Entretien

Jean-François Cabestan : « La CVP est un observatoire identifiable et reconnu »

Membre de la Commission du Vieux Paris (2008-2014)

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2014 - 675 mots

Jean-François Cabestan est historien de l’architecture et enseignant à Paris I, architecte du patrimoine et spécialiste de la reconversion de bâtiments. Membre de la Commission du Vieux Paris (CVP) sous la seconde mandature de Bertrand Delanoë (2008-2014) et membre du Conseil de l’association Paris historique.

Comment définiriez-vous le rôle de la CVP ?
Malgré son nom un peu vieillot, la CVP est un observatoire identifiable et reconnu, auquel participent des spécialistes de tous bords pour débattre de projets de démolition ou de reconversion. Si ce comité extrêmement attentif venait à disparaître, je reste persuadé qu’il renaîtrait sous une autre forme grâce aux associations. Celles-ci continueraient d’alerter l’opinion publique sur des sujets litigieux comme la halle Freyssinet, classée aux Monuments historiques in extremis au grand dam de la Ville. La CVP est la première à applaudir le projet de reconversion de la halle, sur lequel la Ville communique avec fierté. Et recueille des fruits qui ne sont pas les siens !

Pourquoi l’avis de la commission, purement consultatif, est-il si important ?

Nous restons étonnés par le poids de ce rôle purement consultatif. La plupart du temps, les avis donnés ne sont pas suivis… La parole est libre. Aussi je ne comprends pas bien pourquoi la Ville aurait souhaité se dessaisir de cette commission. Cela aurait été d’une grande maladresse et la levée de boucliers des passionnés du patrimoine parisien ne se serait pas fait attendre longtemps. Nous avions même imaginé créer une commission fantôme… Il existe un système de veille entre toutes les associations concernées. Chaque permis de construire est répertorié et analysé et l’on peut facilement attirer l’attention sur des cas préjudiciables au patrimoine parisien.

Ces avis ne servent-ils pas de référence pour les médias et pour les défenseurs du patrimoine, devant les tribunaux par exemple ?
Dans le cas de la Samaritaine, l’avis de la commission a effectivement été évoqué devant le tribunal administratif. Mais ce serait méconnaître la vigilance des différentes associations. Si la CVP a son autorité, la Ville a peur de son ombre. C’est vrai qu’il est curieux d’avoir une commission qui s’oppose à toutes les décisions de la Ville. Mais nous sommes dans un régime démocratique où, de toutes façons, ces voix s’exprimeront ; et peut-être avec plus de violence si cela ne vient pas du sein de la Ville.

Quels « succès » de la CVP auraient laissé un goût amer à la Mairie ?

Nous connaissons mal la portée effective de notre travail car nous avons rarement des retours sur les vœux que nous exprimons. Aucune solution n’a été trouvée pour le 22, rue de Basfroi [immeuble datant du début du XVIIe siècle, dans le 11e arrondissement, sauvé de la destruction, ndlr], ce qui peut être gênant pour la Ville. Cela dit, je ne vois pas la Ville retarder sciemment la nomination de la commission pour faire passer des dossiers. Tout simplement parce que le public parisien est trop vigilant !

La Commission a-t-elle son mot à dire sur la révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) ?
La CVP agit au cas par cas et se réunit une fois par mois pour statuer sur la démolition ou la reconversion d’édifices. Elle n’a, par exemple, pas été saisie au sujet de la révision des secteurs sauvegardés du 7e arrondissement ou du Marais, ni invitée à s’exprimer sur le cas des Serres d’Auteuil, débat dont elle s’est auto saisie. La révision du PLU représente un travail considérable pour des experts bénévoles, nécessairement occupés ailleurs, mais la logique voudrait qu’elle fasse l’objet d’une ou deux sessions pour que la commission donne son avis.

La demande de classement aux Monuments historiques de la Poste du Louvre a été refusée par Aurélie FiIippetti. Le chantier de reconversion contre lequel s’est élevée la CVP doit bientôt démarrer. Qu’attendez-vous de Fleur Pellerin ?
Fleur Pellerin sera peut-être mieux conseillée en la matière. L’eau a coulé sous les ponts, le dossier a été instruit, et de nombreuses voix s’élèvent. On peut imaginer que la ministre de la Culture y soit sensible et prenne la défense de cet édifice.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Jean-François Cabestan : « La CVP est un observatoire identifiable et reconnu »

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