Transversalités

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 22 septembre 2009 - 427 mots

La culture n’est jamais avare d’expressions ou de mots nouveaux. Après Soft Power, commenté à cette même place dans le numéro de septembre, voici venu le temps de la transversalité, maître mot des premiers projets du Conseil pour la création artistique, présentés récemment par Marin Karmitz sous la tutelle attentive de Frédéric Mitterrand. Le fondateur des MK2 relève et veut encourager le croisement des pratiques artistiques. Mais ce qui lui apparaît être une tendance récente ne l’est pas tant que cela. On pense à Molière, qui inventa le genre de la comédie-ballet, à Picasso, qui réalisa en 1917 rideau, décor et costumes pour les Ballets russes, ou évidemment à Dada et son art total, qui a nourri de nombreux créateurs tout au long du siècle passé. Le décloisonnement n’est au fond qu’un sous-genre de la peinture, de la photo, du théâtre, de la musique… qui restent et resteront largement dominants et autonomes dans leurs pratiques.

En revanche, la transversalité sociale, évoquée par le Conseil, mérite l’attention. La mixité sociale est l’un des grands enjeux de la société française qui a su jusqu’à présent échapper au communautarisme. Mais cela change, et le repliement culturel menace les quartiers, et pas seulement dans les banlieues. La culture pour tous est facteur d’intégration sociale, ce n’est pas neuf, mais cela reste encore aujourd’hui largement un slogan. Côté musées, le Conseil avance peu de pistes si ce n’est le numérique, qui malheureusement, comme la gratuité, ne permet pas de franchir l’énorme marche entre, par exemple, un jeune immigré en échec scolaire et le musée d’Orsay. Tout au plus parraine-t-il le projet de structure itinérante du Centre Pompidou, que l’on ne peut qu’encourager s’il s’installe aussi dans les quartiers défavorisés.

Plus inventif, le Conseil veut expérimenter la pratique artistique à travers un projet (le plus abouti) de détournement de lieux patrimoniaux, un projet de constitution d’orchestres pour jeunes de quartier ou encore d’école mobile de cinéma. Alors que la contemplation des œuvres reste un exercice solitaire, la pratique d’un art est un formidable outil collectif grâce auquel on apprend à se dépasser soi-même et à travailler avec les autres. Étonnamment, les seuls lieux dans le domaine des beaux-arts à ne pas expérimenter une forme ou une autre de mixité sociale sont justement ceux qui font de l’argent, beaucoup d’argent, avec un discours plastique sur le monde et ses difficultés : les foires, galeries ou maisons de ventes. Monsieur Karmitz, ouvrez à nouveau votre boîte à outils et trouvez la clef qui saura étendre la transversalité sociale du temple aux marchands qui en vivent.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°617 du 1 octobre 2009, avec le titre suivant : Transversalités

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