Monument

Le cimetière de Montmartre en voie de classement

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2019 - 893 mots

PARIS

Afin de préserver les qualités de son paysage, qui souffre d’un manque d’entretien, le cimetière de Montmartre devrait bénéficier très prochainement d’un classement au titre des sites. Celui-ci s’accompagnera d’un plan de gestion.

Cimetière Montmartre
Le cimetière de Montmartre
© Photo : Ville de Paris

Paris. Le cimetière de Montmartre est en voie de devenir aussi protégé que celui du Père-Lachaise. S’il est moins renommé et fréquenté que son confrère du 20e arrondissement, le cimetière niché au pied de la Butte – qui abrite la dernière demeure de Stendhal, Sacha Guitry ou Dalida – est lui aussi un lieu de promenade arboré et un musée de sculpture à ciel ouvert. Aussi l’administration souhaite-t-elle le préserver en lui conférant un classement « au titre des sites ». La procédure encadrée par le ministère de la Transition écologique et solidaire devrait aboutir « d’ici l’été 2019 », selon le vœu formulé par Guénola Groud, conservatrice en chef, responsable de la cellule patrimoine du service des cimetières de la Ville de Paris.

En 2010, un article du journal Le Parisien mettait le feu aux poudres. Il pointait les risques d’appauvrissement pour les monuments funéraires de ce cimetière inauguré en 1825, ce en raison du manque d’entretien ou de l’emploi de matériaux de mauvaise qualité. Mais la Ville de Paris est peu outillée pour pallier ces risques. La grande majorité des tombes sont en effet à la charge des descendants des défunts et le cimetière ne bénéficie pas de protection spécifique. Depuis 2012, l’État a pris des mesures : deux chapelles funéraires (lire l’encadré) ont été protégées au titre des monuments historiques, instaurant autour d’elles un rayon de 500 mètres de surveillance. Et un classement au titre des sites a été demandé, qui implique que toute modification touchant le patrimoine appartenant à la Ville (bâtiments, murs, voirie, végétation) ou celui placé en mains privées (monuments funéraires) soit soumise à l’autorisation préalable du préfet, ceci après avis de l’architecte des Bâtiments de France.

Un plan de gestion du cimetière

L’enjeu est de préserver les qualités pittoresques et historiques du site, qui offre un paysage des plus singuliers. Bâti sur une ancienne carrière de gypse, le cimetière de Montmartre comporte en effet nombre de pentes et de promontoires tapissés de monuments qui offrent de superbes vues, en plongée ou en contre-plongée. Il comprend en outre de grands alignements d’arbres et environ 5 000 tombes qui, pour leur architecture, leur décor, leur inscription ou la qualité des personnalités inhumées, ont été reconnues « d’intérêt patrimonial ». Le classement s’accompagnera de la réalisation d’un plan de gestion du cimetière, somme de préconisations à l’intention des différents acteurs chargés d’entretenir le lieu. L’« Étude pour le renforcement de la protection paysagère et patrimoniale du cimetière Montmartre », réalisée en 2013 par l’Atelier parisien d’urbanisme, en préfigure quelque peu le contenu. Pour la Ville, il s’agit par exemple de respecter les matériaux des escaliers de pierre (certains ont déjà été remplacés par du béton). Les concessionnaires devront quant à eux faire édifier des monuments de volumétrie différente selon les zones du cimetière. « Sur les zones de balcons, il faudrait privilégier les monuments verticaux plutôt que les dalles horizontales pour ne pas perdre l’effet d’étagement », explique Guénola Groud.

Les reprises de concessions

Être directif sans trop l’être, tel sera l’enjeu de ce plan de gestion, car la loi funéraire interdit une réglementation stricte sur l’esthétique des cimetières. Et la sanctuarisation est nécessairement complexe dans le cas d’un lieu d’inhumation aussi renommé. « On réalise en moyenne une inhumation par jour, la plupart dans des caveaux familiaux », indique Pascal Cassandro, conservateur du cimetière. Les places vacantes faisant défaut dans ce cimetière historique, la Ville a dynamisé au cours des dernières années sa politique de reprise de concessions en déshérence. C’est au bout de trente-deux ans d’existence que certaines tombes abandonnées peuvent être reprises. Les restes des défunts exhumés sont alors placés à l’ossuaire, les monuments funéraires démolis et l’emplacement à nouveau disponible. Si le monument a des qualités patrimoniales, il tombe dans l’escarcelle de la municipalité qui devient responsable de son entretien. « L’année dernière, sur une quarantaine de tombes reprises à Montmartre, la Ville en a gardé une dizaine », observe Pascal Cassandro. Entre 2008 et 2013, il était possible d’attribuer ces monuments de qualité, pour le prix d’un terrain nu, à de nouveaux concessionnaires, à condition que ceux-ci assurent leur restauration. « Mais cette pratique a été gelée en raison d’un manque de cadre juridique », déplore Guénola Groud, qui espère bien que le dispositif pourra être relancé après classement du cimetière. L’enquête publique, qui constitue une des dernières étapes avant l’arrêté de classement, est sur le point de s’achever. Une volonté y a été exprimée massivement par les riverains : qu’une entrée au cimetière soit percée au niveau de la rue Ganneron. Mais la revendication est déconseillée par le rapport de classement.

Deux chapelles et leurs décors bientôt restaurés  

Monuments historiques. Seuls deux monuments funéraires, appartenant à la Ville, bénéficient aujourd’hui d’une protection au titre des monuments historiques au cimetière Montmartre : la chapelle Fournier (1830) de style antiquisant et la très néogothique chapelle Potocka (1845), qui ont été respectivement inscrites et classées en 2013 et 2014. Lancée par l’association de restaurateurs bénévoles Les Appels d’Orphée, la restauration de ces deux édifices devrait être poursuivie en 2020, selon Guénola Groud, à la Ville de Paris. Le travail s’effectuera notamment sur la réfaction du décor intérieur de la chapelle Potocka, en particulier ses vitraux.

 

Margot Boutges

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°515 du 18 janvier 2019, avec le titre suivant : Le cimetière de Montmartre en voie de classement

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