Archéologie - Musée

Bavay sur la voie de la reconnaissance

Par Romain Bouvet · Le Journal des Arts

Le 12 mars 2013 - 1039 mots

BAVAY

Site archéologique restauré, muséographie repensée : le Forum antique de Bavay a su redorer son blason en attendant la création à venir d’un centre de conservation et d’étude.

Antinoüs, époque romaine, bronze, Musée de la Chartreuse, Douai. © Photo : J. Pilch, Département du Nord, Forum antique de Bavay.
Antinoüs, époque romaine, bronze, Musée de la Chartreuse, Douai.
© Photo J. Pilch, Département du Nord, Forum antique de Bavay.

BAVAY - Son forum est le plus grand jamais découvert en Gaule. Sa basilique était, avec celle de Carthage et d’Ostie, l’une des plus vastes de l’Empire romain, et la qualité des bronzes qu’on y a découverts depuis le XIXe siècle est devenu légendaire. Pourtant, l’antique cité de Bagacum, aujourd’hui Bavay (Nord), située à moins d’une heure de Lille comme de Bruxelles, demeure largement méconnue du grand public. Le musée a longtemps peiné à attirer les visiteurs, à tel point qu’en 2001 le quotidien France-Soir pouvait titrer « Le Forum de Bavay se meurt ». Douze ans plus tard, force est de constater que les choses ont changé. Rebaptisés « Forum antique de Bavay », l’institution et son site archéologique respectivement départementalisés en 2000 et 2008 affichent un tout autre visage. Un large projet de restauration et de consolidation mené ces deux dernières années a rendu leur lisibilité aux vestiges du forum tripartite qui disparaissaient peu à peu sous la végétation. Et la nouvelle muséographie, centrée sur le thème de la citoyenneté, s’accorde mieux au site qu’elle célèbre. Depuis, le forum a enregistré une augmentation de près de 7 % de sa fréquentation – majoritairement scolaire – avec 32 000 visiteurs accueillis en 2012.

Une vitrine pour le Nord
Malgré ces progrès encourageants, la reconnaissance demeure faible au regard du potentiel du site et de la qualité des collections du musée. Celui-ci doit composer avec des espaces d’exposition très restreints et, comme la plupart des musées archéologiques (lire le JdA no 372, 22 juin 2012, p. 22), il fait face à une saturation de ses réserves. Autant de raisons qui semblent désigner Bavay comme le meilleur emplacement pour le futur « Centre de conservation et d’étude » (CCE) départemental. Suivant l’exemple du Pas-de-Calais qui devrait inaugurer le centre de Dainville courant 2013, le conseil général du Nord a conçu un projet ayant pour objectif le regroupement « de tous les objets archéologiques découverts dans le Nord associés à leur documentation de référence afin d’en assurer la conservation définitive ». Avec un budget de 15 millions d’euros, abondé à hauteur de 50 % par l’État, la construction du CCE – dont la maîtrise d’ouvrage sera assurée par le Département – devrait s’échelonner sur une dizaine d’années.

Érigé au nord du forum, à l’emplacement du parking actuel, un nouveau bâtiment abritera le centre de conservation et les futures structures d’accueil. La création d’une résidence de chercheurs dans une maison avoisinante est au programme et le musée devrait voir ses espaces d’expositions temporaires et de conservation augmenter significativement. À l’avenir, les visiteurs arriveront en longeant l’axe antique du decumanus (axe est-ouest) et bénéficieront d’une vue plongeante sur le forum antique avant d’accéder au musée.

Afin de donner au futur Centre de conservation de Bavay le rayonnement international auquel ses promoteurs aspirent, un important réaménagement du site devra d’abord être opéré. Enclavés au centre de l’agglomération actuelle, le forum antique et son musée souffrent pour l’instant d’une desserte insuffisante, un problème que les travaux de voirie et d’aménagement des abords du site – financés par la municipalité et le conseil général – devraient résoudre. Restaurer le forum dans ses anciennes dimensions est également prévu, et des travaux visant à dévier le tracé actuel d’une rue de Bavay qui passe au milieu des vestiges de la basilique ont déjà commencé. La mise en valeur du site passera également par sa préservation : son cryptoportique sera ainsi doté d’une couverture pour protéger cette structure souterraine des intempéries. Même si la mise en place du projet s’annonce très longue, l’institution affiche désormais sa volonté de devenir « une vitrine de l’archéologie » pour le nord de la France

Un voyage dans l’histoire de Bavay

Par le biais d’une présentation qui évoque parfois un cabinet d’antiquités du XIXe siècle, le Forum antique de Bavay invite ses visiteurs à parcourir les deux cents ans de fouilles effectuées sur le site gallo-romain. Une exposition en forme d’hommage aux « illustres figures » qui ont contribué à la reconnaissance du patrimoine antique bavaisien.

Au XVIIIe siècle, des découvertes fortuites donnent lieu à la redécouverte de Bagacum, chef-lieu de cité des Nerviens du Ier au IIIe siècle de notre ère. La découverte de bronzes de grande qualité va rapidement exciter l’appétit des amateurs d’archéologie et, au XIXe siècle, le site devient le théâtre de fouilles sauvages où l’abondant mobilier archéologique mis au jour est rapidement dispersé dans le monde au gré des ventes.

L’ensemble inédit issu de grandes institutions et rassemblé pour l’exposition témoigne de ce rayonnement international. L’Hercule provenant des collections du British Museum (Londres) ou la Mater prêtée par le Musée royal de Mariemont (Belgique) en sont la preuve. La statuette d’Antinoüs volée en 1901 à Douai et récemment restituée par le Museum of Fine Arts de Boston est un autre exemple de la renommée qu’avaient acquise les bronzes de Bavay. Le « Voyage à travers les collections » s’attarde également sur le problème des contrefaçons engendrées par le succès des antiquités bavaisiennes, dont certaines parmi les plus réussies sont encore présentes dans des collections muséales.

Déjà lancée par l’abbé Carlier, la mise en œuvre sérieuse de fouilles sur le site, répondant aussi à la nécessité de mettre un terme à la dispersion du patrimoine bavaisien, revient à l’archiviste Maurice Hénault puis au chanoine Biévelet, fondateur du premier musée installé sur le site. Grâce aux nombreuses notes, aquarelles et croquis laissés par ces différentes générations de « chercheurs », « Voyage à travers les collections de Bavay » illustre, à travers l’histoire particulière du site et de son musée, le développement patient de l’archéologie moderne qui, d’un hobby de passionné qu’aucune loi ou convention ne régissait, a su devenir au fil du temps la discipline scientifique, rigoureuse et indispensable que l’on connaît.

Voyages à travers les Collections de Bavay

Commissaire : Véronique Beirnaert-Mary, directrice du Forum antique de Bavay
Nombre d’œuvres : une centaine

jusqu’au 27 août, Forum antique de Bavay, allée Chanoine-Biévelet, 59570 Bavay, tél. 03 59 73 15 50, tlj sauf le mercredi et samedi matin, 9h-12h et 13h-18h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°387 du 15 mars 2013, avec le titre suivant : Bavay sur la voie de la reconnaissance

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