L’Albertina rouvre enfin

Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 747 mots

Après neuf années de fermeture dont quatre de travaux, l’une des plus prestigieuses collections de gravures et de dessins au monde, la Graphische Sammlung Albertina, à Vienne, ouvre à nouveau ses portes au public. À l’image du Musée du Prado, à Madrid, l’institution, désormais appelée « Albertina », marque son passage dans la modernité.

VIENNE - “En fait, c’est un peu plus qu’une réouverture, il s’agit davantage d’une nouvelle fondation”, estime le directeur de l’Albertina, Klaus Albrecht Schröder. Bien que l’institution ait fermé ses portes au public en 1994, les travaux de rénovation de son bâtiment n’ont débuté que cinq ans plus tard. Restauré et agrandi, le musée a subi une véritable transformation sur le plan tant administratif qu’artistique, son appellation ayant même été simplifiée, passant de “Graphische Sammlung Albertina” (Collection d’art graphique Albertina) au seul nom : “Albertina”.

Ancienne propriété du duc Albert de Saxe-Teschen (1732-1822), époux de Marie-Christine, elle-même fille de Marie-Thérèse archiduchesse d’Autriche, la collection occupe le même bâtiment depuis le début du XIXe siècle. En 1919, après l’instauration de la République d’Autriche, l’ensemble, riche de plus d’un million d’œuvres sur papier  dont 65 000 dessins, a accueilli le cabinet d’arts graphiques de la Bibliothèque nationale, soit un grand nombre d’œuvres consacrées à l’architecture. Sur les 25 000 plans, croquis et maquettes, dont 4 000 dessins en provenance du bureau d’études d’architecture impériale, figurent les noms de Giulio Romano, Francesco Borromini, Johann Bernhard Fischer von Erlach ou encore Adolf Loos et le fameux “Atlas Stosch”. L’institution continue aujourd’hui encore à bénéficier d’une politique d’acquisition soutenue. En 1999, elle a intégré toutes les archives photographiques de l’ancienne école d’arts graphiques et de photographie de Vienne (Höhere Graphische Bundeslehr- und Versuchsanstalt), où Rudolf Koppitz et Heinrich Kühn ont enseigné. Ces 60 000 clichés sont désormais accessibles sur place.

La restauration et l’agrandissement du musée – pour un montant de 100 millions d’euros – étaient devenus indispensables. Le bâtiment, dont les parties les plus anciennes remontent au palais bâti par un noble sur les remparts de la ville au XIIIe siècle, a vu sa structure radicalement transformée. Si la façade a été restaurée dans son état d’origine, de nombreuses modifications ont été réalisées à l’intérieur. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la rampe menant au premier étage avait été déplacée pour courir le long d’un des côtés du musée. Les visiteurs accédaient aux salles d’exposition par les caves, jusqu’à la construction, dans les années 1950, d’un escalier intérieur. Aujourd’hui, le public peut de nouveau traverser le bastion, auquel il accède soit par l’escalier, soit par un ascenseur de verre conçu par l’architecte Hans Hollein. Ce dernier est aussi l’auteur de l’”aile de Soravia”, une grande couverture de titane, qui réduit la perspective et, pour le confort des visiteurs, crée de l’ombre sur le mur du rempart. Une boutique et un restaurant ont également été aménagés dans le hall d’entrée. La magnifique colonnade, soit près de 500 m2 d’espace d’exposition, a été rénovée, et les salles de réception, jadis fermées au public, sont devenues libres d’accès. Sous le bastion qui supporte l’ensemble du bâtiment a été creusée une très vaste galerie, avec quatre niveaux de réserves souterraines et, pour la première fois, un système efficace de contrôle de l’hygrométrie. Celui-ci permettra enfin aux visiteurs d’admirer les œuvres et non plus leurs fac-similés. La collection sera présentée par roulement.

Doté d’un budget d’environ 10 millions d’euros par an, le musée entend accueillir environ 400 000 visiteurs annuels dans ce nouvel espace, agrandi sur 13 000 m2. En introduisant la peinture aux côtés des œuvres graphiques et autres photographies, le directeur du musée espère aussi faire évoluer la politique d’exposition : “La séparation des arts en genres est obsolète. Les gens qui n’aiment que les œuvres graphiques sont soit très âgés, soit morts. Les jeunes d’aujourd’hui ont grandi avec la télévision, la photographie et la vidéo. Nous avons besoin de beaucoup plus de diversité pour les intéresser. Nos expositions prendront appui sur nos collections, mais certaines seront consacrées à un seul thème, souvent avec des pièces empruntées.”

Lors de sa réouverture le 14 mars, l’Albertina a inauguré la série d’événements par un trio d’expositions. La première, dédiée à Munch, se déroule en parallèle au “Cycle de Freud”, signé de l’artiste contemporain Robert Longo, sans oublier une promenade dans l’histoire de la photographie à travers 200 clichés provenant de la nouvelle section de la collection du musée.

Albertina

Albertinaplatz 1, Vienne, Autriche, tél. 43 153 4830, tlj 10h-18h, mercredi 10h-21h, www.albertina.at

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : L’Albertina rouvre enfin

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