitivement fermé ses portes.

Ce bâtiment, construit en 1923-1924 par l’architecte d’origine française Paul Philippe Cret dans le plus pur style beaux-arts, avait été commandé par le docteur Barnes (1872-1951) pour abriter son immense collection de peintures. Le collectionneur avait aussi fait appel au sculpteur Jacques Lipchitz, qui a réalisé sept bas-reliefs pour ces façades et celles de la résidence privée adjacente. Il avait par ailleurs demandé à Matisse de concevoir sa célèbre composition La Danse, qui vient s’inscrire entre les fenêtres de la principale salle d’exposition du site.

La Fondation Barnes abrite l’une des plus importantes collections d’art impressionniste et postimpressionniste au monde. Mais cet ensemble incroyable ne se limite pas à cette période, puisque l’on y trouve aussi bien un Greco ou deux Courbet. Il comprend 181 Renoir, 69 Cézanne – dont une formidable version des Joueurs de cartes –, 59 Matisse, 46 Picasso, 16 Modigliani, 11 Degas, 7 Van Gogh…, mais aussi de l’art africain et beaucoup de ferronneries. Albert A. Barnes avait lui-même conçu la présentation, dans un accrochage symétrique qui mélange les époques, les peintures et… les serrures, le tout dans une volonté de pédagogie. Le collectionneur ne voulait pas créer un musée mais un espace éducatif, préférant accueillir qualitativement un petit nombre de visiteurs plutôt qu’une foule de badauds. Fuyant les mondanités et la haute société de Philadelphie, Barnes avait toujours refusé d’ouvrir plus largement sa collection au public, en dépit du militantisme du journal The Philadephia Enquirer, il l’aurait encore moins déplacée à Philadelphie. C’est pourtant ce qui va arriver à cet ensemble après un incroyable feuilleton judiciaire qui a finalement autorisé le déménagement de la Fondation sur Benjamin Franklin Parkway, l’une des principales artères de la ville tracée par le même Paul Philippe Cret sur le modèle des Champs-Élysées. Le nouveau bâtiment, d’une surface de 8 600 m2, actuellement en construction, a été conçu par Tod Williams Billie Tsien Architects pour un montant total de 150 millions de dollars. La collection y sera présentée dans un espace de 1 100 m2 qui reproduira fidèlement les salles et la configuration générale du bâtiment de Merion. 

Atmosphère particulière
Depuis le 3 janvier, les dix salles du deuxième étage de la Fondation à Merion sont fermées, afin de permettre à l’équipe de conservation de décrocher et emballer les œuvres. Le nouveau siège de la Fondation Barnes devrait ouvrir en mai 2012. 

Certes la fondation n’est accessible à Merion que quatre jours par semaine et ne peut accueillir que 400 visiteurs par jour, contre plus de 1 000 pour le nouveau bâtiment. Mais ce déménagement forcé se fait au détriment de la volonté de la personne à l’origine de ce trésor évalué aujourd’hui entre 25 et 30 milliards de dollars (17-20 milliards d’euros), selon le documentaire The Art of the Steal (2009, réal. Don Argott) qui retrace l’affaire. De quoi aiguiser les appétits. 

Il reste quelques semaines pour découvrir dans son espace originel la collection du docteur Barnes déployée au rez-de-chaussée de la Fondation à Merion, et sentir son atmosphère si particulière. Ensuite, une autre histoire s’écrira. 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Les derniers jours à Merion

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