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Des progrès honorables enregistrés dans la gestion des œuvres d’art en dépôt dans le réseau diplomatique

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 15 septembre 2014 - 969 mots

PARIS

PARIS [15.09.14] – Le rapport d’information du sénateur Roland du Luart (UMP-Sarthe), fait au nom de la commission des finances, sur l’inventaire des objets d’art en dépôt dans les représentations diplomatiques est encourageant. Si le nombre de disparitions d’objets est faible, des progrès restent encore attendus.

On connaissait les résultats peu glorieux des rapports successifs rendus par la commission nationale de récolement des dépôts d'œuvres d'art (CRDOA) prêtées aux administrations françaises. Cette commission, qui dépend du ministère chargé de la culture, veille au contrôle sur place des dépôts au bénéfice des musées, des monuments historiques, des palais nationaux, des bâtiments administratifs, des assemblées parlementaires ou des représentations diplomatiques à l'étranger.

Le rapport d’une cinquantaine de pages rédigé par le sénateur Roland du Luart (UMP) vise quant à lui tout particulièrement les objets d’art en dépôt dans les représentations diplomatiques. Il montre le chemin parcouru par le ministère des Affaires étrangères et du Développement International (MAEDI), dont le réseau international est l’un des principaux dépositaires d’œuvres et d’objets d’art. Le MAEDI bénéficie en effet du dépôt de plus de 18 000 objets d'art, dont 7 000 appartiennent en propre au ministère. Les 11 000 autres appartiennent principalement au Mobilier national, à la Cité de la céramique de Sèvres ou au Centre national des arts plastiques (CNAP) qui gère le Fonds National d'Art Contemporain (FNAC).

Si la gestion de ce « patrimoine da la Nation » a été défaillante pendant des décennies au Quai d’Orsay – et dans d’autres ministères, l'ensemble des interlocuteurs du rapporteur spécial s’accorde aujourd’hui pour souligner le « changement de culture » observé au sein du ministère des Affaires étrangères au cours des dernières années.

Procédures mises en place par le MAEDI
Suite à un rapport de la Cour des comptes accablant (Les musées nationaux et les collections nationales d'œuvres d'art, 1997), le ministère des Affaires étrangères a mis en place, avec le soutien de la CRDOA, des procédures de contrôle interne, procédé à des inventaires, et développé des outils afin d'améliorer la gestion de son patrimoine - propre ou en dépôt. En 2001, le ministère a créé sa base de données « Rodin » (« répertoire des œuvres en dépôts sur les inventaires nationaux ») qui doit permettre d'assurer le suivi précis de chaque objet. En 2004, une note du ministre aux chefs de postes diplomatiques et consulaires a complété les dispositions légales déjà existantes en affirmant plusieurs principes : la responsabilité personnelle de l’ambassadeur, l’obligation de déposer plainte en cas de disparition ou de détérioration, les sanctions en cas de manquement du poste à ses obligations. A ce titre, le défaut d'envoi de l'inventaire annuel à l'administration centrale est, « théoriquement lourdement sanctionné », de même que les restaurations et changements de localisation des œuvres et objets d'art sans autorisation de l'administration centrale. En principe donc, le manquement à ces obligations est sanctionné par le rapatriement immédiat des œuvres en dépôt, aux frais du poste diplomatique.

Malgré ces efforts, le bilan dressé par la CRDOA en 2008, après dix ans de récolement, soulignait surtout le chemin qu’il restait à parcourir. Il dénonçait, en particulier, une proportion d'objets « non vus », c'est-à-dire les objets « non localisés », « détruits ou présumés détruits » et « déclarés volés », de l'ordre de 22 % pour les dépôts hors de France. Pour le seul ministère des Affaires étrangères et en excluant Sèvres, ce taux d'objet « non vus » avoisinait 12 %. Les dépôts d'objets de céramique de Sèvres auraient rendu ce pourcentage beaucoup plus élevé…

Des progrès à accomplir avant de parvenir à une situation pleinement satisfaisante
Le rapport de 2014 souligne quelques avancées, notamment un taux de réponse aux inventaires « correct mais perfectible » (78,5 % en 2013 contre 58,7 % en 2009) ainsi que l’harmonisation progressive des bases de données du MAEDI à celles de plusieurs déposants. Mais le principal résultat concerne le faible nombre d’objets nouvellement disparus : selon le MAEDI, seuls huit objets ont disparu l'année dernière dans l'ensemble du réseau : un cendrier à Addis-Abeba, un vase à Bogota, un cendrier à Rio de Janeiro, une tasse à thé et une assiette à dessert à Lisbonne, deux coupelles et une statuette Jeunesse d'après Orlandini à Téhéran. D’après les récolements internes de 2013, le taux d'objets « non vus » par rapport à l'ensemble des objets en dépôt dans les postes est d'environ 11 %. Cela représente un progrès par rapport à la situation de 2008 (22 % de non vus, hors Sèvres), mais il manque le croisement avec le calcul des déposants ajoute le rapporteur spécial.

Des progrès sont également à signaler au niveau des plaintes. Si aucune plainte n’avait été enregistrée avant 2008, 122 plaintes ont été répertoriées au cours des cinq dernières années. Trouvant rarement une suite judiciaire, ces plaintes peuvent néanmoins avoir un effet dissuasif estime le rapporteur, d’autant plus qu’elles aboutissent à l’inscription des objets concernés dans la base Treima de l’OCBC, elle-même reprise par la base Interpol. En revanche, le rapport est très critique à l’égard du système de sanction.

Afin de parvenir à une situation pleinement satisfaisante, le rapporteur spécial a formulé une série de recommandations. Globalement, il s’agit de responsabiliser davantage les postes. Parmi elles : le maintien de l'acquis d'expérience du personnel de gestion du ministère, le maintien de la pression sur l’ensemble des postes du réseau, la nécessité de donner suite aux demandes de plainte en cours des déposants. Il préconise l’adaptation du système de sanction, affirmant qu’il serait « plus réaliste de prévoir une sanction plus légère mais réellement appliquée ». Enfin, il recommande aux déposants une « attitude souple sur la question du déclassement de certains objets», ajoutant « qu’il ne faut pas s'interdire des solutions raisonnables du point de vue de l'intérêt financier global de l'État ».

Légende photo

Le ministère français des Affaires Etrangères et Européennes, façade sur le Quai d'Orsay à Paris. - © Photo Jebulon - 2011 - Licence CC0 1.0 Universal

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