Antiquité

L’amphithéâtre de Saintes rouvre ses « portes »

Par Marion Krauze · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2025 - 865 mots

Des travaux de consolidation et de restauration ont été menés sur ses portes monumentales, donnant lieu à des découvertes archéologiques. Une opération d’assainissement reste encore à entreprendre.

Saintes (Charente-Maritime). C’est l’un des plus anciens de la Gaule romaine, peut-être même le premier. L’amphithéâtre de Saintes, vieux de deux mille ans, a retrouvé sa splendeur d’antan. Ses deux portes monumentales ont été restaurées et consolidées au terme de plusieurs années de travaux, nécessaires pour la préservation de ce site particulièrement bien conservé.

En 2018, un diagnostic archéologique avait pointé l’état alarmant des vestiges, notamment la dégradation des deux portes. L’amphithéâtre n’avait pas bénéficié de campagne de restauration depuis près d’un siècle, quelques opérations d’entretien ponctuelles mises à part. « L’un des objectifs de ce diagnostic, c’était de voir à quel point l’édifice avait été transformé au cours des campagnes de restauration qui ont eu lieu depuis la fin du XIXe siècle, explique l’architecte Elsa Ricaud (agence Sunmetron), chargée de la maîtrise d’œuvre. On s’est rendu compte que 25 % des maçonneries étaient encore dans leur état antique, ce qui n’est pas mal du tout pour un édifice aussi ancien ! » Le chantier a dès lors été divisé en plusieurs phases, organisées par ordre de priorité. Lancée en 2022, l’opération s’est d’abord concentrée sur la porte des Vivants (côté est), plus dégradée, avant la porte des Morts (côté ouest), inaugurée en avril dernier. Des portes dont le nom évocateur – attribué au XIXe siècle seulement – dénote leur importance dans la mise en scène, l’ostentation des combats de gladiateurs qui se déroulaient dans ces lieux. Puis interviendra une troisième phase pour assainir le site, point final de ce chantier à 4,7 millions d’euros, porté par la Ville et subventionné par l’État, la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département et la Fondation du patrimoine.

Le tour complet des arènes dorénavant possible

Ces interventions ont permis de consolider les voûtes, restaurer les parements et sécuriser les accès de l’amphithéâtre, dont le visiteur peut désormais faire le tour. « Tout au long du chantier, nous avons eu un suivi archéologique vraiment exceptionnel, souligne Elsa Ricaud. Nous avons réutilisé des techniques d’origine, et aucun empochement [évidement temporaire, ndlr] n’a été fait dans les maçonneries antiques. » De 2022 à 2024, la porte des Vivants, aux voûtes très fragilisées, a ainsi été restaurée selon une technique de rocaillage, qui imite l’effet de ruine. Les arcs existants ont été renforcés en restituant les voussoirs manquants et en intégrant des renforts en acier. En parallèle, la restauration de la porte des Morts a dû être lancée plus tôt que prévu, à cause de l’affaissement progressif, au risque de l’effondrement, du remblai de terre qui la comble. Après sécurisation du site, le fond de la porte a alors été consolidé par un mur de soutènement.

« Chaque chantier a son lot de complications. Ici c’est l’eau. Nous avons eu plusieurs périodes d’inondation, qui ont parfois interrompu les travaux pendant plusieurs mois », ajoute Elsa Ricaud. L’amphithéâtre de Saintes a pour particularité d’avoir été bâti au creux d’un vallon, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux inondations. D’où la nécessité d’une troisième phase d’assainissement, qui débutera dans quelques mois et devrait s’achever courant 2026. Le sol sera alors décaissé pour se rapprocher du niveau antique, et un système d’évacuation des eaux pluviales sera installé. À l’époque déjà, le site était doté d’un égout central. « On s’est aperçus que cet égout a été agrandi à la fin du IIIe siècle », rapporte Karine Robin, responsable du service d’archéologie départemental, qui a mené les fouilles sur le site avec l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). « C’était presque acquis que l’amphithéâtre n’était plus utilisé pour les spectacles à cette période, or cette découverte nous démontre l’inverse. »

La pose d’échafaudages aura permis aux archéologues d’explorer des zones jusqu’ici inaccessibles, donnant lieu à d’autres découvertes. Ainsi de la mise au jour des fondations d’un pont gallo-romain sous la porte des Morts, vestige d’un ancien axe qui reliait Saintes à Bordeaux. « Et nous avons désormais une bien meilleure compréhension de la manière dont on circulait dans le monument », précise Karine Robin. L’ingénieux système d’escaliers était conçu de telle sorte que les différentes classes sociales ne se croisent jamais, avec quatre-vingt-dix façons différentes d’accéder à sa place. Un chantier qui aura donc permis de préserver l’amphithéâtre, mais aussi d’en apprendre un peu plus sur son histoire.

L’amphithéâtre de Saintes  

Histoire. Commencé vers 25 et achevé dans les années 40 après J.-C., l’amphithéâtre est l’un des rares vestiges de la cité antique de Mediolanum, alors capitale de l’Aquitaine romaine. Niché au creux d’un vallon naturel, il pouvait accueillir jusqu’à 15 000 spectateurs, soit la totalité des habitants de la cité. L’imposant édifice, de 126 m de long et 102 m de large, comportait alors 35 gradins. Lieu de rassemblement et de célébration du pouvoir, il accueillait régulièrement de violents spectacles : chasses d’animaux (venationes) le matin, exécutions publiques sur la pause méridienne et combats de gladiateurs (munera) l’après-midi. Après le IIIe siècle, l’amphithéâtre est relégué au-delà des remparts et sert, entre autres, de carrière de pierres au Moyen Âge. Il est progressivement remis en valeur au XXe siècle, classé monument historique en 1840 avant d’être racheté par la Ville en 1860.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : L’amphithéâtre de Saintes rouvre ses « portes »

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