Restauration

Feu sur les restaurateurs

Sept ans de réflexion recueillis dans un ouvrage

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 505 mots

Depuis 1992, l’Association pour le respect de l’intégrité du patrimoine artistique interroge et critique les restaurations toujours plus nombreuses menées sur les œuvres d’art, qu’il s’agisse des fresques de la chapelle Sixtine ou des marbres antiques du Louvre. La publication en un volume des 19 numéros de leur bulletin, Nuances, véritable mine d’informations, devrait aider à provoquer ce grand débat si souvent réclamé.

Science sans conscience n’est que ruine de l’art : ainsi pourrait-on résumer, en paraphrasant Rabelais, le combat de l’Association pour le respect de l’intégrité du patrimoine artistique (Aripa). Née de la colère face aux restaurations jugées abusives, conduites successivement sur les fresques de la chapelle Sixtine et sur les Noces de Cana de Véronèse, au Louvre, cette association n’a eu cesse de réclamer un débat public et international pour arrêter le “saccage” opéré par certains restaurateurs, aveuglés par les certitudes de la science. La publication des 19 numéros de son bulletin Nuances pourrait aider à éveiller les consciences et à susciter enfin cette indispensable discussion trop longtemps différée, à laquelle aucun amateur d’art ne peut rester indifférent.

Les contributions, notamment sur la chapelle Sixtine “récurée, amputée, retapée, accordée au goût moyen des masses touristiques”, offrent d’utiles outils de réflexion et accusent, photographies à l’appui, la violence infligée au chef-d’œuvre de Michel-Ange, avec la disparition des retouches du maître pratiquées a secco. Cette opération fut, de l’avis de l’Aripa, une étape décisive dans l’apparition d’une nouvelle attitude vis-à-vis de la restauration, les certitudes scientifiques prenant alors le pas sur la nécessaire prudence.

On lira également avec le plus grand intérêt les réactions à notre dossier sur une hypothétique restauration de La Joconde (lire le JdA n° 65, 25 août 1998), les intervenants y critiquent les termes dans lesquels le débat avait été posé, mais soulignent l’absolue nécessité de le porter sur la place publique, car il ne s’agit ni de querelles d’experts ni d’une “vaine polémique”.

Des marbres lessivés ?
Moins médiatique peut-être, le sort réservé aux marbres antiques n’est pas exempt de problèmes. L’association n’a pas manqué de critiquer le “lessivage” des sculptures, et de contester les conclusions proposées par les conservateurs du Louvre à l’issue de la restauration du Gladiateur Borghèse. Ils font ainsi entendre une voix discordante et soulignent le manque de transparence des responsables de musées, en particulier leur extrême réticence à communiquer les documents relatifs aux interventions.

Le danger pesant sur les œuvres d’art dépasse évidemment le domaine de la restauration, et les incessants voyages qui leur sont imposés pour des expositions toujours plus nombreuses ne manquent pas de susciter l’inquiétude. Le cas des tableaux de la Fondation Barnes n’est pas le moins exemplaire, quand, en dépit des dispositions testamentaires du docteur philanthrope, les toiles ont fait le tour du monde. Cette affaire, qui avait été portée devant les tribunaux, avait démontré l’incroyable pression à laquelle la quête du profit soumet les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art.

Chroniques d’un saccage, la restauration en question (bulletins de l’Aripa, n° 1 à 19, juillet 1993-février 1999), éditions Ivrea, 220 F.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Feu sur les restaurateurs

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