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NOTRE-DAME

La controverse sur la souscription pour Notre-Dame n’en finit pas

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2019 - 863 mots

PARIS

La décision de la Fondation du patrimoine de clore la souscription pour la cathédrale n’est pas du goût de tout le monde. La Fondation Notre-Dame et le ministre de la Culture dénoncent un acte unilatéral.

La cathédrale Notre-Dame de Paris avant l'incendie.
La cathédrale Notre-Dame de Paris avant l'incendie.
Photo Pxhere

Paris. Ce qui apparaissait au lendemain de la catastrophe comme un formidable mouvement de solidarité et d’émotion est en train de se transformer en objet de controverse générale. La fumée s’échappait encore de la cathédrale que l’afflux de dons en provenance des grandes fortunes suscitait déjà des remarques acerbes sur le mode : « On trouve de l’argent pour les vieilles pierres, mais pas pour les gens dans la précarité », ou des slogans plus ciblés : « Les riches feraient mieux de payer des impôts plutôt que de s’acheter une belle image. »

La décision de la Fondation du patrimoine d’arrêter la collecte pour Notre-Dame a suscité cette fois la colère des autres fondations ou établissements habilités à recevoir des dons pour la cathédrale. Alors que les députés débattaient encore du projet de loi, la Fondation présidée par Guillaume Poitrinal (lire son portrait p. 4) annonçait la fin de la collecte et une nouvelle souscription pour 2 800 sites menacés en France. « Il faut être raisonnable, il faut savoir s’arrêter », expliquait-il. Fort de son expertise en matière de recrutement de donateurs et surtout de ses bonnes relations et partenariats avec les grandes entreprises, il a réussi à concrétiser pour 218 millions d’euros de promesses, se décomposant en 23,80 millions d’euros pour les particuliers et 194,20 millions d’euros pour les grands donateurs. Parmi ces grands donateurs, beaucoup s’étaient manifestés au lendemain du drame : Total (100 M€), BNP (20 M€), BPCE (10 M€), Société Générale (10 M€), la Brésilienne Lily Safran (10 M€), Française des jeux(2 M€)…

Quelques jours après, Michel Aupetit [voir illustration], l’archevêque de Paris réagissait vivement dans un communiqué au nom de la Fondation Notre-Dame qui, elle, n’a pour l’instant récupéré que 13,50 millions d’euros. On est bien loin des 211 millions d’euros indiqués par l’AFP le 24 avril dernier.

La Fondation Notre-Dame estime qu’il est indispensable de continuer à entretenir l’élan initial. Pour l’instant, en supposant que les familles Arnault, Pinault et Bettencourt – en leur nom ou via leurs entreprises – confirment leurs promesses de 500 millions au total, auxquels s’ajoutent les promesses des collectivités locales plus celles reçues par la Fondation de France et le Centre des monuments nationaux, la souscription plafonne à 850 millions.

Or estime Mgr Aupetit, « le budget nécessaire, dûment vérifié, demeure encore inconnu pour que fidèles et touristes puissent à nouveau entrer dans la cathédrale. Les expertises sont loin d’être achevées ». Le prélat en profite pour pointer des organismes associés (l’École supérieure de musique sacrée, la chaîne de télévision KTO…) victimes périphériques de l’incendie ou suggérer des améliorations qu’il conviendrait d’apporter dans le cadre du grand chantier (un nouvel accès à la visite du trésor de la cathédrale, un nouveau circuit de visite…).

L’agacement de Franck Riester

L’archevêque n’est pas le seul à être remonté contre la décision de la Fondation du patrimoine. Frank Riester, lui aussi, a marqué son mécontentement : « Même si la promesse de dons est aujourd’hui de 850 millions d’euros, il est beaucoup trop tôt pour conclure que nous avons suffisamment d’argent ou trop d’argent pour restaurer Notre-Dame », a-t-il déclaré le 15 mai après avoir visité la cathédrale en compagnie du Premier ministre du Canada Justin Trudeau. « Il peut y avoir une différence entre les promesses de dons et le versement réel », a-t-il ajouté.

Le ministre a réitéré ses critiques le lendemain au Sénat, lors de son audition par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dans le cadre de l’examen du projet de loi : « On a du mal à suivre la Fondation du Patrimoine… c’est compliqué de discuter avec eux… », « prenant acte », mais avec regret d’une décision unilatérale. Révélant que le nombre de donateurs s’élevait à date à 320 000 personnes physiques ou morales, il n’a cessé de répéter : « La souscription continue. »

Les députés encadrent le projet de loi tant bien que mal  

En commission, puis en séance, les députés ont tenté de tenir compte des critiques pour amender le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale, adopté dans la nuit du 10 au 11 mai. La controverse sur l’afflux de dons les a poussés à introduire un article 5bis, dans lequel il est demandé au Gouvernement de fournir avant le 30 septembre 2020 un rapport sur le montant total des dons et surtout ceux qui auront été défiscalisés. À ceux qui s’inquiètent d’une possible « dérive trop contemporaine », ils ont répondu par une injonction très peu contraignante : « Les travaux visent à préserver l’intérêt historique, artistique et architectural du monument. » Enfin, sans remettre en cause les possibles dérogations au code du patrimoine, ils ont voulu apporter des gages aux opposants de ce point le plus controversé en créant un conseil scientifique auprès du futur (mais non décidé) établissement public, qui devra être consulté sur les études et opérations de conservation et de restauration. Tous ces amendements avaient le soutien du Gouvernement. Le Sénat doit maintenant apporter sa contribution avant la navette parlementaire.

 

Jean-Christophe Castelain

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°524 du 24 mai 2019, avec le titre suivant : La controverse sur la souscription pour Notre-Dame n’en finit pas

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