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À Draguignan, le « vieux » musée prend du galon

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 décembre 2023 - 959 mots

Après sa réhabilitation, le Musée d’art et d’histoire de la ville devient un Musée des beaux-arts. Un parcours malin, s’appuyant sur l’histoire des collections, donne une cohérence à un ensemble hétéroclite.

Le Musée des beaux-arts de Draguignan. © Gaël Delaite/Ville de Draguignan.
Le Musée des beaux-arts de Draguignan.
© Gaël Delaite /Ville de Draguignan.

Draguignan (Var). Perte de l’activité administrative lors du transfert en 1974 de la préfecture du Var à Toulon, puis dans les années 1990 de la gare SNCF : le demi-siècle qui vient de s’écouler fut une lente dégradation pour Draguignan. Lorsqu’en 2021 le Var décide d’y ouvrir son Hôtel départemental des expositions, c’est une forme « d’équité territoriale » qui est rétablie, comme l’analyse le maire Richard Strambio (Divers centre). Et avec l’inauguration de l’un des rares musée de beaux-arts du département, le 16 novembre, c’est un peu du lustre d’antan que la ville reconquiert : « Draguignan devient peu à peu la capitale culturelle du Var », s’emballe même un internaute sur le réseau social X (ex-Twitter).

La transformation est radicale pour ce vieux musée d’art et d’histoire, qui puise son origine dans un musée-bibliothèque conservant les saisies révolutionnaires, installé en 1794 dans un ancien couvent de la ville. Les collections d’art sont transférées en 1888 dans l’ancien palais d’été de l’évêque de Fréjus, dans lequel elles cohabitent avec la bibliothèque jusqu’en 2017. Mais le maire, Richard Strambio, qui connaît la diversité des collections endormies dans les réserves, souhaite étendre le musée, le faire changer de dimensions. Pour ce faire, il donne carte blanche à de jeunes conservateurs : Grégoire Hallé, qui fait ses premières armes dans le Var avant d’être appelé au Musée des beaux-arts de Chartres, puis Yohan Rimaud, qui finalise l’ouverture, fort de son expérience acquise sur le chantier du Musée de Besançon.

« Un parcours en salons »

« Nous avons imaginé un parcours en salons, avec un esprit cabinet », explique Yohan Rimaud pour décrire la nouvelle exposition permanente, tout en enfilade.« Des éléments de décor originaux ont été maintenus, mais ce ne sont pas de vraies “period rooms”, plutôt une sorte de compromis avec un accrochage muséal. » Bonne surprise du chantier de restauration : la mise au jour d’un papier peint panoramique aux scènes chinoises du tout début du XIXe siècle, miraculeusement conservé derrière une cloison, et qui offre l’écrin idéal pour une séquence consacrée aux collections de porcelaines orientales. La salle est garnie par de nombreux dépôts du Musée Guimet, mais également par deux objets rares des collections dracénoises, une paire de vases aux montures en bois qui témoignent d’un « niveau de collectionnisme assez élevé », selon Yohann Rimaud.

L’ensemble du parcours permet de faire découvrir, dans cette ville moyenne à l’ombre du massif des Maures, une collection hétéroclite d’objets de grande qualité. Le parcours raconte les divers usages des collections, expliquant leur arrivée à Draguignan : une salle Ancien Régime évoque les saisies révolutionnaires, avant une autre à l’ambiance de salon artistique du XIXe siècle qui présente les œuvres envoyées par l’État pour faire rayonner l’art sur tout le territoire. Dans un cabinet de curiosités, on trouve, entre autres, les objets d’un marchand dracénois installé à Beyrouth qui, à son retour dans le Var, rapporte quelques trésors pour les collections du musée de sa ville.

Salle rénovée du Musée des beaux-arts de Draguignan, avec le papier peint panoramique aux scènes chinoises. © Gaël Delaite/Ville de Draguignan.
Salle rénovée du Musée des beaux-arts de Draguignan, avec le papier peint panoramique aux scènes chinoises.
© Gaël Delaite/Ville de Draguignan.

Les chefs-d’œuvre sont aussi valorisés, tels l’armure de François de Montmorency et la Sainte Face de Philippe de Champaigne récemment restaurée. Le corpus du musée est enfin complété par de nombreux prêts et dépôts (un grande toile de Gérard Garouste et un Djamel Tatah du Frac Sud pour la partie contemporaine) ainsi que par des projets d’acquisition ambitieux : une œuvre d’Hubert Robert, et un Saint Paul ermite de Claude Vignon, qui ont déjà trouvé leur place sur les murs avant que la Ville ne boucle leur achat. Le musée assume l’exposition d’œuvres de moindre qualité mais éloquentes au regard du parcours : ainsi d’un grand tableau de Gabriel Guay (1848-1923), « critiqué lors de sa présentation pour ses grosses ficelles », indique Yohan Rimaud, qui témoigne de la politique d’envoi de l’État et des goûts d’alors.

Le musée comme outil de recomposition urbaine

La nouvelle orientation « beaux-arts » du musée se lit aussi dans le projet architectural, confié au cabinet bordelais BLP, auteur des rénovations menées au Musée de l’Homme (Paris) ou au Musée Fabre (Montpellier). Des interventions sobres et lumineuses qui donnent ici aux lieux la solennité d’un grand service public, à l’image du bel escalier hélicoïdal autour duquel tourne désormais le bâtiment. Le musée s’est ouvert sur la ville, avec un hall traversant entre rue et place, et un parvis réaménagé. Intégrée au plan gouvernemental « Action Cœur de ville », la transformation du musée est présentée comme un outil de recomposition urbaine. Autour du bâtiment les rues sont piétonnisées, et les commerçants commencent à espérer un effet d’aubaine similaire à celui de l’Hôtel des expositions, qui a octuplé le trafic piétonnier en ville selon le maire.

En conseil municipal, ce sont des arguments que Richard Strambio a dû utiliser pour justifier une dépense qualifiée de « pharaonique » (11 millions d’euros) par l’opposition. « Ce chantier est aussi et d’abord une question sociale. Je ne dissocie pas le projet muséal d’un projet social, et même “paramédical” », explique celui qui était kinésithérapeute avant de devenir maire. Si l’ambition touristique reste très mesurée, l’édile nourrit surtout une vision sociale pour son nouvel équipement : il s’appuie sur son centre d’action sociale, des associations solidaires pour inviter l’ensemble des habitants au musée, espérant détourner la jeunesse du désœuvrement, du manque de curiosité ou des paradis artificiels. Une volonté d’ouverture quelque peu contradictoire avec l’orientation choisie pour cette transformation : un musée des beaux-arts, soit la forme la plus intimidante du musée pour le public non averti. Mais les consignes ont bien été passées aux équipes du musée : lorsque le maire recrute un attaché de conservation, sa première question porte sur l’accueil de personnes sans-abri dans les salons de collectionneurs réhabilités.

Musée des beaux-arts,
9, rue de la République, 83300 Draguignan.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : À Draguignan, le « vieux » musée prend du galon

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