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ENTRETIEN

Giovanna Melandri : « Notre objectif est d’atteindre la neutralité carbone »

Présidente du Musée national des arts du XXIe siècle (Rome, Italie)

ROME / ITALIE

Avec un projet d’envergure de modernisation et d’extension, fondé sur une attention environnementale, le Maxxi veut devenir un pôle muséal innovant, mais aussi donner l’exemple aux autres musées italiens en matière de développement durable.

Le Musée national des arts du XXIe siècle de Rome (Maxxi) célébrait son 10e anniversaire quand la pandémie a commencé. Une décennie au cours de laquelle il s’est imposé dans le panorama culturel transalpin. Il lance maintenant le projet « Grande Maxxi » pour augmenter sa superficie et se placer à la pointe des innovations technologiques tout en donnant l’exemple en matière de respect des normes environnementales.

Le Maxxi a ouvert ses portes en 2020. Quel bilan tirez-vous de la décennie écoulée ?

Une décennie de grande effervescence avec 114 expositions, plus de 2 500 événements culturels et 5 000 activités et initiatives éducatives. Plus de 3 millions de visiteurs ont franchi nos portes. Un succès qui a permis de renforcer notre identité comme laboratoire de recherche et de réflexion sur les grands thèmes de notre époque. Nous avons assumé un rôle de diplomatie culturelle aux avant-postes de l’aire euro-méditerranéenne avec des expositions qui ont raconté la scène culturelle turque, iranienne, libanaise, balkanique. Notre travail en tant qu’institution culturelle contemporaine a également porté sur l’approfondissement des liens entre l’art, les sciences et l’intelligence artificielle.

Nous n’oublions pas que nous sommes un musée d’art contemporain mais aussi d’architecture italienne. Notre mission est ainsi de préserver, enrichir et valoriser nos collections dans ce domaine. Nous disposons des fonds des plus grands architectes italiens du XXe siècle tels que Carlo Scarpa, Pier Luigi Nervi, Gio Ponti, Aldo Rossi… Sans oublier notre collection permanente dont la valeur, comme le volume, a plus que doublé en dix ans avec environ 700 œuvres. Le ministère de la Culture italien a mis à notre disposition des ressources pour soutenir notre politique d’acquisitions.

Comment avez-vous affronté la période de la pandémie ?

Nous avons célébré notre 10e anniversaire en mars 2020 soit au moment du tout premier confinement. Les conséquences financières de la fermeture ont bien sûr été terribles. Notre fermeture à cause de la pandémie est intervenue à un moment de véritable boom du nombre de visiteurs. En février 2020, il avait bondi de 90 % sur un an. La moitié des visiteurs étaient constitués d’Américains et d’Asiatiques. Nous avons donc entrepris un travail pour renouer un lien sentimental avec la ville de Rome que nous avions un peu négligée. Nous avons approfondi nos relations avec les associations culturelles locales en prévision de notre réouverture. En parallèle, nous avons multiplié les contenus en ligne qui ont été visionnés par plus de 16 millions de personnes. Nous avons enfin préparé l’ouverture du Maxxi à l’Aquila dans les Abruzzes qui a été inauguré au printemps dernier. Tous ces efforts ont porté leurs fruits. Aujourd’hui, nous avons plus de visiteurs qu’en 2020 sans avoir récupéré complètement les flux de touristes étrangers. Le mois de janvier 2022 a été le meilleur mois depuis l’ouverture du Maxxi au niveau des recettes de la billetterie.

Quels sont vos principaux défis ?

Nous devons retourner à la situation d’avant la pandémie où nous affichions un équilibre dans notre budget entre les ressources publiques et les financements privés. L’État nous a soutenus et nous permet d’affronter les difficultés de ces deux dernières années, mais ça ne peut pas être éternel. Nous devons également réfléchir à la pérennisation de nos activités sur Internet avec une partie qui pourrait être payante. Nos réserves sont saturées et nous devons prévoir de nouveaux espaces pour préserver au mieux les œuvres et les rendre accessibles au public.

La valorisation de vos réserves est l’un des grands axes du « Grande Maxxi ». Quel est ce projet que vous avez présenté publiquement au début du mois de février ?

Il s’inscrit dans celui de Nouveau Bauhaus européen lancé l’automne dernier par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et qui répond parfaitement aux ambitions du plan de relance promu par Bruxelles avec un accent mis sur l’écologie et l’innovation. Ce n’est pas une pandémie mais une syndémie que nous traversons avec une crise à la fois sanitaire, environnementale, sociale, anthropologique, spirituelle… Elle demande une réponse transversale avec une portée environnementale, économique et culturelle. Notre aspiration est ainsi celle d’une véritable renaissance du musée qui doublera sa superficie et procédera à la requalification urbaine du quartier.

Concrètement comment cela va-t-il être mis en œuvre ?

Avec un chantier qui débutera en 2023 et devra s’achever en 2026 pour un coût global de 42 millions d’euros. Il prévoit la construction d’un Maxxi Hub, un nouvel édifice pour lequel nous avons lancé un appel à projets qui se terminera le 10 juin prochain. Ce sera un grand centre de recherche à côté du musée avec des scientifiques, des architectes, des artistes, des ingénieurs, des informaticiens qui travailleront sur des projets de régénérations urbaines. Nous prévoyons également un centre de restauration pour les œuvres d’art contemporain ainsi que de nouveaux espaces pour nos réserves. Cela s’accompagnera d’un aménagement vert des zones qui entourent le Maxxi, mais surtout d’une rénovation du bâtiment de 27 000 m2 sous le signe du développement durable. Notre objectif est d’atteindre la neutralité carbone avec l’usage des dernières innovations. Nous voulons faire mentir ceux qui affirment que l’architecture monumentale ne peut pas s’adapter au photovoltaïque qui n’est pas uniquement l’installation de panneaux solaires sur les toits. Nous investirons enfin pour la mise à jour technologique du musée, qui est déjà doté de la 5G, ainsi que de son éclairage. Le Maxxi change de peau et donne l’exemple.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°584 du 4 mars 2022, avec le titre suivant : Giovanna Melandri, présidente du Musée national des arts du XXIe siècle (Rome, Italie) : « Notre objectif est d’atteindre la neutralité carbone »

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